Pas de campagne sans réseaux sociaux


Tahiti, le 11 avril 2023 – Depuis plusieurs années déjà, les campagnes électorales se font de plus en plus sur les réseaux sociaux. Facebook, Instagram, TikTok... les différentes listes candidates pour les élections territoriales ont investi tous les réseaux. Pas question pour autant de délaisser les rencontres directement avec la population, mais les réseaux permettent de toucher des électeurs qui ne participent pas aux meetings ou ne s'informent pas via les médias classiques.
 
Quinze mille followers sur Facebook pour le Tavini, 14 000 pour le Tapura, 11 000 pour le Amuitahiraa o te Nuna'a Mā'ohi, 7 500 pour le A Here ia Porinetia, 1 900 pour Ia Ora te Nūna'a comme pour Heiura-Les Verts, 1 200 pour Hau Mā'ohi... La campagne électorale, aujourd'hui, se fait aussi sur les réseaux sociaux, Facebook en tête, mais également Instagram, TikTok, voire parfois le réseau social professionnel LinkedIn. Les listes en lice pour les élections territoriales, dont le premier tour aura lieu ce dimanche, y présentent leur programme, des synthèses des réunions et tournées dans les quartiers, leurs déplacements dans les îles ou encore y relaient leurs passages médiatiques, mais elles présentent aussi le bilan de leur mandature pour le Tapura ou encore leurs colistiers pour le A Here, “car ce sont des personnes qui s'engagent pour la première fois”, précise Nicole Sanquer, tête de liste de la section 2 des îles du Vent.
 
Pour le politologue Sémir Al Wardi, on observe effectivement une évolution dans la manière de faire campagne au fil des élections. “Auparavant, au moins deux mois avant les élections, il y avait des drapeaux partout, il y avait des véhicules qui circulaient avec des drapeaux et des distributions de tracts dans les rues. On sentait qu'on était en campagne électorale. Là, le grand changement, c'est que ça a commencé extrêmement tard. On sent moins qu'on est en campagne parce que ça a plus basculé dans les réseaux sociaux et dans le porte-à-porte et les petites réunions de quartier.

Aller chercher les plus jeunes

Effectivement, les réseaux sociaux sont devenus l'un des moyens privilégiés de faire campagne. “À la différence des médias classiques comme la télévision ou la radio, les réseaux sociaux permettent aux partis politiques d'avoir un contact direct avec la population”, explique Léonard Puputauki Jr, coordinateur principal du Tapura Huiraatira. “Les îles sont également très connectées et c'est vrai que là où nous n'avons pas pu nous déplacer à l'occasion de cette campagne, les réseaux sociaux nous permettent d'adresser des messages spécifiques et d'avoir nos candidats qui relayent ces messages”, indique, pour sa part, Nicole Bouteau, tête de liste Ia Ora te Nuna'a sur la section 1 des îles du Vent. Mais les différents partis ne veulent pas pour autant délaisser le contact humain et la rencontre directe avec la population. Cependant, “on voit au fil des ans une désaffection des Polynésiens pour les meetings publics”, souligne le candidat du Tavini et tête de liste de la section des îles Sous-le-Vent, Moetai Brotherson, qui, avec ses 30 000 followers, se targue d'être “le politicien le plus suivi sur Facebook” en Polynésie, loin devant les 4 700 followers du candidat Ia Ora te Nūna'a et sénateur Teva Rohfritsch ou des 2 600 du président sortant et candidat Tapura Édouard Fritch. “Dans les 'meetings de bord de route', on ne voit finalement venir que des convaincus, des gens dont on sait très bien qu'ils sont de tel ou tel parti. Ce qui est important, c'est de convaincre les autres, ceux qui ne sont pas encore convaincus, ceux qui n'ont pas envie de voter”, poursuit Moetai Brotherson. Et c'est donc sur les réseaux sociaux qu'ils vont les chercher. “Les réseaux sociaux nous permettent de toucher un large public en peu de temps”, admet Nicole Sanquer.
 
Et parmi ceux qui ont tendance à délaisser les urnes, on retrouve souvent les jeunes. Les partis misent sur les réseaux sociaux pour leur faire passer leurs messages. “Aujourd'hui, c'est un moyen de communication, notamment auprès d'un public plus jeune, les jeunes adultes qui ne regardent pas la télévision, qui n'écoutent pas la radio, mais qui par contre sont sur les réseaux sociaux. On s'aperçoit qu'ils s'informent également de notre actualité politique via ces réseaux sociaux”, indique Nicole Bouteau. Pour atteindre les plus jeunes, les partis se sont notamment mis sur TikTok, réseau extrêmement plébiscité par la jeune génération. Même si “la plupart des utilisateurs de TikTok sont des adolescents”, remarque Moetai Brotherson. “Mais ça reste utile de les informer parce que ce sont les électeurs de demain. Donc on peut commencer à les sensibiliser.” Pour faire leur communication sur les réseaux, la plupart des partis se sont donc doté d'une équipe dédiée, même restreinte. “On réalise des courtes vidéos avec des scénarios pour vulgariser le message pour que les jeunes se sentent concernés”, indique Nicole Sanquer.

Les réseaux ont aussi leurs travers

Si les réseaux sociaux sont devenus “incontournables”, ils ont aussi leurs travers. Il est en effet très facile de se cacher derrière un pseudo pour publier des messages hostiles. C'est pour cette raison que les deux chaînes de télévision locales, Polynésie La 1ère et TNTV, ont adopté la même politique : les commentaires sur Facebook sont désactivés sur tous les sujets politiques. “Chers internautes, ce type de publication fait souvent réagir certains d'entre vous de manière très forte. Chez TNTV, nous souhaitons permettre aux candidats aux élections territoriales de s'exprimer sans être victimes de critiques ou de propos haineux contraires à notre charte. Pour cette raison, nous avons choisi de restreindre au maximum les commentaires sous cette publication”, peut-on par exemple lire sous un article sur la page Facebook de la chaîne du Pays. Pour Polynésie La 1ère comme pour TNTV, seuls les débats diffusés en live sur internet sont modérés en direct. Heidi Yieng Kow, déléguée au numérique à Polynésie La 1ère, explique ce choix : “C'est pour ne pas avoir à nettoyer derrière, parce que c'est vraiment un gros nettoyage. Par exemple, sur un débat d'une heure, on peut avoir jusqu'à 1 000 ou 1 200 interactions et il y a de tout, des gens qui mettent 15 000 emojis jusqu'à des propos racistes, en passant par les offres de prêt. Il faut être là en permanence.” Concernant les propos racistes, il y en a, selon elle, “entre 10 et 30 sur 1 000 interactions”. “On fait un premier avertissement et après on les bloque carrément. Donc dès que tu fais une modération, après ça stagne.”
 
En cette fin de campagne pour le premier tour, tous ont les yeux sur les statistiques pour mesurer l'impact de leur présence sur les réseaux. Cependant, si “l'impact des réseaux sur les élections est non négligeable, on ne gagne pas les élections qu'avec les réseaux sociaux”, rappelle Léonard Puputauki Jr. “Je pense que la proximité, c'est encore la force de la Polynésie aujourd'hui.”

Rédigé par Anne-Laure Guffroy le Mardi 11 Avril 2023 à 18:57 | Lu 1563 fois