Pas d'incarcération au procès du trafic postal d'ice


Crédit photo : Tahiti Infos
Tahiti, le 14 février 2023 – Le procès de six individus, dont un ancien employé de l'OPT, poursuivis pour avoir importé 620 grammes d'ice par voie postale, s'est déroulé mardi devant le tribunal correctionnel. Cinq des six prévenus ont écopé d'un an de prison ferme assorti de sursis. Ayant déjà purgé un an de détention provisoire, ils n'iront pas en prison. Le dernier prévenu a quant à lui écopé de quatre mois de sursis. 

Difficile d'y voir clair dans le dossier de trafic d'ice jugé mardi devant le tribunal correctionnel. Six hommes, dont un ancien employé de l'OPT ainsi que deux individus déjà condamnés dans le cadre d'affaires portant sur des trafics de stupéfiants, ont en effet comparu devant la juridiction pour répondre, chacun à leur niveau, de leur implication dans l'importation de 620 grammes d'ice entre mai 2019 et janvier 2020. Cette affaire, largement relayée par les médias, avait débuté au début de l'année 2020 lorsqu'après six mois d'enquête, les douaniers avaient interpellés sept individus dont deux employés de l'OPT. 
 
Selon les éléments recueillis par les enquêteurs, ces hommes avaient mis en place un dispositif bien rôdé : deux d'entre eux s'étaient rendus à deux reprises aux États-Unis où il avait envoyé des enveloppes contenant des sachets d'ice. Les courriers, envoyés à des adresses fictives, devaient ensuite être récupérés par deux hommes employés à l'OPT qui devaient les transmettre à d'autres individus. Or, les douanes ayant saisi une grande partie de ces enveloppes, les esprits avaient commencé à s'échauffer dans le petit groupe ou certains soupçonnaient l'un des deux agents de l'OPT d'avoir détourné la méthamphétamine. 
 
Agissements “sous contrainte”
 
Au terme des gardes à vue, les sept individus avaient été présentés en comparution immédiate. Leurs avocats ayant obtenu l'ouverture d'une information judiciaire, l'affaire avait été renvoyée à l'instruction afin que de nouvelles investigations puissent venir clarifier le rôle de chacun. Au terme d'un peu plus de deux ans d'instruction, le magistrat a finalement décidé de renvoyer six des sept prévenus. Le dernier mis en cause, l'un des postiers de l'OPT, a quant à lui été renvoyé pour simple usage de stupéfiants et jugé en comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité (CRPC). Le magistrat instructeur a en effet estimé que cet homme, menacé et frappé par ses coprévenus, avait “agi sous la contrainte”. 
 
Mardi, ce sont donc les six autres prévenus de ce dossier, dont un autre ancien agent de l'OPT et deux hommes déjà condamnés dans le volet stupéfiants de l'affaire Barbion-Boiron, qui ont défilé à la barre du tribunal correctionnel. Premier à être interrogé, un ancien chef de chantier a expliqué au tribunal qu'il avait servi de mule pour les deux voyages car il avait besoin d'argent. Son cousin, qui s'était lui aussi rendu en Californie, a également reconnu avoir envoyé les enveloppes en expliquant que, puisque ces dernières n'étaient pas toutes arrivées à bon port, il avait commencé à soupçonner l'un des deux postiers de l'OPT chargé de la récupération des courriers. L'homme a ainsi expliqué qu'avec l'un de ses coprévenus, considéré par la justice comme le commanditaire des importations, ils avaient menacé et frappé le postier. Une première fois, ils lui avaient montré une carabine en lui disant : “Voilà ce qui va t'arriver si tu ne dis pas la vérité”. Une seconde fois, ils s'étaient rendus à son domicile pour le rosser. 
 
Licencié pour faute grave
 
Entendu à son tour mardi, celui que la justice considère comme le “commanditaire” des importations postales et dont le casier comporte dix condamnations, a nié avoir exercé de quelconques violences sur l'agent de l'OPT et a fermement soutenu qu'il n'avait pas financé ces voyages. L'homme a par ailleurs confirmé qu'il avait une carabine dans le coffre de son véhicule car ils ne voulaient pas que ses enfants y touchent. Interrogés à leur tour, les trois autres prévenus du dossier ont reconnu leur participation à minima.
 
Présent lors de l'audience, l'agent de l'OPT a confirmé à la barre qu'il avait été recruté par le commanditaire désigné par la justice et que ce dernier l'avait menacé dès le début. L'homme a ensuite expliqué qu'il avait été licencié pour faute grave suite à son arrestation après 15 ans passés à l'OPT. Alors qu'il s'est constitué partie civile dans le cadre de cette affaire pour les violences subies, son avocat, Me Teremoana Hellec, a rappelé que son client s'était vu “accusé d'avoir sciemment participé à des importations” et que son employeur n'avait “même pas attendu la fin de la procédure” pour le mettre à la porte. 
 
Préjudices pour l'OPT
 
Également constitué dans ce dossier en qualité de partie civile, l'OPT a demandé, par la voix de son avocat, 1,8 million de Fcfp au titre du préjudice matériel –prix de “l'enquête interne”– et 1,4 million de préjudice matériel au regard des “nombreuses réactions des internautes suite aux articles de presse” portant sur ce trafic. Le procureur de la République a ensuite requis quatre ans de prison ferme assortis d'un mandat de dépôt à l'encontre de celui qu'il considère comme ayant été le “commanditaire” et des peines d'un an ferme à quatre mois de prison à l'encontre des cinq autres prévenus. 
 
Si les avocats de cinq des six prévenus ont tous salué des réquisitions assez adaptées, les conseils du commanditaire, Mes Edouard Varrod et Thibaud Millet, ont quant à eux fustigé un dossier où les charges retenues contre leur client relèvent uniquement des témoignages de ses coprévenus. Me Édouard Varrod a ainsi affirmé qu'il n'y avait ni “écoutes”, ni “filatures” dans le dossier et que son client, “ce petit bonhomme avec ses lunettes”, loin d'être un “boss”, était un père de famille qui a désormais un “emploi stable”. Me Thibaud Millet a clos les plaidoiries en soutenant que la peine requise était disproportionnée alors qu'il y a, de plus, une forte “surpopulation carcérale” en Polynésie. 
 
Après en avoir délibéré, le tribunal a décidé de condamner cinq des six prévenus, dont le supposé commanditaire, à un an de prison ferme assortis d'un ou deux ans de sursis. Ces cinq hommes ayant déjà été incarcérés durant un an dans le cadre de cette affaire, ils sont ressortis libres du tribunal. Le dernier prévenu, moins impliqué, a quant à lui écopé de quatre mois de prison avec sursis. Le tribunal a par ailleurs rejeté toutes les demandes de l'OPT, jugées “irrecevables” car relevant d'un “préjudice indirect”.  
 

Rédigé par Garance Colbert le Mardi 14 Février 2023 à 18:31 | Lu 1846 fois