Pacif’ink, l’impression zéro déchet


Tahiti, le 20 juin 2021 – Avec ses cartouches d’encre reconditionnées en Europe, Pacif’ink services offre à ses clients l’occasion de réduire leur impact carbone, à raison de trois litres de pétrole brut par cartouche toner remise à neuf. Au passage, la start-up a permis d’éviter l’enfouissement de plus de 2 tonnes de plastique.
 
"L'impression reste incontournable dans notre civilisation, autant faire en sorte qu'elle soit le plus propre possible", résume Guillaume Reynaud, co-fondateur de Pacif'ink services. C'est à partir de là que la start-up de reconditionnement de cartouches a vu le jour, nourrie par le triste constat de l'omniprésence des déchets. "Ça fait 20 ans que je travaille ici, je suis plongeur, je nettoie le lagon très régulièrement et du plastique, il y en a partout", déplore le responsable. "Le monde reconditionne depuis des décennies des cartouches d'encre, sauf à Tahiti où on a encore trop l'habitude d'acheter et de jeter".
 
Voilà déjà trois ans que la petite société installée à Tipaerui propose des cartouches d’origine "remises à neuf", ou "reconstruites à partir de zéro". Et parce qu'il faut bien partir de quelque part, la start-up propose aussi du neuf à ses clients, c'est-à-dire des cartouches qui ne sont pas issues du reconditionnement. "Pour ça, on commande ici, afin de faire tourner l'économie locale", précise Sophie Martinet, responsable des opérations. Mais Pacif'ink revient surtout collecter ces mêmes cartouches une fois vides pour les renvoyer en Europe chez les deux principaux "reconditionneurs" du monde, dont la maison nantaise Armor Industries, spécialiste des cartouches laser remanufacturées à raison de 1,5 million d'unités par an.
 
C'est à eux que Pacif'ink renvoie ses cartouches vides par bateau. Là-bas, les ingénieurs font un premier tri. "Une cartouche, c'est un réservoir à la base, avec une puce, des fours, ou des rouleaux, avec des prix qui varient de 1 000 à 80 000 Fcfp", développe Sophie. "Mais si le réservoir est fendu, ou qu'il a trop chauffé, le plastique durcit, elle n'est pas "reconditionnable" sachant qu'elle peut l'être en moyenne huit fois". Celle-ci n'est pas jetée pour autant, mais démantelée. Ses matières (plastique, acier) sont triées, puis broyées en chips afin d'être fondues à nouveau pour servir de base à la construction de nouvelles cartouches.
 
Zéro déchet
 
Côté remise à neuf, l'appareil est démonté, nettoyé puis remonté avec de nouvelles pièces (ressorts, clapets, petits mécanismes d'entraînement, etc) issues des matières première secondaires(MPS), soit du traitement décrit plus haut. "On a une cartouche de même qualité qu'une originale, qui est passé par les mêmes séries de test", précise Marion Geillon, du service commercial. Résultat : la boucle est bouclée dans un modèle d'économie circulaire. "Ce qui permet de faire du zéro déchet", sourit Sophie. "La seule chose qui reste en Polynésie, finalement, c'est l'encre sur le papier".
 
Dans une industrie totalement dépendante de l'approvisionnement en cartouches vides, se pose cependant la question de l'impact carbone. "Certes, mais c'est moins pire que d'enterrer tous ces déchets et d'attendre sept à dix siècles pour qu'ils se décomposent éventuellement", argumente la responsable. D'autant que dans notre milieu insulaire, la Polynésie est radicalement dépendante des importations. "Il y a de toute façon un impact carbone mais, en contrepartie, on réduit l'impact environnemental et le reconditionnement utilise moins de ressources naturelles que pour produire du neuf", renchérit sa collaboratrice. À raison de trois litres d’hydrocarbure par cartouche toner reconditionnée, Pacif'ink estime à 6 600 litres le volume de fioul économisé sur un total de 4 300 unités, soit un peu plus de 2 tonnes de plastiques. Voilà pour l'empreinte carbone.

Toute une philosophie

Mais ce n'est pas tout. "Pacif'ink, au-delà de la cartouche, c'est tout ce qu'il y a autour", jusqu'aux packaging, tous écolabellisés. "On est vraiment dans une logique écoresponsable à tous les niveaux, même le principe industriel de reconditionnement suit des normes internationales de l'environnement et du travail", précise Marion Geillon. Dans une démarche d'économie circulaire, la start-up a toujours en stock minimum un trimestre d'avance. Pour limiter les déplacements, elle cherche aussi à grouper les commandes. "On sait prévoir les consommations de nos clients et optimiser les commandes chez nos fournisseurs", argumente Sophie. Pacif'ink peut d'ailleurs se targuer d'une traçabilité irréprochable à partir du moment où la cartouche pleine est livrée. Ce qui lui permet de livrer un "bilan matière" à chacun de ses clients, leur permettant de visualiser le poids total de déchets des cartouches confiées à la start-up et leur valorisation (réemploi, valorisation matière, rebus). De quoi les sensibiliser à leur tour et ainsi peut-être faire tâche d’huile.
 
Chez Pacif'ink, la responsabilité sociétale de l’entreprise (RSE) refuse ainsi d'être comprise comme une simple mesure cosmétique. Dans cette démarche volontaire, la start-up est bien décidée à tenir compte des effets de ses activités sur l’environnement social et écologique. "Comment améliorer encore l'empreinte carbone ? Il y a tout un travail de sensibilisation et de formation chez nos clients pour qu’ils aient le réflexe de mettre de côté, dans des bacs internes de centralisation pour faciliter la collecte", reprend Sophie. Correctement utilisées, les cartouches remises à neuf jouent un rôle essentiel dans la stratégie d’approvisionnement en équipement et consommable de bureau. "Elles peuvent réduire le coût total d’impression en plus de préserver l’environnement".
 
Moins chers
 
Même philosophie pour la branche imprimantes de la start-up, Pacif'ink Printers ayant obtenu l’exclusivité pour la commercialisation de la gamme professionnelle de Lexmark. Le fournisseur mondial d'imprimante et de photocopieur a d'ailleurs lui-même pris le virage vert. "Petit à petit, on essaye de voir comment on peut tendre vers un parc encore plus éco-responsable, changer les machines qui consomment beaucoup de cartouches… On a un rôle de conseil sur les parcs de nos clients", énumère Marion Geillon.
 
Reste la question du prix. Si en Europe, les cartouches reconditionnées sont moins gourmandes en matière première et coûtent moins chères que les originales, l'écart se resserre à Tahiti, du fait des frais de collecte et de transport. "Malgré tout, on est 5% en dessous du prix neuf pour conserver un prix d'approche, mais la démarche à un surcoût", nuance Sophie. "À un moment donné, quand on fait de la traçabilité, il y a aussi un coût humain".
 

Rédigé par Esther Cunéo le Lundi 21 Juin 2021 à 16:34 | Lu 2318 fois