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Ouvéa: Mathieu Kassovitz se défend d'avoir choisi la "controverse" avec son film


Ouvéa: Mathieu Kassovitz se défend d'avoir choisi la "controverse" avec son film
SARLAT, 12 novembre 2011 (AFP) - L'acteur et réalisateur Mathieu Kassovitz défend son film sur l'assaut en 1988 de la grotte d'Ouvéa en Nouvelle-Calédonie, "L'ordre et la morale" (sortie mercredi), attaqué par l'ex-ministre de l'Outre-Mer Bernard Pons.

A l'opposé de toute "controverse", il a revendiqué au contraire, à l'occasion de sa venue au festival du film de Sarlat, une "image étayée" susceptible d'offrir une "base pour discuter", qualifiant "d'absurde" et "inadmissible" la décision de ne pas diffuser ce film en Nouvelle-Calédonie, où il voit le résultat de pressions politiques.

Q: Que répondez-vous à ceux qui, comme Bernard Pons, jugent le film biaisé?

R: "Je lui demande juste d'aller voir le film avant d'en parler. Le général Jérôme Vidal (qui a commandé l'opération: NDLR) l'a vu en avant-première mais pas Pons. Quand on a préparé le film, on a contacté ces personnes qui ne nous ont pas répondu (...) donc on a fait le travail sans eux.

Là où on a besoin de leur intelligence et de leur éthique, s'ils en ont encore, c'est pour reconnaître que l'Histoire, avec un grand H, que l'affaire d'Etat est vraie et n'est pas du tout biaisée. Ce sont des gens, comme Pons, incapables d'assumer (...) leurs responsabilités".

Q: A partir de quels éléments avez-vous écrit le scénario du film?

R: "J'ai notamment travaillé à partir de l'enquête de la Ligue des droits de l'Homme de 1989 qui a été faite à partir de témoignages des militaires, des Kanaks, de Pons, de Vidal... même si sa conclusion n'est pas forcément ce que disent Pons et Vidal.

Mon film n'est pas adapté du livre de Philippe Legorjus (l'ancien commandant du GIGN qui avait été au centre des négociations avec les Kanaks à Ouvéa: NDLR) (...) Son livre, je l'ai lu comme tous les autres bouquins qui portent sur le sujet. J'ai cependant rencontré Legorjus pendant dix ans. Il m'a expliqué ce qu'il avait vécu. Puis, après, comme il connaît bien les Kanaks, il m'a aidé à comprendre ce que j'étais en train de vivre et dans les négociations avec eux pour arriver à faire le film.

On a fabriqué une image globale (de ce qui s'est passé avant et au cours de l'assaut de la grotte d'Ouvéa: NDLR) qu'on a vraiment étayée de toutes les informations possibles pour être sûrs de ne pas raconter de bêtises. Cela permettra d'avoir une base de départ pour discuter, d'où l'intérêt de ne pas faire un film controversé".

Q: Que pensez-vous de la décision du seul exploitant de salles de cinéma de Nouméa de ne pas programmer le film?

R: "C'est comme ne pas passer les Ch'tis dans le Nord, c'est absurde (...), inadmissible qu'un Caldoche dise à des Kanaks qui ont travaillé pendant dix ans sur un projet qu'ils ne sont pas assez adultes et intelligents pour regarder et apprécier leur propre travail, sur leur propre histoire et sur leur propre territoire.

L'exploitant de la salle a reçu des pressions politiques qui viennent de l'UMP directement, de Pierre Frogier, sénateur de la Nouvelle-Calédonie (celui-ci, dans une interview aux Nouvelles Calédoniennes du 29 octobre, a jugé le film "malvenu" et "subjectif", tout en assurant ne pas être intervenu contre sa diffusion, NDLR). Je continue à me battre pour que ce soit diffusé là-bas (sur trois copies, selon son producteur).

Propos recueillis par Julie FRAYSSE

Rédigé par () le Samedi 12 Novembre 2011 à 12:34 | Lu 861 fois