Ori i Tahiti fait honneur au reo mā'ohi


Plus de 160 artistes représenteront la troupe Ori i Tahiti à To'atā, demain soir.
PAPEETE, le 3 juillet 2018 - Cette troupe est très attendue au tournant. Avec son équipe, Teraurii Piritua, le chef de Ori i Tahiti a décidé de dresser un état des lieux sur la jeunesse et les langues polynésiennes. Est-ce que nos langues seront amenées à disparaitre ou pas ? Dans son spectacle, la troupe n'apporte aucune réponse, mais elle donne des pistes pour se situer.

"C'est une invitation à se réapproprier notre langue. Pour le moment, nous sommes très peu de locuteurs et si on continue comme ça, cette langue va disparaitre peut-être. Je dis peut-être parce que je sais qu'elle ne disparaitra pas", le message du chef de la troupe Ori i Tahiti, Teraurii Piritua est clair.

Cette année, Teraurii a décidé de mettre en avant nos langues polynésiennes, avec leur thème "Te Mā'ohi 'ē", écrit par Tāne a Raapoto. "C'est un constat que l'auteur fait sur la génération d'aujourd'hui par rapport à sa langue. Il ne donne pas de solutions, mais des pistes. Ce thème est adressé non seulement à la nouvelle génération, mais aux parents et futurs parents également", explique le chef de la troupe.


CINQ TABLEAUX DANS LEUR SPECTACLE

Pour développer leur thème sur scène, Teraurii Piritua s'est inspiré "des doubles sens" du texte. "Il faut comprendre le message qui se trouve derrière. Pour cela, il a fallu que je discute beaucoup avec l'auteur", indique Teraurii Piritua.

Le chef de Ori i Tahiti est allé également à la rencontre de nos māmā "qui font de la médecine traditionnelle pour comprendre le geste, lorsqu'elles utilisent le penu". Dans notre 3ème tableau, "il y a des penu, c'est comme si nous préparions un remède. Et avant de le mettre dans notre spectacle, il a fallu que je maitrise bien le sujet."

Une fois l'inspiration trouvée, il a fallu réfléchir sur la mise en scène du spectacle, et cela a été réparti en cinq tableaux. "C'est un constat où on représente le Mā'ohi d'aujourd'hui à un arbre. Est-il couché ou entièrement déraciné ? C'est la question que l'on se pose", explique le chef de la troupe.


LE SPECTACLE EN RÉSUMÉ

Le premier est adressé aux parents qui n'enseignent pas la langue à leurs enfants pour plusieurs raisons. "Nous sommes là pour appeler ces parents à réapprendre à leurs enfants à écouter la terre, à reconnaitre les plantes, à reconnaitre les étoiles, le ciel, la mer, il ne s'agit pas d'être un savant. Par exemple, lorsque vous vous promenez avec vos enfants et que vous voyez des plantes, vous pouvez leur dire : "E 'autī terā", "e tīpaniē terā", et si c'est un fruit : "e 'ī'ītā". Rien que ces petits mots, dès le plus jeune âge, l'enfant va retenir et en grandissant ce ne seront pas des mots étrangers."

Puis, la troupe représentera la nouvelle génération à un "ruhiruhiā" (personne âgée). Cette partie se découpera en deux tableaux. La troupe mettra tout d'abord en avant "ce "ruhiruhiā" qui a plein de connaissances et qui s'est tu aujourd'hui. Et la nouvelle génération a été privée de ce savoir. C'est la raison pour laquelle, elle ne réagit pas vite et ne prend pas vite conscience. C'est un appel en fait aux "ruhiruhiā" de continuer à transmettre leur savoir". La deuxième partie de ce tableau s'adressera à cette nouvelle génération. "C'est à eux aussi à aller chercher les connaissances auprès de nos anciens."

Le chef de la troupe a choisi de représenter une jeunesse malade, et perdue sans sa langue. "Elle ne se reconnait plus en tant que Mā'ohi sur sa propre terre. Cette génération a besoin d'être soignée, d'où le "'ūmete" et le "penu". Cette transmission signifie qu'il faut réapprendre à cette jeunesse à écouter la terre. Souvent, on dit que face à la terre, on se pose beaucoup de questions. Mais c'est aussi dans la terre que l'on trouve des solutions. La terre n'est pas seulement un endroit où l'on peut construire sa maison, mais elle nous nourrit et nous soigne aussi."

Le prochain tableau parle des racines. "C'est un autre constat de l'état actuel de la génération face à cette langue qui reste silencieuse et qui continue d'exister tant bien que mal, alors que cette génération lui tourne le dos."

Ori i Tahiti terminera son spectacle sur une note d'espoir, "en essayant de revaloriser le Mā'ohi d'aujourd'hui". "Le Mā'ohi d'aujourd'hui n'est pas étranger. C'est une graine qui est en chacun d'entre nous et qui attend d'éclore", assure Teraurii Piritua. "On se reconnait à travers le tatouage, les chants… Mais qu'est-ce qu'il restera à un peuple demain pour qu'on le reconnaisse en tant que peuple ? Eh bien, c'est sa langue. Là, on essaye d'encourager, on donne de l'espoir. Il ne faut pas avoir honte d'être Mā'ohi. La solution est en chacun d'entre nous", poursuit le chef de la troupe Ori i Tahiti.

Les 160 artistes de la troupe vous présenteront "Te Mā'ohi 'ē" jeudi soir sur la scène de To'atā, dans la catégorie Hura Tau.



LA PAROLE À

Teraurii Piritua
Chef du groupe Ori i Tahiti

"Il faut faire tomber le mur qu'il y a entre le Mā'ohi et sa langue"


"Aujourd'hui, il y en a qui ont honte de dire qu'ils sont Mā'ohi parce qu'ils ne parlent pas leur langue. Nous, nous sommes là pour leur dire qu'ils ont tort et que ce n'est pas de leur faute, mais celle de leurs parents, qui ont fait certainement un choix ou qui ont des difficultés parce qu'ils n'ont pas eu la chance d'apprendre cette langue. Mais la langue est là et elle vous appelle tout le temps, c'est vous qui vous éloignez. Il faut faire tomber le mur qu'il y a entre le Mā'ohi et sa langue. C'est chacun qui doit retrouver son chemin. C'est un long cheminement, mais il ne faut pas perdre espoir. Il ne faut pas baisser les bras et il faut aller de l'avant."


Dans son spectacle, la troupe utilisera des 'umete et des penu.

Rédigé par Corinne Tehetia le Mardi 3 Juillet 2018 à 16:23 | Lu 606 fois