OrelSan, maître du temps


Valery HACHE / AFP
Paris, France | AFP | vendredi 18/11/2021 - Il remet les pendules à l'heure: à l'aube de ses 40 ans, OrelSan rembobine son passé, colle à l'époque et envisage demain avec un album traversé par la question de "transmission", comme il le confie à l'AFP.

En dépit de l'immense succès de son précédent disque "La fête est finie", le rappeur est resté "simple, basique" pour citer son tube d'il y a quatre ans. Il déboule seul, en trottinette électrique, dans la rue du rendez-vous parisien fixé avec l'AFP. Tout heureux de l'anonymat conféré par le port du masque en temps de crise sanitaire. 

Mais derrière la décontraction, l'orfèvre est toujours là. Parmi sa nouvelle collection de joyaux, on trouve "Manifeste" et "L'odeur de l'essence" dans une veine de chroniques sociales et politiques. 

"Manifeste" est un morceau de bravoure de 7 minutes sur une manifestation qui tourne mal, à la belle écriture cinématographique. Il en parle d'abord comme d'une "pure fiction". Mais ce sont bien des fragments de réalité qu'il sculpte. 

A Paris (il se partage entre la capitale et sa Normandie natale), il habite non loin de la place de la République, point de ralliement des "manifs', ces rares endroits où énormément de personnes différentes se regroupent pour des raisons diverses, maintenir l'ordre, revendiquer, badauds...". Le personnage de l'aide-soignante du titre est né de ses fréquentes visites à sa "grand-mère en Ehpad", comme il le dévoile.

Et puis il y a le premier single sorti, "L'odeur de l'essence", tacle imparable au cocktail polémique/extrémisme/outrance servi dans certains débats autour de la campagne présidentielle.  

"Ombre et lumière" 

"Je ne suis pas trop l'actualité mais en parlant avec les gens qui m'entourent je vois que ça devient des thématiques de la campagne", avance-t-il modestement. Avant de développer: "En appelant l'album +Civilisation+ je pensais surtout au départ à la science-fiction, à +Fondation+ (livre culte) d'Isaac Asimov, le drapeau sur la pochette, c'était l'idée de reconstruction post-apocalyptique". 

L'apocalypse est là, déjà, entre le suicide d'un professeur de musique qui surgit dans "La quête", tout comme le désastre écologique et l'exploitation humaine en pointillés dans "Baise le monde". 

Mais l'album n'a pas qu'un côté sombre. Humour et auto-dérision sont toujours là, comme sur le feu d'artifice "Casseurs Flowters Infinity" avec son complice Gringe. Et le disque s'achève sur une approche constructive de l'avenir. 

Un opus entre "ombre et lumière", comme il le chante dans le premier et dernier titre, "Shonen" et "Civilisation". Comme une boucle qui marque l'heure du bilan et des perspectives. 

"J'ai 39 ans, je suis marié, c'est le dernier album de mon contrat (avec la maison de disques), il y a une première partie réflexion sur le passé, un côté négatif puis un coté plus positif". 

Pharrell Williams 

Et sa grande question est donc: "Qu'est-ce que tu vas transmettre à tes enfants ? +Civilisation+, c'est la société qui m'entoure et ce que je peux apporter". "Apprendre à désapprendre" scande-t-il en réponse dans "Civilisation" où transpire aussi l'envie d'une descendance. 

Musicalement, il laisse déjà un bel héritage. Sur "Dernier verre", il s'offre une collaboration avec Pharrell Williams. 

The Neptunes, duo de producteurs-stars dont fait partie Pharrell Williams, l'ont fait rêver dès ses débuts, comme on peut le voir dans la série-documentaire événement sur sa carrière, "Montre jamais ça à personne" (Amazon Prime Video). 

"C'est incroyable, fou, de les avoir sur ce disque", souffle-t-il. Mais comment les joindre ? "J'ai demandé à Pedro Winter (ancien manager des Daft Punk, boss du label électro Ed Banger), je savais qu'ils se connaissaient, en lui disant +excuse, c'est peut-être ultra prétentieux mais ce serait possible de demander aux Neptunes ?+". "Et là Pedro dit +ouais pourquoi pas ? J'envoie un texto à Pharrell+ (rires)". 

Et après une quarantaine (15 jours en fait) au Mexique imposée par le Covid-19, la rencontre s'est faite dans un studio à Miami. Simple, basique. C'est d'ailleurs le morceau "Basique" que Pedro Winter avait envoyé en lien dans son texto à Pharrell Williams. 

le Vendredi 19 Novembre 2021 à 05:34 | Lu 421 fois