Ordonnances royales, mystère et prescription


Henri Renaud de la Faverie, qui n'a pas fait le déplacement depuis la métropole, était représenté par Me Yves Piriou.
PAPEETE, le 5 septembre 2017 - Un ancien président du tribunal de première instance de Papeete, Henri Renaud de la Faverie, devait être jugé ce mardi par son ancienne juridiction pour "recel d'objets provenant d'un délit". Mais le tribunal a jugé les faits prescrits.

Ce magistrat aujourd'hui âgé de 73 ans, en poste dans les années 80 en Polynésie française, avait fait l'objet d'une enquête ouverte en 2013 pour avoir vendu à une galerie parisienne, au milieu des années 2000, une série d'ordonnances royales originales signées de la reine Pomare, des biens appartenant au Pays et dont il avait donc pris possession.

Insolite, le dossier était attendu comme une petite gourmandise du côté du palais de justice. Il a vite perdu de sa saveur, le tribunal correctionnel se rangeant du côté de la défense du prévenu, lui demandant de constater l'extinction de l'action publique sur ces faits relativement anciens et désormais prescrits. Le galeriste parisien ayant pu justifier avoir acheté de bonne foi le précieux patrimoine culturel en 2007 et aucune action en justice n'ayant été lancée dans le délai légal de trois ans, la plainte du service des archives du Pays en 2013 serait donc arrivée bien trop tard aux yeux du tribunal. L'enquête avait néanmoins eu lieu et le très sérieux Office central de lutte contre le trafic des biens culturels avait été saisi par le parquet. Des perquisitions avaient été réalisées.

Restituées au Pays

Si, depuis, les précieuses ordonnances royales ont été restituées au Pays, le mystère demeure sur la façon dont Henri Renaud de la Faverie en a fait l'acquisition. Aujourd'hui en métropole, l'ancien magistrat n'a pas fait le déplacement. Il était représenté localement par l'avocat Me Yves Piriou. "Les documents lui ont été remis par un ami décédé dont il n'a pas souhaité donné le nom", a raconté l'avocat au tribunal avant le classement de l'affaire, portant la version de son client. "Il a quitté la Polynésie française il y a quelques années et a indiqué avoir retrouvé ces documents égarés dans les déménagements. N'en ayant pas d'utilité, il a eu l'idée de les présenter à une galerie qui s'est montrée intéressée".

Une transaction qui lui avait rapporté à l'époque plus de 9 000 euros, soit 1 million de francs environ. Selon sa défense, le service des archives lui-même, plaignant, n'aurait pas été en mesure de fournir de traçabilité de ces écrits royaux avant qu'ils ne tombent dans l'escarcelle d'Henri Renaud de la Faverie. Le galeriste parisien qui les avait lui-même revendus peu de temps après en avoir fait l'acquisition a affirmé pendant l'enquête que les documents n'étaient estampillés d'aucun tampon ou cachet propres aux archives patrimoniales d'une collectivité.

Outre son poste de magistrat à Papeete, Henri Renaud de la Faverie, avait aussi été conseiller du président de l'assemblée de la Polynésie française et travaillé dans divers cabinets ministériels. Le parquet, qui n'a pas caché un certain agacement à l'annonce de la prescription du dossier, peut encore faire appel de cette décision.

Rédigé par Raphaël Pierre le Mardi 5 Septembre 2017 à 18:04 | Lu 6786 fois