PAPEETE, le 11 juin 2019 - « Islands Voices » (les voix des îles) est un groupe de personnalités de la société civile de plusieurs pays du Pacifique qui se réunit régulièrement pour renforcer la collaboration internationale sur la protection des océans. Ce groupe se rassemble cette semaine en Polynésie française, à l’initiative de la fédération environnementale Te Ora Naho, de l’ONG Pew et de la fondation Bertarelli. Aujourd’hui, Jérôme Petit, de l’ONG Pew, rencontre l’un des invités à cet échange, Ludovic Tuki Burns, originaire de Rapa Nui et demi tahitien.
L’île de Pâques est un territoire du Chili qui se trouve à environ 4000 kilomètres à l’ouest des côtes chiliennes et à 4200 kilomètres à l’est de Tahiti. Elle est mondialement célèbre grâce à ses statues Moai, reconnues comme un patrimoine mondial de l’humanité par l’UNESCO. Mais depuis peu, cette petite île est également reconnue comme un leader international de la protection des océans. Le Chili a créé l’an dernier, à la demande des pascuans, l’une des plus grandes Aires Marines Protégées au monde. Elle préserve une zone d’environ 740 000 kilomètres carrés, soit à peu près la taille de la superficie terrestre du Chili.
Ludovic Burns Tuki, est le directeur exécutif de l'organisation communautaire appelée Te Mau o te Vaikava ou Rapa Nui, qui travaille pour la conservation marine de Rapa Nui. Il a milité pendant de nombreuses années pour promouvoir la création cette aire marine protégée.
L’île de Pâques est un territoire du Chili qui se trouve à environ 4000 kilomètres à l’ouest des côtes chiliennes et à 4200 kilomètres à l’est de Tahiti. Elle est mondialement célèbre grâce à ses statues Moai, reconnues comme un patrimoine mondial de l’humanité par l’UNESCO. Mais depuis peu, cette petite île est également reconnue comme un leader international de la protection des océans. Le Chili a créé l’an dernier, à la demande des pascuans, l’une des plus grandes Aires Marines Protégées au monde. Elle préserve une zone d’environ 740 000 kilomètres carrés, soit à peu près la taille de la superficie terrestre du Chili.
Ludovic Burns Tuki, est le directeur exécutif de l'organisation communautaire appelée Te Mau o te Vaikava ou Rapa Nui, qui travaille pour la conservation marine de Rapa Nui. Il a milité pendant de nombreuses années pour promouvoir la création cette aire marine protégée.
Interview de Ludovic Burns Tuki
Pourquoi la population de Rapa Nui a voulu créer une aire marine protégée ?
La raison principale était la diminution des ressources à cause de la pêche illégale. Nos pêcheurs ne trouvaient plus autant de poissons au large et ils devaient se rabattre sur les poissons côtiers pour pouvoir nourrir leur famille ; donc les poissons des côtes ont diminué eux aussi. C’était un gros problème pour nos familles, car tout le monde pêche à Rapa Nui. La nuit, les pêcheurs voyaient souvent des lumières de bateaux illégaux au large. Avec les volontaires, on ramassait des tonnes de déchets marins sur les côtes, et on sait que 75% des déchets marins proviennent de la pêche industrielle, avec des restes de filets, des bouées, des cordes. Donc il y a eu cette volonté de toute la communauté de se protéger de la pêche industrielle. Mais la protection des océans a toujours été dans la mémoire des Rapa Nui, donc ce n’était pas une idée nouvelle.
Comment l’aire protégée a-t-elle été créée ?
Il y avait une forte demande de la population locale, mais aussi une opposition de certaines personnes, qui voyaient le développement de la pêche industrielle comme une opportunité économique pour l’île. En 2017, le gouvernement du Chili a décidé de faire un referendum auprès de la population locale pour savoir exactement la position de la population de Rapa Nui sur ce projet. Et les résultats du vote ont été clairs, malgré les manipulations politiques, 73% des habitants se sont positionnés en faveur de l’aire marine protégée de Rapa Nui, avec le plus fort taux de participation jamais observé. Ce referendum était un moment historique pour notre communauté !
Quelles sont les caractéristiques de l’aire protégée ?
L’aire marine protégée de Rapa Nui est la plus grande zone de protection marine d'Amérique du Sud. Elle restreint toute activité de pêche industrielle et d’extraction minière dans nos eaux, mais permet aux Rapa Nui de poursuivre leurs pratiques de pêche traditionnelle pour assurer la sécurité alimentaire de l’île pour les générations futures. Avec cette zone, les sols marins, la colonne d’eau, les monts sous-marins et tous les écosystèmes associés à ces habitats sont durablement protégés. Et surtout, l’aire marine protège la culture et le mode de vie de notre population, qui sont directement connectés à l’océan.
As-tu déjà observé des évolutions depuis la création de cette zone ?
J’ai observé une augmentation du nombre de pêcheurs artisanaux sur notre île et surtout une augmentation du nombre de poissons. Avant cela, on n’était pas sûr de trouver du poisson au marché ; aujourd’hui, on en trouve tous les jours. La réserve a surtout renforcé l’effort de surveillance des eaux. Mais elle a aussi renforcé la sensibilisation sur la protection de l’océan. Avec l’aide de Pew, depuis de nombreuses années, notre association mène des activités d’éducation, de communication et de ramassages de déchets. Et les résultats sont là, nous avons maintenant parmi nos enfants trois biologistes marins et un océanographe. C’est une réussite.
Quelles sont tes recommandations pour tes frères du Pacifique ? La raison principale était la diminution des ressources à cause de la pêche illégale. Nos pêcheurs ne trouvaient plus autant de poissons au large et ils devaient se rabattre sur les poissons côtiers pour pouvoir nourrir leur famille ; donc les poissons des côtes ont diminué eux aussi. C’était un gros problème pour nos familles, car tout le monde pêche à Rapa Nui. La nuit, les pêcheurs voyaient souvent des lumières de bateaux illégaux au large. Avec les volontaires, on ramassait des tonnes de déchets marins sur les côtes, et on sait que 75% des déchets marins proviennent de la pêche industrielle, avec des restes de filets, des bouées, des cordes. Donc il y a eu cette volonté de toute la communauté de se protéger de la pêche industrielle. Mais la protection des océans a toujours été dans la mémoire des Rapa Nui, donc ce n’était pas une idée nouvelle.
Comment l’aire protégée a-t-elle été créée ?
Il y avait une forte demande de la population locale, mais aussi une opposition de certaines personnes, qui voyaient le développement de la pêche industrielle comme une opportunité économique pour l’île. En 2017, le gouvernement du Chili a décidé de faire un referendum auprès de la population locale pour savoir exactement la position de la population de Rapa Nui sur ce projet. Et les résultats du vote ont été clairs, malgré les manipulations politiques, 73% des habitants se sont positionnés en faveur de l’aire marine protégée de Rapa Nui, avec le plus fort taux de participation jamais observé. Ce referendum était un moment historique pour notre communauté !
Quelles sont les caractéristiques de l’aire protégée ?
L’aire marine protégée de Rapa Nui est la plus grande zone de protection marine d'Amérique du Sud. Elle restreint toute activité de pêche industrielle et d’extraction minière dans nos eaux, mais permet aux Rapa Nui de poursuivre leurs pratiques de pêche traditionnelle pour assurer la sécurité alimentaire de l’île pour les générations futures. Avec cette zone, les sols marins, la colonne d’eau, les monts sous-marins et tous les écosystèmes associés à ces habitats sont durablement protégés. Et surtout, l’aire marine protège la culture et le mode de vie de notre population, qui sont directement connectés à l’océan.
As-tu déjà observé des évolutions depuis la création de cette zone ?
J’ai observé une augmentation du nombre de pêcheurs artisanaux sur notre île et surtout une augmentation du nombre de poissons. Avant cela, on n’était pas sûr de trouver du poisson au marché ; aujourd’hui, on en trouve tous les jours. La réserve a surtout renforcé l’effort de surveillance des eaux. Mais elle a aussi renforcé la sensibilisation sur la protection de l’océan. Avec l’aide de Pew, depuis de nombreuses années, notre association mène des activités d’éducation, de communication et de ramassages de déchets. Et les résultats sont là, nous avons maintenant parmi nos enfants trois biologistes marins et un océanographe. C’est une réussite.
Mon message serait « ka tahi no tatou mo haka hoki mai te rahui mo to tatou gna poki », c’est-à-dire, soyons unis pour remettre en place les rahui pour le futur de nos enfants. J'ai un rêve, celui de connecter toutes les grandes aires protégées du Pacifique dans les eaux territoriales, par des tapus dans les eaux internationales, en suivant le cheminement biologique des espèces migratrices. Avec cela nous pourrons avoir une conservation efficace de notre océan. Cet échange international à Tahiti est vraiment important pour nous, car on se sent moins seul pour protéger notre océan, même si on rencontre les mêmes difficultés politiques. Je veux soutenir tous mes frères marquisiens et des Australes qui demandent aussi des aires marines protégées dans leurs eaux. Je sais que c’est difficile de concilier avec toutes les parties prenantes, mais allez de l’avant pour protéger votre océan ! On est avec vous !