On alterne les joies de la mer et les plaisirs de l’escale

De Michèle LEWON, le 11-10-2010


Lorsque l’on jette l’ancre dans un port, des sentiments mitigés vous assaillent : joie d’avoir franchi une nouvelle étape, inquiétude avant la rencontre avec cet autre, l’inconnu.

 

Les paysages si différents et si beaux à la fois vous rappellent que le monde est une palette de couleurs sur laquelle les âmes des hommes ont imprimé leur histoire.

 

Chaque île a vécu ses drames, chaque île a été conquise, chaque île soupire après la paix et le bonheur. Elles sont des points dans l’océan qui rapprochent l’homme des continents. 

 

Que ce soit Palau où l’équipage se trouve à présent ou Rabaul qu’ils viennent de quitter, les escales qu’ils ont vécues ou qu’ils vivent sont autant de partages avec la population.

 

C’est dans les moments de joie, lorsque les mains s’ouvrent à  la solidarité, que l’on comprend que l’on fait partie de la même humanité. Sur leur route OTAHITINUI rencontre des visages accueillants, des enfants heureux de vivre,  des autochtones intrigués par leur aventure. Nos navigateurs s’imprègnent de leur vie.

 

Extrait du Journal de Hiria

 

Rabaul  1er jour

 

« Nous quittons sans encombre le quai.  Quelques badauds nous font des signes, et … soudain, l’alarme du moteur: pompe à eau ! On hisse le génois. Punua et Sam tentent de jumpstart en injectant de l’eau dans le circuit. Rien

 

Nous constatons que nous dérivons vers un gros porte-container. Koro et moi même, sur le ama, nous tentons de nous dégager avec les avirons de l’annexe. L’effort est intense. Le moteur reprend s’arrête de lui-même, on pagaie de plus belle, le moteur redémarre, et avec l’alarme sifflante, nous reprenons notre place au quai. Nous ne pourrons partir qu’après réparation

 

Sur le quai, 2, puis 3 puis une dizaine, une vingtaine d’enfants, de 6 à 10 ans, essentiellement des garçons, les plus petits nus, s’amusent à se jeter à l’eau, certains tout mouillés se roulent dans le sable, et ainsi parés, re-sautent dans l’eau ! D’autres, lancent des bouts de bois, de la bourre de coco, et soit sautent en le visant à l’amerrissage, soit au moment de ressortir la tête de l’eau. 

 

Passe un vieux monsieur à la barbe grisonnante, je l’interpelle : Hello sir! We came back! Engine problems! Il se dit être ingénieur moteur marine, et habite sur l’épave en face de nous ! Ça comme belle coïncidence ! Alok Baigum pose quelques questions, et viendra demain jeter un coup d’œil.

 

Le soir tombe : Guitare et ukulélé et bière, et c’est reparti, avec les voisins des 3 épaves et j’écris tout cela bercé par les chants, les rires, et en entendant des brèves de conversations »

 

Le jour se lève sur de nouvelles tranches de vie.

 

« Punua et Sam  sont avec le mécano, Koronui, à l’avant du iato, lit l’ouvrage sur les étoiles acheté au Vanuatu, Hervé, à droite à gauche, explique la navigation traditionnelle à une dizaine de personnes.

 

Je décide d’aller en ville, prendre un peu d’argent, des ballons et des bonbons pour les enfants qui jouent sur le quai.

 

Je me rends d’abord au marché, car je souhaite prendre un sac en palme de cocotier pour ma mère, en forme de demi-lune, utilisant une seule feuille repliée semble-t-il. Mais il n’y a que quelques vendeurs de beattlenut et de légumes. Je traverse la route et pénètre dans un restaurant au nom évocateur : kaikai.

 

50 m², 6 tables à banc incorporées, les murs peints en vert, au sommet, une frise sur laquelle figurent les sandwichs et fritures proposés.Un rideau grillagé protège la caisse, la présentation des plats et la cuisine. Le lieu est tenu par un chinois, et deux serveuses locales. Quelques légumes, un peu de viande dans une présentation de takeaway. Je mange, un groupe de femmes d’une cinquantaine d’années arrive : glace! good idea! Glace pour moi. Un seul parfum: vanille.

 

Magasin d’hier, quelques bonbons et ballons pour les enfants, et du poulet pour le capitaine. Je retourne à la pirogue : miracle ! Le moteur marche ! Je l’entends ronronner, et le bruit de l’eau qui sort avec vigueur me dit qu’il est temps de partir.

 

Punua distribue les bonbons, les mécanos se proposent de nous remplir nos dernières dizaines de bouteilles vides. On se prépare !

 

Et puis les adieux… on quitte  des amis d’un jour, des rencontres d’un instant, des visages nouveaux et on tire des bords dans la passe, jusqu’au pied du volcan.

 

Paysage étonnant : plusieurs volcans, un banc de sable blanc et de cocotiers verts, et sur fond d’écran  les volcans qui ont tout brisé. Souffle du début du monde. Sur une colline, il ne reste que les troncs des cocotiers, majestueusement plantés là comme un porc-épic.

Un banc de dauphins nous accompagne … Quelques étoiles filantes. Hmm…Bons signes. »

 

L’aventure continue

 

Les âmes sont des navires dont Dieu est le capitaine. Il leur faut de l'intrépidité pour courir les aventures qu'il leur propose. » 
                                  Léo-Paul Desrosiers



Rédigé par Michèle Lewon le Lundi 11 Octobre 2010 à 22:17 | Lu 778 fois