'Omana, le 'ori Tahiti passe au digital pour résister à la crise


Tahiti, le 8 février 2021 - Privés de scène et soumis à une baisse des effectifs, les responsables de troupes et d'écoles de danse se tournent vers la plateforme numérique 'Omana. Consacré à l'enseignement du 'ori Tahiti, le site internet espère gagner suffisamment d'abonnés pour permettre aux artistes de continuer à vivre de leur passion.

Les artistes de 'ori Tahiti ont le blues. L'annulation de compétitions emblématiques de la discipline, à l'instar du Hura Tapairu, puis du Heiva, pour la deuxième année consécutive, pèse plus que jamais sur le moral des troupes et des écoles de danse. Une déprime qui s'attaque désormais aux finances, alors que les loisirs ne sont plus une priorité pour de nombreux parents.
 
"C'est normal on comprend, mais on n'a plus le choix, il faut basculer sur le digital" assène Tiare Trompette, cheffe de la troupe Hei Tahiti. Une question de survie, que Matani Kainuku, autre expert de la discipline, partage avec elle. Lui aussi convaincu que le digital "c'est l'avenir", il l'a donc rejointe aux côtés de Gaël Manes, fondateur de l'institut Kaly&Joy, pour monter tous les trois 'Omana, une plateforme numérique consacrée à l'enseignement du 'ori Tahiti en ligne.
 
"Vivre de sa passion"
 
'Aparima, 'ōte'a, percussions : la plateforme propose ainsi de petites vidéos de quelques minutes animées par des chorégraphes, des danseurs professionnels et des chefs de groupe. À l'instar de Vaheana Lebihan, Heifara Papu, Tumata Vairaaroa ou le chef d'orchestre de la troupe Hei Tahiti, Jeff Tanerii. Mais 'Omana propose également du coaching individuel pour la création de danses en solo ou de spectacle, ou l'organisation de séminaires pour une "immersion totale dans la culture polynésienne".
 
Si le site a officiellement vu le jour le 5 février, il est dans les tuyaux depuis presque un an, le temps de créer des contenus d'enseignement. "L'idée c'est de pouvoir continuer à travailler, partager notre culture et vivre de notre passion, tout en proposant des prix abordables pour tout le monde", résume Tiare Trompette.
 
Avec des tarifs mensuels dégressifs de l'ordre de 1 800 Fcfp le trimestre, 1 380 Fcfp le semestre, ou 1 188 Fcfp l'année d'abonnement, la plateforme vise un large public, y compris à l'international, afin de limiter la casse des baisses d'effectifs dans les écoles de danse. "Certaines écoles sont sur le point de fermer, avec cette plateforme, même si elles n'ont plus d'élève en présentiel, elles pourront continuer en distanciel" précise Tiare Trompette.
 
4 000 à 8 000 abonnés fin 2021
 
Si aujourd'hui, la plateforme n'héberge qu'une dizaine d'artistes, d'autres pourront bientôt les rejoindre, assure le trio fondateur. "On a les moyens de les accompagner et de les aider", rassure Tiare Trompette. Depuis son lancement, la plateforme compte déjà une quinzaine d'inscrits et vise de 4 000 à 8 000 abonnés à la fin de l'année. De quoi rémunérer une vingtaine de personnes et les éventuels prestataires externes pour des "one shot". "Il fallait bien trouver une alternative et commencer à travailler sur l'international pour aller chercher des parts de marché" développe Gaël Manes. Le co-fondateur annonce d'ailleurs le lancement d'une version en anglais, puis en japonais dans les prochains mois.
 
Mais si la situation continue à se dégrader, Tiare Trompette craint une "diminution des participations des groupes et des écoles de danse". "C'est très, très difficile, beaucoup d'artistes ont peur. Pour ma part, je m'accroche, mais j'ai la chance de pouvoir me représenter dans un hôtel qui survit encore."
 

Rédigé par Esther Cunéo le Lundi 8 Février 2021 à 18:44 | Lu 1026 fois