ONU : Temaru “toujours pas satisfait” de la posture de la France mais “confiant”


Tahiti, le 9 octobre 2024 - Si Oscar Temaru n'a pas pu se déplacer à l'ONU pour des raisons de santé, il n'est toujours “pas satisfait” de la position de la France qui “n'a pas bougé d'un iota” malgré sa présence lors de la Quatrième commission sur la décolonisation. Il a en revanche “confiance en Michel Barnier”, le nouveau Premier ministre, pour faire évoluer la situation. Il a par ailleurs adressé un courrier au président Macron pour “la libération des prisonniers politiques Kanaks”.
 
Le président du Tavini a convié la presse ce mercredi matin à la permanence du parti. Mais ce n'était pas le déplacement de la forte délégation du Tavini à New York qui était l'objet principal de cette invitation. Oscar Temaru souhaitait en fait évoquer un courrier qu'il a rédigé pour le président de la République – et que doit lui transmettre Moetai Brotherson – pour demander “la libération des prisonniers politiques Kanaks détenus en France”, suite aux émeutes qui ont secoué le Caillou ces derniers mois.

“Ce ne sont pas des prisonniers de droit commun. Ce ne sont pas des casseurs. On est allés casser chez eux”, a précisé le leader indépendantiste, “très touché” par la situation en Nouvelle-Calédonie. C'est pourquoi il propose aussi de jouer les médiateurs “auprès de ses frères Kanaks pour qu'un dialogue de qualité et apaisé soit renoué entre la puissance administrante et la Nouvelle-Calédonie Kanaky”. Une proposition qu'avait également déjà formulée Moetai Brotherson auprès d'Emmanuel Macron... sans succès.
 
Le président du Pays a d'ailleurs profité de sa tribune à l'ONU ce lundi pour faire le parallèle entre la Nouvelle-Calédonie et la Polynésie française, en avertissant : “Nous ne devrions pas sous-estimer la détermination de ceux qui aspirent à la souveraineté lorsqu'ils sont confrontés à un cul-de-sac politique”. Pour Oscar Temaru, qui concède que la situation est différente en Polynésie, “c'est de la responsabilité de l'État”. Point.
 
Sur le dossier polynésien défendu par les indépendantistes à l'ONU, Oscar Temaru n'est “toujours pas satisfait” de la position de la France qui “n'a pas changé d'un iota” dans sa ligne de conduite. Concernant le discours du président Brotherson, il indique d'abord que son gendre “a bien analysé la situation” en prônant “le dialogue” et il s'est réjoui que “tout le monde accepte qu'il y ait une mission de l'ONU” en Polynésie française. Dialogue qui n'en a que le nom pourtant puisque si la France s'exprime devant la commission onusienne depuis l'an dernier, c'est uniquement pour marteler qu'elle ne fléchit pas dans sa position. “Il a peut-être parlé un peu trop vite”, sourit alors Oscar Temaru, rejoignant ainsi la posture d'Antony Géros qui fustige, lui aussi, le refus de la France de “parler de l'avenir” de la Polynésie.
 
Oscar Temaru fonde beaucoup d'espoirs en Michel Barnier
 
Mais pour Oscar Temaru, ce discours n'engagerait que celui qui l'a prononcé, en l'occurrence l'ambassadeur de la France à l'ONU, Nicolas de Rivière, qui selon lui, s'est exprimé “en son nom personnel” sans avoir consulté au préalable le nouveau gouvernement. “Il y a quand même un décalage entre les propos tenus par Michel Barnier concernant la responsabilité de la France, que ce soit en Nouvelle-Calédonie ou sur la décolonisation, et ceux de l'ambassadeur de France”, a ainsi observé Oscar Temaru qui semble fonder beaucoup d'espoirs en Michel Barnier pour faire évoluer la position de la France.

“Il a quand même 75 ans. Il a de la maturité politique, de l'expérience et il a été plusieurs fois ministre de plusieurs gouvernements”, dit Oscar Temaru, même s'il raconte qu'à l'époque, Michel Barnier l'avait dissuadé d'aller à New York pour demander la réinscription de la Polynésie française sur la liste des territoires non autonomes à décoloniser. Le Tavini attend maintenant que, dans la résolution qui sera transmise à l'assemblée générale de l'ONU en décembre, la notion de “programme de travail” sur la décolonisation qui en avait été retirée y figure à nouveau.
 
Enfin, sur les discours dissonants à l'ONU, notamment concernant l'exploitation des fonds marins polynésiens dont ne veut pas Moetai Brotherson mais que réclame l'élue Tavini, Maurea Maamaatuaiahutapu, Oscar Temaru rappelle qu'un “moratoire a été soutenu par tout le monde” sur ce dossier, et qu'il y a d'abord un “travail d'exploration et d'évaluation” à opérer.

Quant à la proximité entre certains élus du Tavini et le groupe de Bakou en Azerbaïdjan, Oscar Temaru est laconique. "La France peut avoir des rapports avec eux et on nous interdit ? Et vous croyez qu'on va les écouter ? ", claque le patron du Tavini tandis que la commission des lois du Sénat recommande de "surveiller les tentatives d'influence ou d'ingérence étrangères qui se développent en vue d'attiser un sentiment anti-français en Polynésie française".
 

Rédigé par Stéphanie Delorme le Mercredi 9 Octobre 2024 à 15:19 | Lu 2473 fois