Le président indépendantiste de la Polynésie française, Oscar Temaru s'est rendu à New York pour plaider en faveur de la réinscription de la Polynésie sur la liste des Pays non-autonomes à décoloniser. Il s'est exprimé mercredi 16 janvier, entre 12 heures et 13 heures (HNE), à l'Organisation des nations unies, devant une assemblée de représentants du mouvement des non alignés.
Le sénateur souverainiste Richard Tuheiava, qui l'accompagne lors de ce déplacement d'une semaine à New York, n'a pu se présenter au colloque organisé au Sénat, jeudi 17 janvier, sur le thème de "La France dans le Pacifique : quelle vision pour le 21e siècle", où il devait introduire le débat sur les coopérations dans le Pacifique.
Dans l'entourage d'Oscar Temaru on n'excluait pas, jeudi 17 janvier, une absence du président du Pays pour la visite du ministre des Outre-mer, Victorin Lurel, du 20 au 23 janvier prochains. "Lors de notre dernier déplacement à New York nous savions déjà que nous devrions revenir le 10 janvier alors que le ministre était attendu en début d'année, sans précision", nous explique un proche collaborateur. "Nous avons adressé notre agenda à Victorin Lurel en décembre. En dépit de cela, sa visite a été fixée au 20 janvier."
Le sénateur souverainiste Richard Tuheiava, qui l'accompagne lors de ce déplacement d'une semaine à New York, n'a pu se présenter au colloque organisé au Sénat, jeudi 17 janvier, sur le thème de "La France dans le Pacifique : quelle vision pour le 21e siècle", où il devait introduire le débat sur les coopérations dans le Pacifique.
Dans l'entourage d'Oscar Temaru on n'excluait pas, jeudi 17 janvier, une absence du président du Pays pour la visite du ministre des Outre-mer, Victorin Lurel, du 20 au 23 janvier prochains. "Lors de notre dernier déplacement à New York nous savions déjà que nous devrions revenir le 10 janvier alors que le ministre était attendu en début d'année, sans précision", nous explique un proche collaborateur. "Nous avons adressé notre agenda à Victorin Lurel en décembre. En dépit de cela, sa visite a été fixée au 20 janvier."
"Quel péché avions-nous commis pour mériter cela ?", interroge Oscar Temaru
Epoque coloniale, période nucléaire et problèmes économiques de l'ère post nucléaire en Polynésie Française : un siècle et demi d'histoire moderne du "peuple ma'ohi" : "Quel péché avions-nous commis pour mériter cela ?", a interrogé Oscar Temaru, lors de son intervention aux accents bibliques, devant les pays non alignés aux Nation Unies. La réinscription y est qualifiée d'"occasion de donner de l’espoir au peuple ma’ohi, une petite nation aux grands rêves, qui pleure et demande à la communauté internationale de choisir avec elle la liberté et la paix".
Le discours
Ia Ora na,
Je voudrais tout d’abord vous présenter tous mes meilleurs vœux pour 2013 et vous remercier pour l'opportunité qui m'est offerte de m’adresser à cette honorable assemblée. Je veux aussi remercier nos pays frères de la région Pacifique, qui ont joué un rôle important et ont soutenu avec persévérance l’avancée de notre cause au sein des Nations Unies.
Le communiqué final du 16e sommet du Mouvement des non alignés qui s’est tenu à Téhéran du 26 au 31 août 2012 affirmait le droit inaliénable du peuple Ma’ohi à l’autodétermination, en vertu de la charte de l’ONU et de la résolution 1514.
Aujourd’hui c’est un devoir et un honneur de vous fournir le contexte nécessaire à une meilleure compréhension de cette déclaration faite à Téhéran. Il fut un temps où notre pays, Ma’ohi nui, était un pays libre, et où notre Peuple était en charge de son propre destin. Cela changea au XIXe siècle, après que les soi-disant “découvreurs” européens eurent atteint nos rivages. Par la suite, notre grand océan Pacifique se retrouva morcelé en partie qu’ils administraient, des colonies.
92 % d’entre vous, honorables membres du MNA, ont subi ce processus de colonisation et en sont sortis pour réclamer leur liberté. 27 d’entre vous ont obtenu leur indépendance du même pouvoir colonial qui régit encore ce qui est aujourd’hui la Polynésie française, et qui définit les limites de la liberté de mon peuple.
On força la main à notre défunte reine Pomare IV pour qu’elle consente à un protectorat, puis à une annexion, et notre pays fut finalement envahi au terme d’une guerre injuste, les guerriers ma’ohi s’opposant avec bâtons et lances face aux fusils et aux canons. Les colonisateurs vainquirent ceux qu’ils appelaient “rebelles”, et que nous appelons héros.
Violant leur propre traité d’annexion du 29 juin 1880, les Français remplacèrent notre système communautaire de partage des terres par le Code Napoléon ; une façon de s’emparer légalement de la terre du peuple ma’ohi, et de permettre l’établissement des colons.
Ceci a causé un bouleversement majeur dont les effets se font toujours sentir chez nombre de natifs ma’ohi qui peinent à obtenir les terres autrefois chéries par leurs ancêtres.
De 1908 à 1966, l’une de nos îles, Makatea, a été pillée pour ses phosphates, générant une richesse énorme pour les colons à qui les droits miniers avaient été accordés.
La Compagnie française des phosphates de l’Océanie quitta Makatea presque du jour au lendemain, laissant derrière elle un désastre écologique et une île fantôme.
À peu près à la même période, lors du combat de l’Algérie pour son indépendance, la France fit le projet de relocaliser ses essais nucléaires dans notre pays, sur les atolls de Moruroa et de Fangataufa.
En 1958, un homme s’éleva contre le pouvoir de l’administration coloniale. Pouvanaa a Oopa, le père du nationalisme tahitien. Ses idées sur un pays Ma’ohi gouverné par le peuple ma’ohi montaient en puissance et commençaient à menacer les plans de la France. L’ennemi de l’État devait disparaître.
Pouvanaa a été piégé, accusé d’avoir voulu incendier la capitale. Dans une parodie de procès, Pouvanaa fut condamné, banni, et envoyé en exil en France.
La route était libre pour le coup suivant de la France : les essais nucléaires.
Quel péché avions-nous commis pour mériter cela ?
30 ans d’essais nucléaires, avec 193 bombes explosant au-dessus ou à l’intérieur des atolls de Moruroa et Fangataufa, qui sont désormais des décharges nucléaires, des terres maudites.
30 ans de mensonges au peuple ma’ohi, à nous utiliser comme rats de laboratoire, en prétendant que ces essais étaient propres et sans danger.
30 ans pour mettre notre société et notre économie sens dessus dessous. Tandis qu’elle lâchait ses bombes nucléaires, la France lâchait aussi de grandes quantités d’argent pour créer une économie artificielle et captive.
Ce faisant, elle a mis en place un système qui bénéficiait d’abord aux colons. Notre mode de vie traditionnel a été détruit. Les pêcheurs ne pêchaient plus. Les fruits et tubercules endémiques n’étaient plus cultivés. Les commerces, leurs produits importés et l’argent facile des centres d’essais nucléaires, ont rapidement démantelé les bases de ce qui nous rendait pratiquement autosuffisants.
Aujourd’hui, des enfants naissent avec des anomalies et des gens meurent de maladies radio-induites qui seront immanquablement transmises à de nombreuses générations futures.
Entre-temps, les Français ont occasionnellement donné du mou à la laisse du chien. Nous attirant avec l’illusion de la liberté… ça sent la liberté, ça a le goût de la liberté, mais ne vous y trompez pas : la version française de “l’autonomie” n’est pas la liberté. Nous ne sommes rien de plus qu’une collectivité française, gouvernée en réalité depuis Paris.
De 1977 à 2011, on nous a imposé six mises à jour de notre statut. En fait, un petit “bac à sable politique.” Tout notre soi-disant “statut d’autonomie” n’est rien de plus qu’une petite loi organique à l’intérieur du corps des lois de la France. Une loi qu’ils peuvent changer à leur guise, sans consulter le peuple ma’ohi.
Mais soyons clairs : ni nos ancêtres, ni nos enfants n’ont aliéné ou n’aliéneront jamais notre droit universel à l’autodétermination.
Alors, pourquoi la France est-elle si déterminée à nous garder sous son joug, à présent que les essais nucléaires sont terminés ? Pour le dire simplement, Ma’ohi Nui, avec cinq millions de kilomètres carrés, représente la moitié de son domaine maritime, en faisant la troisième nation océanique du monde. Plutôt qu’un petit pays insulaire, nous sommes un grand pays océanique, aussi grand que l’Europe de l’ouest.
La France cherche maintenant à exploiter notre océan. Depuis les poissons jusqu’aux gisements de phosphate récemment découverts, et les énormes réserves minières de terres rares de nos fonds sous-marins.
C’est encore une histoire de David contre Goliath, et la raison pour laquelle nous voulons que notre pays soit de nouveau sur la liste de l’ONU des territoires non autonomes.
Sans l’ONU en guise d’arbitre entre la France et nous, c’est de nouveau un combat ardu et inégal.
Soyons clairs, ceci n’est pas une requête pour obtenir l’indépendance sans le vote de notre peuple. Ce que nous voulons est une évolution de nos relations avec la France vers plus d’équité, sous le contrôle de l’ONU.
Un jour viendra où cette évolution arrivera à maturité, et la question de l’indépendance sera ensuite posée. Mais ceci demandera de passer par un référendum.
Mais qui sera autorisé à prendre part à un vote si décisif ? Les 6 000 “expatriés” français qui restent trois ans dans notre pays doivent-ils voter sur notre avenir ? Un non natif avec moins de 15 ans de résidence devrait-il voter sur notre avenir ?
Le droit français permet aux Européens de participer aux scrutins en Polynésie française seulement trois mois après leur arrivée. La loi qui définit qui, quand et comment nous votons dans toutes nos élections n’est ni élaborée ni votée à Tahiti, mais à Paris par le Parlement français, sans réelle consultation du peuple ma’ohi.
Sans le cadre international de l’observation par les Nations unies, un tel référendum serait une farce et une disgrâce pour la démocratie.
Il y a 35 ans, en 1978, je suis venu pour la première fois à l’ONU, à New York, pour m’opposer aux essais nucléaires français dans notre pays. À l’époque on m’avait répondu que l’ONU ne pouvait pas nous aider sur ce sujet, car nous avions été unilatéralement retirés par la France, en 1947, de la liste des Nations unies des territoires non autonomes.
En 1986, je suis revenu avec mes frères de Nouvelle-Calédonie Kanaky, une autre colonie française également retirée de cette liste. Avec le soutien du Mouvement des non alignés et de nombreux autres elle a été réinscrite par un vote en assemblée générale. Il aura fallu que le sang coule en Kanaky, et la détermination de mon défunt frère spirituel Jean-Marie Tjibaou, pour y parvenir.
La paix, le développement économique et social ont suivi, et un processus équitable vers un référendum d’autodétermination est en place.
Comment quiconque peut-il dire que ce qui a été fait pour la Nouvelle-Calédonie ne peut pas être fait pour la Polynésie française-Ma’ohi Nui ?
Aujourd’hui, avec l’aide du Tout-puissant, je vous présente le cas de mon peuple.
Cette fois, en tant que président du Pays, et avec le soutien de l’assemblée, des églises locales et régionales et du Conseil œcuménique des Églises et, plus important, le soutien du Groupe mélanésien Fer de lance et des leaders du Pacifique.
Notre cas est très spécifique. Nous ne demandons pas l’inscription, mais la réinscription sur la liste de l’ONU de laquelle nous avons été retirés unilatéralement, sans consultation de notre peuple ni aucune résolution de l’assemblée générale des Nations unies.
Notre quête est pacifique, mais notre détermination est forte. Elle l’a toujours été.
La décolonisation et l’autodétermination ne doivent pas être vues comme des menaces pour les puissances coloniales, mais comme une façon de remplir la mission sacrée à laquelle elles se sont engagées devant les Nations unies depuis 1946.
Récemment la France a soutenu la Palestine, ainsi que l’a fait le Mouvement des non alignés, se montrant fort et uni. Aujourd’hui vous avez l’occasion de faire une autre déclaration à la face du monde.
Une occasion de rappeler aux Nations unies ses engagements fondamentaux sur la décolonisation.
Une occasion de donner de l’espoir au peuple ma’ohi, une petite nation aux grands rêves, qui pleure et demande à la communauté internationale de choisir avec elle la liberté et la paix.
Il y a 36 ans, j’aurais pu choisir un chemin plus paisible. Mais mon âme et ma foi ne pouvaient se plier et accepter la colonisation.
Au lieu de m’aligner sur la supercherie des “essais nucléaires propres” français, je m’y suis opposé. Pour cela, ma famille, mes amis ont souffert. J’ai été menacé, jeté en prison, traité comme un terroriste et j’ai risqué ma vie en bien des occasions.
Aujourd’hui, certains essayent encore de faire croire à notre peuple qu’il n’y a pas d’avenir en dehors de la dépendance. Mais je sais que Ma’ohi Nui possède les atouts et le potentiel pour construire une nation par et pour nous-mêmes.
Cette conviction ne faiblira jamais, car le droit à l’autodétermination est l’héritage le plus précieux pour nos enfants.
Comme l’a dit autrefois Dag Hammarskjöld : Ne reniez jamais votre propre expérience et vos convictions au nom de la tranquillité.
Mauruuru, Te aroha ia rahi.”
Epoque coloniale, période nucléaire et problèmes économiques de l'ère post nucléaire en Polynésie Française : un siècle et demi d'histoire moderne du "peuple ma'ohi" : "Quel péché avions-nous commis pour mériter cela ?", a interrogé Oscar Temaru, lors de son intervention aux accents bibliques, devant les pays non alignés aux Nation Unies. La réinscription y est qualifiée d'"occasion de donner de l’espoir au peuple ma’ohi, une petite nation aux grands rêves, qui pleure et demande à la communauté internationale de choisir avec elle la liberté et la paix".
Le discours
Ia Ora na,
Je voudrais tout d’abord vous présenter tous mes meilleurs vœux pour 2013 et vous remercier pour l'opportunité qui m'est offerte de m’adresser à cette honorable assemblée. Je veux aussi remercier nos pays frères de la région Pacifique, qui ont joué un rôle important et ont soutenu avec persévérance l’avancée de notre cause au sein des Nations Unies.
Le communiqué final du 16e sommet du Mouvement des non alignés qui s’est tenu à Téhéran du 26 au 31 août 2012 affirmait le droit inaliénable du peuple Ma’ohi à l’autodétermination, en vertu de la charte de l’ONU et de la résolution 1514.
Aujourd’hui c’est un devoir et un honneur de vous fournir le contexte nécessaire à une meilleure compréhension de cette déclaration faite à Téhéran. Il fut un temps où notre pays, Ma’ohi nui, était un pays libre, et où notre Peuple était en charge de son propre destin. Cela changea au XIXe siècle, après que les soi-disant “découvreurs” européens eurent atteint nos rivages. Par la suite, notre grand océan Pacifique se retrouva morcelé en partie qu’ils administraient, des colonies.
92 % d’entre vous, honorables membres du MNA, ont subi ce processus de colonisation et en sont sortis pour réclamer leur liberté. 27 d’entre vous ont obtenu leur indépendance du même pouvoir colonial qui régit encore ce qui est aujourd’hui la Polynésie française, et qui définit les limites de la liberté de mon peuple.
On força la main à notre défunte reine Pomare IV pour qu’elle consente à un protectorat, puis à une annexion, et notre pays fut finalement envahi au terme d’une guerre injuste, les guerriers ma’ohi s’opposant avec bâtons et lances face aux fusils et aux canons. Les colonisateurs vainquirent ceux qu’ils appelaient “rebelles”, et que nous appelons héros.
Violant leur propre traité d’annexion du 29 juin 1880, les Français remplacèrent notre système communautaire de partage des terres par le Code Napoléon ; une façon de s’emparer légalement de la terre du peuple ma’ohi, et de permettre l’établissement des colons.
Ceci a causé un bouleversement majeur dont les effets se font toujours sentir chez nombre de natifs ma’ohi qui peinent à obtenir les terres autrefois chéries par leurs ancêtres.
De 1908 à 1966, l’une de nos îles, Makatea, a été pillée pour ses phosphates, générant une richesse énorme pour les colons à qui les droits miniers avaient été accordés.
La Compagnie française des phosphates de l’Océanie quitta Makatea presque du jour au lendemain, laissant derrière elle un désastre écologique et une île fantôme.
À peu près à la même période, lors du combat de l’Algérie pour son indépendance, la France fit le projet de relocaliser ses essais nucléaires dans notre pays, sur les atolls de Moruroa et de Fangataufa.
En 1958, un homme s’éleva contre le pouvoir de l’administration coloniale. Pouvanaa a Oopa, le père du nationalisme tahitien. Ses idées sur un pays Ma’ohi gouverné par le peuple ma’ohi montaient en puissance et commençaient à menacer les plans de la France. L’ennemi de l’État devait disparaître.
Pouvanaa a été piégé, accusé d’avoir voulu incendier la capitale. Dans une parodie de procès, Pouvanaa fut condamné, banni, et envoyé en exil en France.
La route était libre pour le coup suivant de la France : les essais nucléaires.
Quel péché avions-nous commis pour mériter cela ?
30 ans d’essais nucléaires, avec 193 bombes explosant au-dessus ou à l’intérieur des atolls de Moruroa et Fangataufa, qui sont désormais des décharges nucléaires, des terres maudites.
30 ans de mensonges au peuple ma’ohi, à nous utiliser comme rats de laboratoire, en prétendant que ces essais étaient propres et sans danger.
30 ans pour mettre notre société et notre économie sens dessus dessous. Tandis qu’elle lâchait ses bombes nucléaires, la France lâchait aussi de grandes quantités d’argent pour créer une économie artificielle et captive.
Ce faisant, elle a mis en place un système qui bénéficiait d’abord aux colons. Notre mode de vie traditionnel a été détruit. Les pêcheurs ne pêchaient plus. Les fruits et tubercules endémiques n’étaient plus cultivés. Les commerces, leurs produits importés et l’argent facile des centres d’essais nucléaires, ont rapidement démantelé les bases de ce qui nous rendait pratiquement autosuffisants.
Aujourd’hui, des enfants naissent avec des anomalies et des gens meurent de maladies radio-induites qui seront immanquablement transmises à de nombreuses générations futures.
Entre-temps, les Français ont occasionnellement donné du mou à la laisse du chien. Nous attirant avec l’illusion de la liberté… ça sent la liberté, ça a le goût de la liberté, mais ne vous y trompez pas : la version française de “l’autonomie” n’est pas la liberté. Nous ne sommes rien de plus qu’une collectivité française, gouvernée en réalité depuis Paris.
De 1977 à 2011, on nous a imposé six mises à jour de notre statut. En fait, un petit “bac à sable politique.” Tout notre soi-disant “statut d’autonomie” n’est rien de plus qu’une petite loi organique à l’intérieur du corps des lois de la France. Une loi qu’ils peuvent changer à leur guise, sans consulter le peuple ma’ohi.
Mais soyons clairs : ni nos ancêtres, ni nos enfants n’ont aliéné ou n’aliéneront jamais notre droit universel à l’autodétermination.
Alors, pourquoi la France est-elle si déterminée à nous garder sous son joug, à présent que les essais nucléaires sont terminés ? Pour le dire simplement, Ma’ohi Nui, avec cinq millions de kilomètres carrés, représente la moitié de son domaine maritime, en faisant la troisième nation océanique du monde. Plutôt qu’un petit pays insulaire, nous sommes un grand pays océanique, aussi grand que l’Europe de l’ouest.
La France cherche maintenant à exploiter notre océan. Depuis les poissons jusqu’aux gisements de phosphate récemment découverts, et les énormes réserves minières de terres rares de nos fonds sous-marins.
C’est encore une histoire de David contre Goliath, et la raison pour laquelle nous voulons que notre pays soit de nouveau sur la liste de l’ONU des territoires non autonomes.
Sans l’ONU en guise d’arbitre entre la France et nous, c’est de nouveau un combat ardu et inégal.
Soyons clairs, ceci n’est pas une requête pour obtenir l’indépendance sans le vote de notre peuple. Ce que nous voulons est une évolution de nos relations avec la France vers plus d’équité, sous le contrôle de l’ONU.
Un jour viendra où cette évolution arrivera à maturité, et la question de l’indépendance sera ensuite posée. Mais ceci demandera de passer par un référendum.
Mais qui sera autorisé à prendre part à un vote si décisif ? Les 6 000 “expatriés” français qui restent trois ans dans notre pays doivent-ils voter sur notre avenir ? Un non natif avec moins de 15 ans de résidence devrait-il voter sur notre avenir ?
Le droit français permet aux Européens de participer aux scrutins en Polynésie française seulement trois mois après leur arrivée. La loi qui définit qui, quand et comment nous votons dans toutes nos élections n’est ni élaborée ni votée à Tahiti, mais à Paris par le Parlement français, sans réelle consultation du peuple ma’ohi.
Sans le cadre international de l’observation par les Nations unies, un tel référendum serait une farce et une disgrâce pour la démocratie.
Il y a 35 ans, en 1978, je suis venu pour la première fois à l’ONU, à New York, pour m’opposer aux essais nucléaires français dans notre pays. À l’époque on m’avait répondu que l’ONU ne pouvait pas nous aider sur ce sujet, car nous avions été unilatéralement retirés par la France, en 1947, de la liste des Nations unies des territoires non autonomes.
En 1986, je suis revenu avec mes frères de Nouvelle-Calédonie Kanaky, une autre colonie française également retirée de cette liste. Avec le soutien du Mouvement des non alignés et de nombreux autres elle a été réinscrite par un vote en assemblée générale. Il aura fallu que le sang coule en Kanaky, et la détermination de mon défunt frère spirituel Jean-Marie Tjibaou, pour y parvenir.
La paix, le développement économique et social ont suivi, et un processus équitable vers un référendum d’autodétermination est en place.
Comment quiconque peut-il dire que ce qui a été fait pour la Nouvelle-Calédonie ne peut pas être fait pour la Polynésie française-Ma’ohi Nui ?
Aujourd’hui, avec l’aide du Tout-puissant, je vous présente le cas de mon peuple.
Cette fois, en tant que président du Pays, et avec le soutien de l’assemblée, des églises locales et régionales et du Conseil œcuménique des Églises et, plus important, le soutien du Groupe mélanésien Fer de lance et des leaders du Pacifique.
Notre cas est très spécifique. Nous ne demandons pas l’inscription, mais la réinscription sur la liste de l’ONU de laquelle nous avons été retirés unilatéralement, sans consultation de notre peuple ni aucune résolution de l’assemblée générale des Nations unies.
Notre quête est pacifique, mais notre détermination est forte. Elle l’a toujours été.
La décolonisation et l’autodétermination ne doivent pas être vues comme des menaces pour les puissances coloniales, mais comme une façon de remplir la mission sacrée à laquelle elles se sont engagées devant les Nations unies depuis 1946.
Récemment la France a soutenu la Palestine, ainsi que l’a fait le Mouvement des non alignés, se montrant fort et uni. Aujourd’hui vous avez l’occasion de faire une autre déclaration à la face du monde.
Une occasion de rappeler aux Nations unies ses engagements fondamentaux sur la décolonisation.
Une occasion de donner de l’espoir au peuple ma’ohi, une petite nation aux grands rêves, qui pleure et demande à la communauté internationale de choisir avec elle la liberté et la paix.
Il y a 36 ans, j’aurais pu choisir un chemin plus paisible. Mais mon âme et ma foi ne pouvaient se plier et accepter la colonisation.
Au lieu de m’aligner sur la supercherie des “essais nucléaires propres” français, je m’y suis opposé. Pour cela, ma famille, mes amis ont souffert. J’ai été menacé, jeté en prison, traité comme un terroriste et j’ai risqué ma vie en bien des occasions.
Aujourd’hui, certains essayent encore de faire croire à notre peuple qu’il n’y a pas d’avenir en dehors de la dépendance. Mais je sais que Ma’ohi Nui possède les atouts et le potentiel pour construire une nation par et pour nous-mêmes.
Cette conviction ne faiblira jamais, car le droit à l’autodétermination est l’héritage le plus précieux pour nos enfants.
Comme l’a dit autrefois Dag Hammarskjöld : Ne reniez jamais votre propre expérience et vos convictions au nom de la tranquillité.
Mauruuru, Te aroha ia rahi.”