ONU : L'opposition Tapura et AHIP réagit


Tahiti, le 3 octobre 2023 – Les élus de l'opposition Tapura et AHIP ont salué la présence du représentant de la France à l'ONU, mais n'y ont rien vu "d'historique" puisque l'Etat a campé sur ses positions. "Tout ça pour ça", a réagi Tepuaraurii Teriitahi tandis que Nicole Sanquer a insisté sur le fait que les problèmes auxquels les Polynésiens sont confrontés ne "vont pas se régler" à New York. Réactions.
 
 
Tepuaraurii Teriitahi, représentante Tapura Huiraatira
“Tout ça pour ça”
 
“La première phrase qui me vient à l'esprit, c'est ‘tout ça pour ça’, dans le sens où on a entendu tout le tintamarre qu'il y a eu autour de cette délégation qui allait porter la voix de la Polynésie à l'ONU, et qui avait des grandes attentes en disant que c'était historique. Et finalement, qu'est-ce qu'il y a de plus ? Pas grand-chose. La seule différence notoire c'est que cette fois-ci, la France a siégé. On peut le saluer car il y a une forme de reconnaissance de la part de l'État français de cette nouvelle majorité au pouvoir. Mais dans le fond, on retrouve une réaffirmation de l'État sur plusieurs points. Le premier c'est de dire qu'ils veulent que l'on retire la Polynésie de la liste des pays à décoloniser, et ensuite, que c'est une discussion que l'on peut avoir ensemble [État/Polynésie, NDLR] mais que cela ne passera pas par l'ONU.
Et puis la réalité n'est pas celle qu'ils [le président Brotherson et la délégation Tavini] sont allés montrer en force. S'ils ont effectivement 38 sièges à l'assemblée, ils ont eu 64 000 voix [aux dernières élections territoriales, NDLR] alors que les deux partis autonomistes réunis en ont fait 81 000. Donc ils ne peuvent pas englober l'ensemble de la Polynésie derrière leur démarche, surtout qu'il y a aussi tous ceux qui ne sont pas allés voter.
Mais il a dit une chose dans son discours, et là-dessus je le rejoins. Il a dit que ce ne sera pas l'ONU qui décidera de donner l'indépendance à la Polynésie, ce ne sera pas le Tavini, ce n'est pas l'État français, c'est le peuple polynésien qui choisira. C'est peut-être là-dessus qu'il ne faut pas nous arnaquer parce qu'à travers ce qu'ils sont en train de faire pour la citoyenneté mā’ohi, ils se cachent derrière la protection de l'emploi local, du foncier mais leur vrai objectif, c'est de réduire le corps électoral. Car ils savent très bien que ce sont les Polynésiens qui devront choisir, et ils sont en train de redéfinir quels Polynésiens :  ceux qu'ils auront choisi sur mesure ?  C'est tout l'enjeu de cette citoyenneté. En tout cas c'est de la manipulation pour obtenir ce qu'ils veulent.”

 Nicole Sanquer, représentante non-inscrite AHIP “Les problèmes ne vont pas se régler à l'ONU”

“La première réaction que nous avons c'est de dire que les problèmes quotidiens des Polynésiens ne vont pas se régler à l'ONU. Nous avons aujourd'hui une assemblée qui est pratiquement à l'arrêt puisque rien n'est inscrit à l'agenda. Au niveau du calendrier budgétaire, on est toujours face à une absence de textes du gouvernement. Donc nous déplorons évidemment cette situation, alors qu'aujourd'hui il y a des urgences sociales, des établissements publics déficitaires, nous avons aussi une réforme de la fiscalité en attente...
Ce matin [mardi] on a pu entendre que les indépendantistes avaient gagné les élections, mais il ne faut pas oublier que si on reprend les chiffres des dernières élections, en rajoutant le Tapura et A here ia Porinetia, nous sommes quand même majoritaires. Je pense que cette recherche de souveraineté ou d'indépendance n'est pas la volonté du peuple polynésien.
Ensuite, notre réaction c'est évidemment de voir que l'État n'a pas pratiqué la chaise vide cette année, conformément aux engagements d'Emmanuel Macron. Mais c'était pour défendre la position de l'État en Polynésie française, et surtout rejeter le fait que la collectivité soit sur la liste des pays à décoloniser. Donc un discours à l'opposé de ce que devait sans doute attendre le président Moetai Brotherson et la délégation Tavini. Aujourd'hui on a senti un ton plutôt modéré du président Brotherson qui prône la mise en place d'un processus d'autodétermination, et au Tavini, les discours habituels qui critiquent la présence de l'État en Polynésie française, donc un discours un peu plus radical. Mais on sent bien qu’on a deux oppositions entre un rejet du processus d'autodétermination de la part de l'État, et l'indépendance coûte que coûte du Tavini.

Rédigé par Stéphanie Delorme le Mardi 3 Octobre 2023 à 17:47 | Lu 3078 fois