Nuutania : l’Etat condamné à indemniser un ex-détenu


PAPEETE, mardi 26 février 2013 – L’Etat a été condamné à verser la somme de 240.000 Fcfp à Jacques Caumet, un ancien détenu du centre pénitentiaire de Nuutania, par décision rendue ce mardi matin au Tribunal administratif de Polynésie française. "Ladite somme porte intérêt au taux légal à compter du 17 janvier 2012" précise le jugement qui condamne en outre l’Etat à assumer les frais de justice, pour un montant de 150.000 Fcfp.

L’affaire est une première en Polynésie et provoque un précédent jurisprudentiel. Des centaines de détenus ou anciens prisonniers sont susceptibles d'engager une telle démarche en réparation. L’indemnité a été évaluée à 100 euros (près de 12.000 Fcfp) par mois d’incarcération, soit un peu moins de 144.000 Fcfp par an. Le délai de prescription est de quatre ans.

Une deuxième affaire est déjà pendante devant la cour administrative de Papeete, suite au recours déposé par Eric Céran-Jérusalémy, actuellement détenu à Nuutania, "pour mauvaises conditions de détention, état de délabrement et de vétusté de la prison et préjudices subis en raison des conditions de détention indignes". Pour cette deuxième affaire, le jugement est mis en délibéré et sera rendu le 6 mars prochain.

Jacques Caumet a effectué 616 jours de détention à Faa’a-Nuutania, du 16 septembre 2008 au 25 mai 2010, avant de bénéficier d'un assouplissement de peine. Il avait adressé une demande préalable d‘indemnisation au Haut Commissaire, le 2 janvier 2012, réclamant 7,38 millions Fcfp pour "préjudice subi lors de sa détention et incarcération durant 738 jours au centre pénitentiaire de Nuutania dans des conditions indignes, inhumaines et dégradantes".

Sans réponse du représentant de l’Etat en Polynésie française, cette même demande avait été transmise au Garde des Sceaux, 24 jours plus tard. Elle était également restée lettre morte, signifiant implicitement un rejet de la demande, à Paris.

C'est cette décision implicite de rejet qui a été annulée par le Tribunal administratif de Polynésie française, donnant de facto raison à la requête du plaignant. L'instance judiciaire a estimé que les conditions de détention à Nuutania sont contraires à l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme, qui stipule que "nul ne peut être soumis à des traitements inhumains et dégradants", et en violation des articles D.59, D.189, D.349, D.350, D.351 et D.352 du Code de procédure pénale.

Faa'a-Nuutania avait été taxé de centre "le plus surpeuplé de tous les établissements pénitentiaires français", par les rapporteurs de la mission d'information en Polynésie française de la commission des lois, à la suite d’une visite réalisée le 1er mai 2008.
Au 1er novembre 2012, on y comptait 169 détenus en maison d’arrêt pour 54 places, soit un taux d’occupation de 313%; et 245 détenus au centre de détention pour 111 places (220,7%).

Rédigé par Jean-Pierre Viatge le Mardi 26 Février 2013 à 10:34 | Lu 2288 fois