Nucléaire: un incident dans une centrale française plus grave qu'annoncé


Berlin, Allemagne | AFP | vendredi 04/03/2016 -Un incident survenu le 9 avril 2014 à la centrale nucléaire de Fessenheim (est de la France), doyenne des centrales françaises, s'est avéré plus important qu'annoncé, l'un des deux réacteurs n'ayant été "momentanément plus contrôlable", affirment vendredi deux médias allemands.

Du fait d'une fuite d'eau ayant endommagé des dispositifs électriques, l'un des deux réacteurs de la centrale avait dû être arrêté en urgence via un dispositif rarement utilisé, a expliqué à l'AFP le physicien nucléaire français Jean-Marie Brom, militant de longue date pour la fermeture de Fessenheim qui juge toutefois "très exagérée" cette vision d'un réacteur "incontrôlable".

L'incident, qui avait fait l'objet à l'époque d'un courrier adressé à EDF par l'Autorité française de sûreté nucléaire (ASN), a été caractérisé par "une suite d'échecs techniques et de chaos", selon le journal Süddeutsche Zeitung et la chaîne locale WDR, qui s'appuient notamment sur les déclarations d'un expert nucléaire allemand.

Cet expert, Manfred Mertins, est l'auteur de deux récents rapports commandés par les élus Verts au Bundestag, qui concluent à la dangerosité de Fessenheim et d'une autre centrale française située près de la frontière allemande, Cattenom.

L'incident du 9 avril 2014 à Fessenheim avait été classé au niveau 1 de l'échelle internationale des événements nucléaires (INES), qui compte huit niveaux de gravité, classés de 0 à 7. Il avait à l'époque été annoncé par EDF puis analysé publiquement par l'ASN, qui en avait fait un compte rendu toujours consultable sur son site web.

Selon ce compte rendu, une fuite d'eau avait pénétré dans une armoire contenant des systèmes électriques et avait mis hors circuit l'un des systèmes de sécurité permettant de contrôler la puissance du réacteur.

Les opérateurs de la centrale avaient alors décidé d'arrêter en urgence le réacteur, en introduisant du bore (une substance servant à réguler sa puissance) dans son système de refroidissement.

Pourtant, l'utilisation de bore est un procédé rarissime, a dit l'expert Manfred Mertins au journal Süddeutsche Zeitung, qui dit n'avoir "connaissance d'aucun réacteur en Europe occidentale qui ait dû être arrêté avec un ajout de bore".

Pour Jean-Marie Brom, en revanche, "il n'est pas anormal en soi d'injecter du bore dans le réacteur, même si c'est effectivement rare de l'utiliser pour provoquer un arrêt d'urgence".

"Il y avait une autre option, que les opérateurs n'ont pas utilisée, c'est de déclencher la chute brutale des barres de commande dans le réacteur", a détaillé M. Brom à l'AFP.

"C'est un peu comme quand vous tirez le frein à main, parce que la pédale de frein ne marche plus. Mais ils ne l'ont pas fait, peut-être par crainte d'un choc thermique qui aurait pu endommager la cuve du réacteur. Ou bien ils ont choisi le bore parce que ce dispositif de chute des barres de commande ne fonctionnait plus non plus. L'ASN a demandé à EDF pourquoi il avait choisi cette solution, mais je ne sais pas ce qu'EDF leur a répondu".

Rédigé par () le Vendredi 4 Mars 2016 à 05:39 | Lu 449 fois