Nucléaire : l'heure des choix est venue, avertit la Cour des Comptes


PARIS, 31 janvier 2012 (AFP) - La Cour des comptes a prévenu mardi que la France devait faire des choix dès maintenant sur sa politique énergétique et l'avenir de son parc nucléaire, soulignant que dans tous les cas, il faudrait réaliser de lourds investissements pour maintenir la production d'électricité.

"D'ici la fin de l'année 2022, 22 réacteurs sur 58 atteindront leur 40e année de fonctionnement", et s'ils n'étaient pas prolongés, "il faudrait un effort très considérable d'investissement permettant de construire 11 EPR d'ici 2022", a déclaré Didier Migaud, premier président de la Cour des Comptes, en présentant un rapport consacré aux coûts de la filière d'électricité nucléaire.

Selon lui un tel effort "parait très peu probable, voire impossible, notamment pour des considérations industrielles", et faute d'avoir pris des décisions "explicites" en ce sens, la France sera contrainte de faire durer les centrales existantes au-delà de 40 ans, à moins d'investir massivement dans les énergies renouvelables, ou de réduire la consommation d'électricité.

"Ne pas décider revient à prendre une décision qui engage l'avenir, et il est souhaitable qu'une décision explicite soit prise", a plaidé M. Migaud.

Le Premier ministre François Fillon a réagi à cet avertissement en indiquant que le gouvernement préciserait ses choix "sur la durée de fonctionnement des centrales nucléaires ou la construction de nouveaux réacteurs", mais dans le cadre d'un programme d'investissements qui sera élaboré "à partir de l'été 2012", c'est-à-dire après les échéances électorales du printemps.

La Cour a adressé cet avertissement à l'occasion d'un rapport sans précédent sur l'ensemble des coûts liés à la production d'électricité nucléaire en France, qui pointe des incertitudes sur certaines charges futures et souligne que les coûts de production de cette énergie augmenteront de toute façon, en raison d'une envolée des frais de maintenance.

D'après ce rapport de près de 400 pages, qui avait été commandé l'an dernier par le gouvernement après la catastrophe de Fukushima, les investissements publics et privés réalisés depuis le début dans la filière française d'électricité nucléaire, d'un montant colossal, sont néanmoins bien "identifiés", avec une addition "toutes dépenses confondues" évaluée à 228 milliards (en incluant les frais de démantèlement prévisibles).

Le montant total de la construction des installations nécessaires à la production d'électricité nucléaire est chiffré à 121 milliards d'euros (hors coût de Superphénix), y compris les sommes liées à la première génération de centrales, qui ne sont plus en service. Le seul parc actuel, composé de 58 réacteurs, dont les plus anciens (Fessenheim 1 et 2) sont entrés en service en 1978, a coûté quant à lui 96 milliards.

Par ailleurs, la juridiction financière a prévenu que les charges futures liées au démantèlement des centrales et à la gestion à long terme des déchets radioactifs sont très incertaines, par manque d'expérience concrète. D'où des risques "probables" d'augmentation des chiffrages existants.

A ce sujet, le ministre de l'Energie Eric Besson a déclaré à l'AFP que des audits sur les devis de démantèlement des centrales "ont déjà été lancés" et seront achevés d'ici la fin de l'année.

Mais la Cour estime de toute façon que ces incertitudes auront un effet assez faible sur le coût moyen de production de l'électricité nucléaire. En revanche, les frais de maintenance du parc existant, qui vont plus que doubler sur la période 2011-2025, devraient faire grimper de 10% ce coût moyen.

Partisans et adversaires de l'atome ont trouvé leur compte dans ce rapport.

"Le nucléaire reste, même avec ces incertitudes, une énergie relativement peu chère", a retenu la ministre de l'Ecologie Nathalie Kosciusko-Morizet, alors qu'au contraire, pour la candidate écologiste à la présidentielle Eva Joly, ce "document vérité" bouleverse l'idée que l'atome est bon marché.

fpo/fz/bg

Rédigé par Par Frédéric POUCHOT le Mardi 31 Janvier 2012 à 06:09 | Lu 406 fois