Nouvelles vagues autour des polémiques îles Matthew et Hunter


PORT-VILA, vendredi 6 mai 2011 (Flash d'Océanie) – Les minuscules et inhabitées îlots Matthew et Hunter, à mi-chemin entre la collectivité française de Nouvelle-Calédonie de l’archipel et Vanuatu, ont une fois encore, ces derniers jours, surgi sur la scène politico-diplomatique, suscitant une nouvelle fois des tensions liées aux doubles revendications de souveraineté.
Sur le devant de la scène, cette fois-ci : des questions liées à la pêche dans les eaux proches de ces deux poussières d’îles et qui, selon le droit maritime international, confèrent à l’État reconnu souverain la fameuse zone exclusive économiques des deux cent milles nautiques autour de ces terres émergées, si minuscules soient-elles.
Dans un article publié jeudi, le quotidien national Daily Post croit savoir qu’une note diplomatique aurait été envoyée le 20 avril 2011 au ministère des affaires étrangères de Port-Vila via l’ambassade de France dans la capitale vanuatuane.
Il serait question dans cette note d’activités de pêche illégale et non signalées dans les zones autour des deux îlots et d’éventuelles répercussions néfastes de ce genre d’activités sur les relations à venir entre Paris et Port-Vila.
Dernier incident en date : fin décembre 2010, la détection et l’arraisonnement par la marine française (basée en Nouvelle-Calédonie), en mission de surveillance, d’un bateau de pêche chinois apparemment enregistré à Port-Vila.
Ce genre d’incident mettant en évidence le litige franco-vanuatuan était lin d’être une première.

Les précédents incidents

Ces minuscules îles avaient aussi posé problème en décembre 2004.
À cette époque, l’interception, puis la relaxe d’un palangrier taïwano-fidjien, le “Jin Chin I”, avait provoqué des vagues persistantes dans les milieux diplomatiques et militaires d’au moins cinq pays ou territoires : la Nouvelle-Calédonie, la France, les îles Fidji, Vanuatu et Taiwan.
Le “Jin Chin I”, battant pavillon taïwanais et dont une société fidjienne possède un tiers des actions, était intercepté par la marine nationale française, au Nord d’Ouvéa, dans les îles Loyauté –Nord-est de la Nouvelle-Calédonie--, par un patrouilleur de la marine nationale française en Nouvelle-Calédonie, La Moqueuse.
Le “Jin Chin I” était présumé pêcher illégalement dans les eaux de la zone exclusive économique (EEZ) de Nouvelle-Calédonie.
Une fois le bateau escorté à Nouméa, le dossier avait été transmis au Procureur de la République, qui devait décider d’éventuelles poursuites pour infraction dans des « eaux placées sous juridiction française ».
Il n’a pas donné suite.
Les autorités françaises décidaient finalement de le laisser repartir, soulignant toutefois le caractère exceptionnel de cette mesure de clémence et la bonne conduite du capitaine lors des manœuvres d’arraisonnement la semaine dernière.
Mais entre-temps, cette interception avait provoqué de vives réactions de la part de la société fidjienne associée à l’armateur taïwanais.
Graham Southwick, directeur de la société « Fiji Fish Marketing » basée à Fidji et qui gère les mouvements de ce palangrier de 25 mètres, demeurait persuadé que ce vaisseau se trouvait dans son bon droit et « clairement » dans les eaux de Vanuatu, en possession d’une licence de pêche délivrée par les autorités de cet archipel voisin.
L’homme d’affaires n’hésitait pas alors à déclarer son intention d’engager des poursuites à l’encontre, en vrac, « du territoire de Nouvelle-Calédonie, du gouvernement français, de la marine française, l’un de ceux-là ».
Motif : il estimait que la cargaison de thon frais qui se trouvait à bord au moment de l’intervention est désormais perdue, une préjudice auquel il ajoute les jours de pêche en mer également perdus et qu’il estime à un total de quelque deux cent mille dollars US.
Entre-temps, les gouvernements de Vanuatu et de Fidji avaient effectué des démarches, sous forme de protestations auprès des autorités françaises à Nouméa et à Suva.
À Nouméa, on évoquait alors un « problème de référentiel » entre les cartes utilisées par le navire battant pavillon taïwanais (et affrété par la société fidjienne) et les cartes françaises sur cette zone.
Le capitaine du “Jin Chin I” avait d’ailleurs reçu, avant d’appareiller pour Port-Vila (Vanuatu), un cadeau de la marine française : les cartes officielles de la marine nationale pour la ZEE de Nouvelle-Calédonie.

Quand la petite histoire rattrape la grande

Car ce qui semble être la confrontation de deux points de vue différents quant à la zone de pêche et qui se traduit par des cartes également différentes a pour origine deux minuscules îles situées à mi-chemin entre les Loyautés (Nouvelle-Calédonie) et les îles du Sud de Vanuatu : Matthew (Latitude: 22.29º Sud, Longitude : 171.15º Est, superficie : environ 100 m²) et Hunter (Latitude: 22.31º Sud, Longitude : 172.06º Est, superficie : environ 400 m²).
Ces deux poussières de terres hautement volcaniques sont totalement inhabitées, mais elles figurent en bonne place au chapitre contentieux à la fois de la France et de la jeune république de Vanuatu (devenue indépendante de la France et du Royaume-Uni en juillet 1980, après 74 ans de condominium).
Paris et Port-Vila revendiquent en effet chacun la souveraineté sur ces îles, non pas pour leur valeur intrinsèque, mais pour l’extension des zones économiques exclusives (ZEE) qu’elles permettent.
Selon le site Internet (http://www.spc.int/coastfish/Countries/Vanuatu/vanuatu-c.ffa.html) du programme des pêches du secrétariat Général de la communauté du Pacifique (CPS, basé à Nouméa), la ZEE de Vanuatu est actuellement estimée à 680.000 kilomètres carrés, « mais la résolution de la question de souveraineté sur Matthew et Hunter (qui représentent en réalité une ZEE d’environ 190.00 kilomètres carrés) pourrait avoir un impact significatif » (sur cette superficie).
Et pour cause : selon le droit international de la mer, quiconque possède la souveraineté sur ces îles possède aussi les eaux comprises dans un rayon de deux cent mile nautiques qui les entourent.
Les Nations-Unies auraient été saisies de cette affaire, mais n’ont toujours pas rendu d’arbitrage sur cette épineuse question.


Des poussières d’îles qui troublent les eaux franco-vanuatuanes

Matthew et Hunter, malgré leur taille, n’en finissent pas de troubler les relations (réputées bonnes par ailleurs) entre la France métropolitaine, sa collectivité océanienne de Nouvelle-Calédonie et son plus proche voisin indépendant, l’archipel de Vanuatu.
Au plan extra-maritime et plus politique : le 30 novembre 2010 a eu lieu une manifestation dans les rues de la capitale vanuatuane Port-Vila, à laquelle une petite centaine de personnes auraient participé, selon les organisateurs.
Ces derniers entendaient ainsi faire passer le message selon lequel ces minuscules îlots avaient toujours appartenu à Vanuatu (anciennement les Nouvelles-Hébrides, condominium franco-britannique devenu indépendant en juillet 1980).

Quand le FNLKS s’en mêle

Ils avaient aussi tenu à symboliquement dévoiler une petite stèle consacrée à ces îlots.
Edward Natapei, alors Premier ministre, avait jugé utile de soutenir publiquement le principe de cette manifestation, et de déclarer en substance que son pays était prêt-à-porter l’affaire devant une instance internationale compétente en matière de détermination des frontières maritimes et des eaux internationales.
Fin juillet 2009, le contentieux Matthew et Hunter connaissait un nouveau rebondissement avec une annonce émanant de la plateforme indépendantiste FLNKS (Front de Libération Nationale Kanak Socialiste) de Nouvelle-Calédonie.
Cette formation politique avait une nouvelle fois ravivé les tensions franco-vanuatuanes en affirmant qu’au cours d’une récente réunion du Groupe Mélanésien Fer de Lance (GMFL, qui comprend les États mélanésiens de Vanuatu, des îles Salomon, de Papouasie-Nouvelle-Guinée et de Fidji), le représentant du FLNKS (qui est aussi membre du GMFL), Victor Tutugoro, avait signé un document avec le Premier ministre de Vanuatu, Edward Natapei.
Ce document, sous forme de déclaration commune baptisée « Déclaration de Kéamu », reconnaîtrait officiellement que les îles Matthew et Hunter, revendiquées à la fois par la France et par la République de Vanuatu (depuis son accession à l’indépendance en 1980), font partie « coutumièrement » de l’archipel.
Cet accord, immédiatement dénoncé par les partis anti-indépendantistes de Nouvelle-Calédonie, consisterait en fait en un rapprochement de points de vue entre autorités coutumières de part et d’autre : d’un côté le Malvatumauri (Grand Conseil des Chefs) de Vanuatu et de l’autre le Sénat coutumier de Nouvelle-Calédonie.
La convergence se situerait sur le point de reconnaître que la coutume de Vanuatu considère avoir des liens anciens avec ces îles (qui figurent dans certains parties de la tradition orale), ce qui, côté Kanak, n’existerait pas.
Le premier à réagir à ce sujet fut alors le Sénateur néo-calédonien Simon Loueckhote, chef de file du parti « Mouvement pour la diversité » (anti-indépendantiste), et qui déclarait que « Suite à la signature d’un accord entre le Premier ministre du Vanuatu et le porte-parole du FLNKS reconnaissant l’appartenance des îles Matthew et Hunter à la République de Vanuatu, je fais part de mon profond étonnement face à l’initiative de monsieur Tutugoro, qui n’a aucune légitimité pour ce faire. Ce document n’a aucune valeur juridique puisqu’il n’a pas été signé par une autorité légale française. Je m’interroge alors sur le comportement du Premier ministre du Vanuatu qui ne peut ignorer les règles internationales. Son attitude est d’autant plus surprenante que la France et la Nouvelle-Calédonie ne ménagent pas leurs efforts pour maintenir des relations constructives avec le Vanuatu ».
Le parti Rassemblement-UMP (ancien RPCR) renchérissait pour sa part en soulignant que lors de la signature de l’Accord de Nouméa, en mai 1998, entre indépendantistes, non-indépendantistes et le gouvernement français, tous les partis signataires avaient reconnu de conserve que « la Nouvelle-Calédonie comprend la Grande-Terre, l’île des Pins, Bélep, les îles Loyauté et les îles Matthew et Hunter (article 1er de la Loi organique) ».

Minuscules îles, mais grosses vagues

Toujours fin juillet 2009, lors de cette mini-crise, Victor Tutugoro et son parti, l’Union Progressiste Mélanésienne, composante du FLNKS, enfonçaient le clou et, dans un communiqué, réaffirmaient une nouvelle fois l’appartenance de Matthew et Hunter à l’archipel de Vanuatu.
Réagissant aux commentaires adverses émanant des partis anti-indépendantistes, il estimait alors que ce genre de réactions dénotait une attitude « néo-colonialiste ».
« Au nom de la solidarité entre peuples du Pacifique, ces îles doivent être rendues au Vanuatu », insistait-il.
Sur un ton similaire, quelques jours après, l’Union Calédonienne, l’une des principales composantes du FLNKS, appelait à boycotter le sommet France-Océanie qui eut finalement lieu sans encombre le 30 juillet 209 en présence du ministre français des affaires étrangères de l’époque Bernard Kouchner et des représentants, à des niveaux divers, des États membres du Forum des Îles du Pacifique (FIP).
Ce parti, en substance, justifiait cette posture par le fait qu’il est appelé à moyen terme, dans le cadre du processus d’autonomie, à prendre en charge une partie des compétences en matière de relations régionales et internationales, et n’approuve pas forcément la politique française dans la région.

Petites batailles navales post-indépendance

Quelques années après la déclaration de son indépendance, le 30 juillet 1980, le seul patrouilleur de la marine nationale vanuatuane, le RVS Tukoro, en mars 1983, affrontait les mers pour une expédition en direction de Matthew et Hunter.
Objectif : déboulonner les plaques posées en 1975 par un navire de la marine française, La Bayonnaise, qui matérialisaient la souveraineté.
Ce qui fut fait, avec en prime un drapeau de Vanuatu planté à grand peine dans la roche.
Quelques jours plus tard, la marine française revenait le retirer.
Depuis, le conflit n’a toujours pas été résolu.
Et Vanuatu, tout comme la France, fait toujours figurer ces îles sur ses cartes officielles.
Pour les autres pays et leurs vaisseaux, l’usage est soit de se tenir à l’écart, soit de considérer prudemment ces zones « sous litige », entend-on régulièrement dans les milieux professionnels régionaux.

pad

Rédigé par PaD le Vendredi 6 Mai 2011 à 05:39 | Lu 2348 fois