Tahiti Infos

Nouvelle-Calédonie: cris et détonations dans les rues désertes de Nouméa


Crédit Theo Rouby / AFP
Crédit Theo Rouby / AFP
Dumbéa, France | AFP | mardi 14/05/2024 - Des rues désertes, où marchent quelques jeunes et résonnent les cris et bruits de détonations: la population était calfeutrée mardi soir dans Nouméa, la "capitale" de Nouvelle-Calédonie soumise à un couvre-feu après une nuit de violences.

Seules quelques personnes circulaient encore dans les rues avant le couvre-feu, certaines à la recherche d'un des rares commerces encore ouverts pour se ravitailler, a constaté un correspondant de l'AFP.

Les rues de Nouméa se sont vidées de leurs habitants. La circulation était de toute façon inhabituellement faible au lendemain de violences jamais vues en Nouvelle-Calédonie depuis les années 1980. Les grandes surfaces qui n'avaient pas été pillées ont gardé le rideau baissé. Les transports en commun sont à l'arrêt.

Après son entrée en vigueur à partir de 18H00 (09H00 à Paris), des jeunes marchent les bras chargés de cartons issus du pillage de commerces à Dumbéa, dans la banlieue nord de Nouméa, où une boucherie incendiée le matin est consciencieusement vidée.

Dans l'agglomération, les cris et les détonations sont incessants.

Magasins pillés, maisons incendiées, tirs sur les gendarmes: des affrontements d'une extrême violence ont secoué la nuit de lundi à mardi dans l'archipel français du Pacifique, alors que l'Assemblée nationale examine à Paris une révision constitutionnelle décriée par les indépendantistes.

Le texte vise à élargir le corps électoral aux élections provinciales, cruciales dans l'archipel du Pacifique sud. Les indépendantistes estiment que ce dégel risque de "minoriser encore plus le peuple autochtone kanak".

Par crainte d'un embrasement du territoire, des effectifs du groupe d'intervention de la gendarmerie (GIGN), du RAID, son équivalent pour la police, quatre escadrons de gendarmes mobiles et deux sections de la CRS 8, une unité spécialisée dans la lutte contre les violences urbaines, ont été mobilisés.

Sept escadrons de gendarmerie sont sur place, contre trois à quatre en temps normal, selon la gendarmerie.

Les forces de l'ordre ont procédé à 82 interpellations ces deux derniers jours, selon le dernier bilan rendu public par le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin.

- "Heures très difficiles" -
Malgré le couvre-feu, en vigueur jusqu'à 06H00 locales, un groupe d'hommes s'est déployé mardi devant leurs habitations pour tenter de les protéger et éviter le saccage de la grande surface située à proximité.

"Nous sortons malgré le couvre-feu, on éteint les mises à feu autour du rond-point, nos habitations sont toutes proches", témoigne l'un d'entre eux, Thomas, qui ne donne pas son nom.

"On vit des heures très difficiles. C'est la merde, que la réforme du corps électoral passe ou pas. Il va y avoir beaucoup de chômage et d'incertitude", ajoute-t-il.

L'homme se prépare à "passer une nuit blanche". "Même si on sait", poursuit-il, désabusé, "que l'on ne pourra pas (...) arrêter" les jeunes émeutiers "s'ils arrivent en masse".

Sur les réseaux sociaux, de très nombreuses images d'entreprises incendiées tournent en boucle, laissant craindre le pire pour une économie calédonienne déjà éprouvée.

Le couvre-feu complique la vie quotidienne de nombreux salariés, seuls les travailleurs "effectuant une mission de service public" étant autorisés à circuler, en plus des forces de l'ordre et des secours.

Dorothée - qui n'a pas donné son nom - et sa fille, qui travaillent de nuit dans le chef-lieu calédonien mais habitent le quartier d'Auteuil à Dumbéa, ont décidé de louer une chambre d'hôtel à Nouméa. Par peur de braver le couvre-feu, mais surtout d'être prises entre les tirs des émeutiers et des forces de l'ordre.

"C'est plus sûr pour nous, mais je m'inquiète pour mon dernier, qui est resté à la maison", explique la mère de famille quadragénaire.

A la tombée de la nuit, les actes de vandalisme ont repris de plus belle. Une grande enseigne de sport de la banlieue de Nouméa a été pillée, selon une correspondante de l'AFP.

le Mardi 14 Mai 2024 à 05:32 | Lu 1880 fois