Delphine MAYEUR / AFP
Koumac, France | AFP | dimanche 31/08/2024 - 16:05 UTC-9 | 589 mots
Le leader kanak Christian Tein, détenu en métropole après les violences déclenchées par la réforme du corps électoral en Nouvelle-Calédonie, a été désigné samedi président de l'alliance indépendantiste du FLNKS, a indiqué dans la nuit une responsable, après un congrès auquel deux composantes du Front ont refusé de participer.
Le porte-parole de la Cellule de coordination des actions de terrain (CCAT), soupçonné d'avoir orchestré les troubles qui ont fait 11 morts, est à l'isolement à la prison de Mulhouse-Lutterbach (Haut-Rhin) depuis le 23 juin.
Par la nomination de M. Tein, le Front de libération nationale kanak et socialiste (FLNKS) acte la reconnaissance de la CCAT en tant qu'outil de mobilisation du Front et plus seulement de l'Union calédonienne (UC, principal parti indépendantiste, composante du FLNKS), a expliqué Laurie Humuni, secrétaire générale du Rassemblement démocratique océanien (RDO), autre formation membre du FLNKS et actuellement à l'animation de son bureau politique.
Surnommé "Tonton Bichou", Christian Tein, né en 1968, a gravi les échelons au sein de l'UC avant d'être chargé par le parti, en novembre 2023, de gérer la CCAT, alors tout juste créée.
Les militants louent le "leadership" et le côté "rassembleur" de cet homme de terrain issu d'une famille animée par la cause de l'indépendance.
- Grands absents -
La désignation du leader kanak s'est faite en l'absence des deux autres composantes du FLNKS: le Parti de libération kanak (Palika) et l'Union progressiste mélanésienne (UPM). En raison de divisions internes et de dissensions quant au rôle de la CCAT, ils avaient annoncé leur refus de participer au 43e congrès du Front vendredi et samedi à Koumac, dans le nord de l'archipel français.
L'un comme l'autre avaient également prévenu qu'ils ne reconnaîtraient pas les motions politiques issues de la réunion.
La Nouvelle-Calédonie est plongée dans une profonde crise économique, politique et sociale depuis les violences meurtrières consécutives à une réforme d'élargissement du corps électoral calédonien, votée à Paris.
Face à l'embrasement du territoire, le président Emmanuel Macron a annoncé en juin que le texte était "suspendu".
Une prise de position jugée insuffisante par le camp indépendantiste qui demande un abandon clair du projet, l'accusant de réduire le poids politique des autochtones kanak.
M. Tein, qui se considère comme un "prisonnier politique" et dit ne pas avoir appelé à la violence, est mis en examen notamment pour complicité de tentative de meurtre et association de malfaiteurs en vue de la préparation d'un crime.
Pour les autorités, la CCAT a fomenté les troubles, ce dont le mouvement se défend.
Les partisans de Christian Tein estiment qu'il a tenté de contrôler une CCAT qui avait échappé à l'UC, quand ses ennemis politiques du camp loyaliste l'accusent de duplicité et d'être la tête pensante d'une organisation "terroriste".
La reconnaissance de la CCAT par le FLNKS doit permettre de mieux coordonner les actions de ses différents relais, alors qu'elle agissait jusqu'à présent de manière autonome, a précisé Mme Humuni.
"Nous devons lever certains blocages pour permettre à la population d'avoir accès aux services essentiels, mais cela ne signifie pas que nous abandonnons notre lutte", a-t-elle cependant affirmé à l'AFP, alors que l'archipel est toujours partiellement paralysé par des barrages.
Le Front a par ailleurs fait part de sa volonté de renouer le dialogue, mais uniquement avec l'Etat, excluant le camp non indépendantiste.
Le leader kanak Christian Tein, détenu en métropole après les violences déclenchées par la réforme du corps électoral en Nouvelle-Calédonie, a été désigné samedi président de l'alliance indépendantiste du FLNKS, a indiqué dans la nuit une responsable, après un congrès auquel deux composantes du Front ont refusé de participer.
Le porte-parole de la Cellule de coordination des actions de terrain (CCAT), soupçonné d'avoir orchestré les troubles qui ont fait 11 morts, est à l'isolement à la prison de Mulhouse-Lutterbach (Haut-Rhin) depuis le 23 juin.
Par la nomination de M. Tein, le Front de libération nationale kanak et socialiste (FLNKS) acte la reconnaissance de la CCAT en tant qu'outil de mobilisation du Front et plus seulement de l'Union calédonienne (UC, principal parti indépendantiste, composante du FLNKS), a expliqué Laurie Humuni, secrétaire générale du Rassemblement démocratique océanien (RDO), autre formation membre du FLNKS et actuellement à l'animation de son bureau politique.
Surnommé "Tonton Bichou", Christian Tein, né en 1968, a gravi les échelons au sein de l'UC avant d'être chargé par le parti, en novembre 2023, de gérer la CCAT, alors tout juste créée.
Les militants louent le "leadership" et le côté "rassembleur" de cet homme de terrain issu d'une famille animée par la cause de l'indépendance.
- Grands absents -
La désignation du leader kanak s'est faite en l'absence des deux autres composantes du FLNKS: le Parti de libération kanak (Palika) et l'Union progressiste mélanésienne (UPM). En raison de divisions internes et de dissensions quant au rôle de la CCAT, ils avaient annoncé leur refus de participer au 43e congrès du Front vendredi et samedi à Koumac, dans le nord de l'archipel français.
L'un comme l'autre avaient également prévenu qu'ils ne reconnaîtraient pas les motions politiques issues de la réunion.
La Nouvelle-Calédonie est plongée dans une profonde crise économique, politique et sociale depuis les violences meurtrières consécutives à une réforme d'élargissement du corps électoral calédonien, votée à Paris.
Face à l'embrasement du territoire, le président Emmanuel Macron a annoncé en juin que le texte était "suspendu".
Une prise de position jugée insuffisante par le camp indépendantiste qui demande un abandon clair du projet, l'accusant de réduire le poids politique des autochtones kanak.
M. Tein, qui se considère comme un "prisonnier politique" et dit ne pas avoir appelé à la violence, est mis en examen notamment pour complicité de tentative de meurtre et association de malfaiteurs en vue de la préparation d'un crime.
Pour les autorités, la CCAT a fomenté les troubles, ce dont le mouvement se défend.
Les partisans de Christian Tein estiment qu'il a tenté de contrôler une CCAT qui avait échappé à l'UC, quand ses ennemis politiques du camp loyaliste l'accusent de duplicité et d'être la tête pensante d'une organisation "terroriste".
La reconnaissance de la CCAT par le FLNKS doit permettre de mieux coordonner les actions de ses différents relais, alors qu'elle agissait jusqu'à présent de manière autonome, a précisé Mme Humuni.
"Nous devons lever certains blocages pour permettre à la population d'avoir accès aux services essentiels, mais cela ne signifie pas que nous abandonnons notre lutte", a-t-elle cependant affirmé à l'AFP, alors que l'archipel est toujours partiellement paralysé par des barrages.
Le Front a par ailleurs fait part de sa volonté de renouer le dialogue, mais uniquement avec l'Etat, excluant le camp non indépendantiste.
Une recomposition du FLNKS qui divise
Le 43e congrès du FLNKS, soldé samedi par la désignation polémique du leader kanak incarcéré Christian Tein à sa présidence, marque une rupture de la gouvernance du mouvement indépendantiste, fragilisé par l'absence de deux de ses quatre composantes historiques.
Moment historique pour certains, camouflet pour d'autres, ce congrès du Front de libération kanak et socialiste (FLNKS), très attendu dans la mouvance indépendantiste après un premier rendez-vous annulé en juin, a rassemblé samedi plusieurs centaines de militants d'une dizaine de partis, syndicats et mouvements de l'archipel.
C'est dans la commune de Koumac que l’ensemble des délégations ont afflué pour ce rendez-vous incontournable du monde indépendantiste, entouré d'un important dispositif de sécurité.
Après de longues discussions, fermées à la presse, les militants sont parvenus à adopter des motions de politique générale, en rupture avec les 23 dernières années de fonctionnement du Front de libération.
- "Déclaration de guerre" -
La plus symbolique d’entre elles, et certainement la plus polémique, est la désignation d'un président du FLNKS, Christian Tein, militant de l'Union calédonienne (UC, composante du FLNKS) et principale figure de la CCAT. Il succède à une direction collégiale qui assurait depuis 2001 la présidence du Front.
Cette Cellule de coordination des actions de terrain, créée fin 2023, est soupçonnée par la justice d'être à l'origine des exactions commises sur le territoire depuis le 13 mai qui ont fait 11 morts et mis des milliers de personnes au chômage.
M. Tein étant actuellement en détention provisoire à Mulhouse, un vice-président doit être nommé prochainement.
Mais l'annonce de la nomination de Christian Tein a provoqué une déflagration chez les non-indépendantistes. Philippe Blaise, premier vice-président loyaliste de la province Sud, l'a ainsi qualifié de "chef terroriste, organisateur opérationnel des violences du 13 mai", Gil Brial, deuxième vice-président de l'institution, voyant cette décision "à la limite de la déclaration de guerre".
"Le FLNKS, noyauté et absorbé́ par la CCAT, ne peut plus être considéré comme un interlocuteur légitime", ont également fait savoir dans un communiqué commun les Loyalistes et le Rassemblement-LR.
Pour Laurie Humuni, secrétaire générale du Rassemblement démocratique océanien (RDO) actuellement en charge de l'animation du bureau politique du FLNKS, cette nomination est au contraire un "symbole de réconciliation entre le FLNKS et le peuple", autrement dit la CCAT, dont les membres, présents sur les barrages, ont reproché leur absence aux responsables des différents partis politiques.
"Nous avons répondu à l'appel du FLNKS parce que nous avons besoin d'être dedans, d'être rassurés pour porter la parole juste et que l'on puisse avancer sereinement", a déclaré Dick Pouy lors de la cérémonie d’accueil, au nom de l'importante délégation de la CCAT. "La CCAT, c’est un peu comme un chien de garde", a fait observer à l’AFP un vieux militant UC.
- Appel à l'unité -
Les représentants de la CCAT ont convenu avec le bureau politique de "desserrer l'étau" en libérant les voies de circulation dans l'archipel, notamment près de Nouméa. L’enjeu est désormais de répondre à la dégradation des conditions de vie de la population qui fait redouter à court terme des "émeutes de la faim".
Cette rupture dans la gouvernance, avec la désignation d’un président et l’ouverture aux autres mouvements indépendantistes, vise à donner une nouvelle impulsion au FLNKS dans le cadre de la reprise des discussions sur l'avenir institutionnel.
L’apaisement pour trouver des solutions de sortie de crise et la reprise du dialogue sonne comme un appel du pied à l'Union progressiste en Mélanésie (UPM) et le Palika, composantes historiques du Front absentes du congrès.
Mais le chemin est encore long: la nomination de Christian Tein et la reconnaissance de la CCAT décidées lors de ce "soit-disant congrès" est une "manière de nous exclure", a taclé Victor Tutugoro, président de l'UPM.
Une vision partagée par Charles Washetine (Palika), qui a jugé auprès de l'AFP que ces décisions avaient été prises "sous la pression de la CCAT" et constituaient "un camouflet et une reculade par rapport aux acquis du FLNKS".
Pressentant les critiques, Hervé Tein-Taouva, un des cadres du FLNKS, a appelé à l'unité, en conclusion du congrès. "Il ne faut pas laisser le Palika et l'UPM dehors, c'est de notre responsabilité d’aller les chercher", avant le prochain congrès ordinaire au premier trimestre 2025.
Moment historique pour certains, camouflet pour d'autres, ce congrès du Front de libération kanak et socialiste (FLNKS), très attendu dans la mouvance indépendantiste après un premier rendez-vous annulé en juin, a rassemblé samedi plusieurs centaines de militants d'une dizaine de partis, syndicats et mouvements de l'archipel.
C'est dans la commune de Koumac que l’ensemble des délégations ont afflué pour ce rendez-vous incontournable du monde indépendantiste, entouré d'un important dispositif de sécurité.
Après de longues discussions, fermées à la presse, les militants sont parvenus à adopter des motions de politique générale, en rupture avec les 23 dernières années de fonctionnement du Front de libération.
- "Déclaration de guerre" -
La plus symbolique d’entre elles, et certainement la plus polémique, est la désignation d'un président du FLNKS, Christian Tein, militant de l'Union calédonienne (UC, composante du FLNKS) et principale figure de la CCAT. Il succède à une direction collégiale qui assurait depuis 2001 la présidence du Front.
Cette Cellule de coordination des actions de terrain, créée fin 2023, est soupçonnée par la justice d'être à l'origine des exactions commises sur le territoire depuis le 13 mai qui ont fait 11 morts et mis des milliers de personnes au chômage.
M. Tein étant actuellement en détention provisoire à Mulhouse, un vice-président doit être nommé prochainement.
Mais l'annonce de la nomination de Christian Tein a provoqué une déflagration chez les non-indépendantistes. Philippe Blaise, premier vice-président loyaliste de la province Sud, l'a ainsi qualifié de "chef terroriste, organisateur opérationnel des violences du 13 mai", Gil Brial, deuxième vice-président de l'institution, voyant cette décision "à la limite de la déclaration de guerre".
"Le FLNKS, noyauté et absorbé́ par la CCAT, ne peut plus être considéré comme un interlocuteur légitime", ont également fait savoir dans un communiqué commun les Loyalistes et le Rassemblement-LR.
Pour Laurie Humuni, secrétaire générale du Rassemblement démocratique océanien (RDO) actuellement en charge de l'animation du bureau politique du FLNKS, cette nomination est au contraire un "symbole de réconciliation entre le FLNKS et le peuple", autrement dit la CCAT, dont les membres, présents sur les barrages, ont reproché leur absence aux responsables des différents partis politiques.
"Nous avons répondu à l'appel du FLNKS parce que nous avons besoin d'être dedans, d'être rassurés pour porter la parole juste et que l'on puisse avancer sereinement", a déclaré Dick Pouy lors de la cérémonie d’accueil, au nom de l'importante délégation de la CCAT. "La CCAT, c’est un peu comme un chien de garde", a fait observer à l’AFP un vieux militant UC.
- Appel à l'unité -
Les représentants de la CCAT ont convenu avec le bureau politique de "desserrer l'étau" en libérant les voies de circulation dans l'archipel, notamment près de Nouméa. L’enjeu est désormais de répondre à la dégradation des conditions de vie de la population qui fait redouter à court terme des "émeutes de la faim".
Cette rupture dans la gouvernance, avec la désignation d’un président et l’ouverture aux autres mouvements indépendantistes, vise à donner une nouvelle impulsion au FLNKS dans le cadre de la reprise des discussions sur l'avenir institutionnel.
L’apaisement pour trouver des solutions de sortie de crise et la reprise du dialogue sonne comme un appel du pied à l'Union progressiste en Mélanésie (UPM) et le Palika, composantes historiques du Front absentes du congrès.
Mais le chemin est encore long: la nomination de Christian Tein et la reconnaissance de la CCAT décidées lors de ce "soit-disant congrès" est une "manière de nous exclure", a taclé Victor Tutugoro, président de l'UPM.
Une vision partagée par Charles Washetine (Palika), qui a jugé auprès de l'AFP que ces décisions avaient été prises "sous la pression de la CCAT" et constituaient "un camouflet et une reculade par rapport aux acquis du FLNKS".
Pressentant les critiques, Hervé Tein-Taouva, un des cadres du FLNKS, a appelé à l'unité, en conclusion du congrès. "Il ne faut pas laisser le Palika et l'UPM dehors, c'est de notre responsabilité d’aller les chercher", avant le prochain congrès ordinaire au premier trimestre 2025.