Manille, Philippines | AFP | mercredi 31/05/2023 - Aux Philippines, Stella Sibonga, mère de trois enfants, réclame désespérément l'annulation d'un mariage dont elle n'a jamais voulu. "Tout ce que nous voulons, c'est être libres", plaide-t-elle dans son pays à majorité catholique.
"Je ne comprends pas pourquoi c'est si difficile", se désole Mme Sibonga, 45 ans. Depuis onze ans, cette femme tente de mettre fin à ce mariage, imposé par ses parents quand elle est tombée enceinte.
Mais le divorce reste illégal aux Philippines. L'archipel est le seul pays au monde où divorcer est impossible - avec le Vatican.
Les femmes victimes de violences peuvent difficilement quitter le domicile conjugal et les couples souhaitant une rupture à l'amiable ne peuvent pas l'obtenir.
Seule option : demander à un tribunal d'annuler le mariage ou de le déclarer invalide depuis sa signature.
Or la procédure judiciaire est lente et peut coûter jusqu'à 9.500 euros dans ce pays où des millions de personnes vivent sous le seuil de pauvreté.
Et si le mariage est rompu, le gouvernement philippin peut encore faire appel.
Mme Sibonga avait ainsi obtenu gain de cause après 3.500 euros de frais de justice et cinq ans de procédure débutée en 2012, pendant lesquels elle a invoqué l'"incapacité psychologique" de son époux, un des motifs recevables.
Mais le soulagement a été de courte durée : le parquet, chargé de protéger l'institution du mariage au nom du ministère public, a interjeté appel et obtenu en 2019 que le jugement soit renversé.
"Pourquoi nous, qui avons connu la souffrance, l'abandon et les abus, sommes-nous punis par la loi?", demande Mme Sibonga, qui a déposé un recours devant la cour d'appel et attend toujours la décision.
Dans un pays à 78% de confession catholique, où l'influente Eglise s'oppose au divorce comme à l'avortement et à la contraception, nombre d'élus hésitent encore à faire évoluer la législation.
Pourtant, les mentalités évoluent.
En 2018, la majorité et l'opposition à la Chambre des représentants ont approuvé ensemble une réforme sur le divorce, ensuite bloquée au Sénat. C'était la première fois qu'une telle proposition allait aussi loin.
"Je suis une pécheresse"
Les Philippins favorables à la légalisation du divorce gagnent du terrain au gré des sondages et sont devenus majoritaires en 2017.
Une loi autorisant la contraception a été votée en 2012 en dépit du refus de l'Eglise.
Un groupe de parlementaires mène une campagne pour le divorce, avec plusieurs propositions de loi déposées devant la Chambre et le Sénat.
"Nous ne détruisons aucun mariage", souligne Edcel Lagman, auteur d'un des textes.
Selon lui, le divorce est réservé aux "mariages irrémédiablement dysfonctionnels" et sa légalisation permettrait aux femmes et à leurs enfants d'échapper aux "maris intolérants et violents".
L'impossibilité de divorcer conduit à des dérives.
L'AFP a détecté de nombreux posts Facebook propageant de fausses informations sur la procédure judiciaire d'annulation d'un mariage, démontrant la présence d'escrocs sur internet.
Une victime, qui cherchait "toutes les options possibles pour être à nouveau célibataire", a raconté à l'AFP sous couvert de l'anonymat avoir déboursé 2.250 euros dans une fausse procédure.
Elle envisage désormais de se convertir à l'islam dans l'espoir d'obtenir un divorce selon le droit musulman.
Pour Katrina Lagarde, spécialiste du droit de la famille, la multiplication de ces escroqueries montre "le besoin pressant" de légiférer.
Le père Jerome Secillano, de la Conférence des évêques des Philippines, estime au contraire que son pays devrait être "fier" d'être le seul pays en dehors du Vatican "à s'accrocher au concept traditionnel du mariage".
Divorcer d'un partenaire violent "perpétuerait la violence" selon lui parce que l'auteur abuserait de sa prochaine partenaire.
Mme Sibonga, qui confie avoir fait deux tentatives de suicide, refuse que ses enfants se marient tant que le divorce ne sera pas légal.
"Je ne veux pas qu'ils finissent comme moi", dit cette catholique, qui ne va plus à l'église de peur d'être accusée d'adultère car elle a un compagnon qu'elle ne peut pas épouser.
"Les gens pensent que parce que je suis toujours techniquement mariée, une pécheresse" et "que ce que Dieu a uni ne peut être séparé", déplore la quadragénaire. "Vraiment ? Même si ton mari essaie de te tuer?".
"Je ne comprends pas pourquoi c'est si difficile", se désole Mme Sibonga, 45 ans. Depuis onze ans, cette femme tente de mettre fin à ce mariage, imposé par ses parents quand elle est tombée enceinte.
Mais le divorce reste illégal aux Philippines. L'archipel est le seul pays au monde où divorcer est impossible - avec le Vatican.
Les femmes victimes de violences peuvent difficilement quitter le domicile conjugal et les couples souhaitant une rupture à l'amiable ne peuvent pas l'obtenir.
Seule option : demander à un tribunal d'annuler le mariage ou de le déclarer invalide depuis sa signature.
Or la procédure judiciaire est lente et peut coûter jusqu'à 9.500 euros dans ce pays où des millions de personnes vivent sous le seuil de pauvreté.
Et si le mariage est rompu, le gouvernement philippin peut encore faire appel.
Mme Sibonga avait ainsi obtenu gain de cause après 3.500 euros de frais de justice et cinq ans de procédure débutée en 2012, pendant lesquels elle a invoqué l'"incapacité psychologique" de son époux, un des motifs recevables.
Mais le soulagement a été de courte durée : le parquet, chargé de protéger l'institution du mariage au nom du ministère public, a interjeté appel et obtenu en 2019 que le jugement soit renversé.
"Pourquoi nous, qui avons connu la souffrance, l'abandon et les abus, sommes-nous punis par la loi?", demande Mme Sibonga, qui a déposé un recours devant la cour d'appel et attend toujours la décision.
Dans un pays à 78% de confession catholique, où l'influente Eglise s'oppose au divorce comme à l'avortement et à la contraception, nombre d'élus hésitent encore à faire évoluer la législation.
Pourtant, les mentalités évoluent.
En 2018, la majorité et l'opposition à la Chambre des représentants ont approuvé ensemble une réforme sur le divorce, ensuite bloquée au Sénat. C'était la première fois qu'une telle proposition allait aussi loin.
"Je suis une pécheresse"
Les Philippins favorables à la légalisation du divorce gagnent du terrain au gré des sondages et sont devenus majoritaires en 2017.
Une loi autorisant la contraception a été votée en 2012 en dépit du refus de l'Eglise.
Un groupe de parlementaires mène une campagne pour le divorce, avec plusieurs propositions de loi déposées devant la Chambre et le Sénat.
"Nous ne détruisons aucun mariage", souligne Edcel Lagman, auteur d'un des textes.
Selon lui, le divorce est réservé aux "mariages irrémédiablement dysfonctionnels" et sa légalisation permettrait aux femmes et à leurs enfants d'échapper aux "maris intolérants et violents".
L'impossibilité de divorcer conduit à des dérives.
L'AFP a détecté de nombreux posts Facebook propageant de fausses informations sur la procédure judiciaire d'annulation d'un mariage, démontrant la présence d'escrocs sur internet.
Une victime, qui cherchait "toutes les options possibles pour être à nouveau célibataire", a raconté à l'AFP sous couvert de l'anonymat avoir déboursé 2.250 euros dans une fausse procédure.
Elle envisage désormais de se convertir à l'islam dans l'espoir d'obtenir un divorce selon le droit musulman.
Pour Katrina Lagarde, spécialiste du droit de la famille, la multiplication de ces escroqueries montre "le besoin pressant" de légiférer.
Le père Jerome Secillano, de la Conférence des évêques des Philippines, estime au contraire que son pays devrait être "fier" d'être le seul pays en dehors du Vatican "à s'accrocher au concept traditionnel du mariage".
Divorcer d'un partenaire violent "perpétuerait la violence" selon lui parce que l'auteur abuserait de sa prochaine partenaire.
Mme Sibonga, qui confie avoir fait deux tentatives de suicide, refuse que ses enfants se marient tant que le divorce ne sera pas légal.
"Je ne veux pas qu'ils finissent comme moi", dit cette catholique, qui ne va plus à l'église de peur d'être accusée d'adultère car elle a un compagnon qu'elle ne peut pas épouser.
"Les gens pensent que parce que je suis toujours techniquement mariée, une pécheresse" et "que ce que Dieu a uni ne peut être séparé", déplore la quadragénaire. "Vraiment ? Même si ton mari essaie de te tuer?".