Crédit : OMS Grégoire Lebacon
Tahiti, le 22 juin 2021 – Six mois après le début de la vaccination, le responsable de la plateforme Covid, Manutea Gay, veut voir le verre à moitié plein, saluant le niveau de protection des populations vulnérables. Mais le net ralentissement du rythme d'injections oblige l'autorité sanitaire à envoyer ses équipes au contact des indécis, dans une course contre le variant delta, jusqu'à présent repéré par les contrôles sanitaires aux frontières et contenu.
Six mois après le lancement de la vaccination, quel bilan faites-vous ?
“On a démarré avec des objectifs bien définis : protéger les populations vulnérables, c'est-à-dire les personnes âgées ou avec des comorbidités. Nous avons atteint des taux intéressant avec 70% des plus de 75 ans, et 47% des 60 à 74 ans, ce qui est très positif. Globalement, la population dite vulnérable est vaccinée. Mais dans l'ensemble 21,6% de la population totale est vaccinée et 30% des 18 ans et plus”.
Est-ce que ça suffit à faire barrage à une autre vague épidémique ?
“Bien sûr que non, il faut vacciner tout le monde. La couverture doit être la plus élevée possible. On a entendu le ministre des Outre-mer évoquer 70%. Je rappelle qu'on ne peut pas se comparer à des pays comme Israël (56% de vaccination complète, Ndlr) car non seulement ils n'ont pas la même stratégie, mais en plus ils sont tous regroupés au même endroit, alors que nous sommes éparpillés.
Si les vaccinodromes ont été extrêmement efficaces au début avec plus de 3 000 personnes, le rendement aujourd'hui entre l'investissement dans une telle opération et le public touché n'est plus intéressant. Il faut entre 120 à 150 personnes pour animer un vaccinodrome, l'installer, le faire vivre et le démanteler. C'est pourquoi on cherche à optimiser nos ressources humaines pour pouvoir répondre aux personnes qui ne viennent pas. Depuis un mois, on oriente notre stratégie sur les quartiers, avec le concours des communes qui connaissent leur population. Ce qui nécessite une logistique technique plus compliquée. Nous avons commencé par Pirae, Mahina et Arue. Ça nous permet de toucher entre 50 à 100 personnes dans la journée”.
Six mois après le lancement de la vaccination, quel bilan faites-vous ?
“On a démarré avec des objectifs bien définis : protéger les populations vulnérables, c'est-à-dire les personnes âgées ou avec des comorbidités. Nous avons atteint des taux intéressant avec 70% des plus de 75 ans, et 47% des 60 à 74 ans, ce qui est très positif. Globalement, la population dite vulnérable est vaccinée. Mais dans l'ensemble 21,6% de la population totale est vaccinée et 30% des 18 ans et plus”.
Est-ce que ça suffit à faire barrage à une autre vague épidémique ?
“Bien sûr que non, il faut vacciner tout le monde. La couverture doit être la plus élevée possible. On a entendu le ministre des Outre-mer évoquer 70%. Je rappelle qu'on ne peut pas se comparer à des pays comme Israël (56% de vaccination complète, Ndlr) car non seulement ils n'ont pas la même stratégie, mais en plus ils sont tous regroupés au même endroit, alors que nous sommes éparpillés.
Si les vaccinodromes ont été extrêmement efficaces au début avec plus de 3 000 personnes, le rendement aujourd'hui entre l'investissement dans une telle opération et le public touché n'est plus intéressant. Il faut entre 120 à 150 personnes pour animer un vaccinodrome, l'installer, le faire vivre et le démanteler. C'est pourquoi on cherche à optimiser nos ressources humaines pour pouvoir répondre aux personnes qui ne viennent pas. Depuis un mois, on oriente notre stratégie sur les quartiers, avec le concours des communes qui connaissent leur population. Ce qui nécessite une logistique technique plus compliquée. Nous avons commencé par Pirae, Mahina et Arue. Ça nous permet de toucher entre 50 à 100 personnes dans la journée”.
“Le fait d'être sur place fait clairement la différence, les gens ont besoin d'être plus éclairés”
Crédit : OMS Grégoire Lebacon
Vu la nette diminution du rythme des injections, on a pourtant l'impression d'atteindre un plafond de verre, comme faire pour toucher plus de monde ?
“Il faut accentuer cette action, aller au contact, mais c'est long et ça nécessite des ressources humaines. La réponse de la population dans les archipels est la même qu'ici. On a souvent 20% qui veut bien se faire vacciner et le reste qui hésite. Mais ça dépend des îles. Ce week-end nous avons envoyé une équipe à Rimatara avec trois mots d'ordre : sensibilisation, explication (en français et en tahitien), vaccination. Résultat hier, 66 personnes ont accepté le vaccin. C'est ce que nous avons fait également à Rapa. Au départ 50% de la population était volontaire, et finalement, nous avons atteint 70%. Le fait d'être sur place fait clairement la différence, les gens ont besoin d'être plus éclairés, ce qui est tout à fait normal. Nous faisons de gros effort, mais on n'arrive pas encore à toucher tout le monde”.
Coqueluche, diphtérie, poliomyélite, rougeole, rubéole, tétanos, etc. : 98% des Polynésiens sont vaccinés contre plusieurs maladies, on aurait pu croire qu'ils adhèrent plus facilement au vaccin anti-covid ?
“Oui mais s'ils le sont c'est parce que c'est une obligation sanitaire, avec un calendrier de vaccination pour les nouveau-nés. Après il y a effectivement une méfiance. La plupart du temps, ce qu'on nous dit dans les quartiers c'est “on attend”. Du coup nous avons mis en place des flyers pour vulgariser au maximum, mais il y a des limites à ça, il s'agit quand même d'un acte médical. C'est un médicament que l'on propose. Quelles sont les étapes ? Comment fabrique-t-on un vaccin ? Ce n'est pas quelque chose qu'on fait au coin d'une table, il y a des normes internationales. Dès lors qu'une AMM (autorisation de mise sur le marché) a été validée par les autorités compétentes, ça veut dire que le protocole de fabrication a été respecté. Ce n'est pas parce que l'AMM a été délivrée qu'on ne suit plus les personnes vaccinées, et ce vaccin-là en particulier, puisque nous faisons face à une pandémie planétaire avec un virus qui mute comme tous les autres. Et dès lors que nous sommes en pandémie, ses variants se diffusent sur toute la planète.
Nous suivons de près l'évolution des recherches dans la bibliographie française et internationale, notamment sur l'efficacité des vaccins face aux variants et on en apprend toutes les semaines. On adapte en conséquence. Ce ne sont pas des décisions prises à la légère”.
“Il faut accentuer cette action, aller au contact, mais c'est long et ça nécessite des ressources humaines. La réponse de la population dans les archipels est la même qu'ici. On a souvent 20% qui veut bien se faire vacciner et le reste qui hésite. Mais ça dépend des îles. Ce week-end nous avons envoyé une équipe à Rimatara avec trois mots d'ordre : sensibilisation, explication (en français et en tahitien), vaccination. Résultat hier, 66 personnes ont accepté le vaccin. C'est ce que nous avons fait également à Rapa. Au départ 50% de la population était volontaire, et finalement, nous avons atteint 70%. Le fait d'être sur place fait clairement la différence, les gens ont besoin d'être plus éclairés, ce qui est tout à fait normal. Nous faisons de gros effort, mais on n'arrive pas encore à toucher tout le monde”.
Coqueluche, diphtérie, poliomyélite, rougeole, rubéole, tétanos, etc. : 98% des Polynésiens sont vaccinés contre plusieurs maladies, on aurait pu croire qu'ils adhèrent plus facilement au vaccin anti-covid ?
“Oui mais s'ils le sont c'est parce que c'est une obligation sanitaire, avec un calendrier de vaccination pour les nouveau-nés. Après il y a effectivement une méfiance. La plupart du temps, ce qu'on nous dit dans les quartiers c'est “on attend”. Du coup nous avons mis en place des flyers pour vulgariser au maximum, mais il y a des limites à ça, il s'agit quand même d'un acte médical. C'est un médicament que l'on propose. Quelles sont les étapes ? Comment fabrique-t-on un vaccin ? Ce n'est pas quelque chose qu'on fait au coin d'une table, il y a des normes internationales. Dès lors qu'une AMM (autorisation de mise sur le marché) a été validée par les autorités compétentes, ça veut dire que le protocole de fabrication a été respecté. Ce n'est pas parce que l'AMM a été délivrée qu'on ne suit plus les personnes vaccinées, et ce vaccin-là en particulier, puisque nous faisons face à une pandémie planétaire avec un virus qui mute comme tous les autres. Et dès lors que nous sommes en pandémie, ses variants se diffusent sur toute la planète.
Nous suivons de près l'évolution des recherches dans la bibliographie française et internationale, notamment sur l'efficacité des vaccins face aux variants et on en apprend toutes les semaines. On adapte en conséquence. Ce ne sont pas des décisions prises à la légère”.
"Les détracteurs peuvent critiquer, mais la critique doit être documentée et elle doit savoir se remettre en question”
Comment lever les craintes du vaccin qui semblent toucher pas mal de monde ?
“Ce n'est pas tant que les gens ont peur, mais ils sont dans le doute. Le fait que la vaccination fléchisse, c'est aussi un peu normal parce qu'on a répondu à la population sensibilisée. Maintenant, il faut pouvoir identifier qui n'est pas vacciné –ce que nous avons fait– et pourquoi ? Là, c'est plus flou. On nous répond “on attend” mais on sans trop savoir ce qu'on attend. Et comme en ce moment la situation est maîtrisée et qu'il y a très peu de cas, on ne s'inquiète plus”.
Les gens qui attendent ont-ils pris la mesure du risque et notamment du Delta, plus virulent et plus contagieux selon les dernières données de la recherche ?
“On ne veut pas non plus être alarmiste. Les détracteurs lancent des informations qui ne reposent sur rien du tout et qui jettent le trouble dans la population. On peut critiquer, mais la critique doit être documentée et doit savoir se remettre en question. Les éléments diffusés par le ministère de la Santé sont documentés. Les scientifiques sont vigilants là-dessus, et ils sont les premiers à se remettre en question. Dans tout traitement, il y a ce qu'on appelle la pharmacovigilance. Dès que quelqu'un a un trouble au lendemain de la vaccination, dans le doute il doit le déclarer, il faut déclarer, parce que derrière, il y a une analyse. On vérifie s'il y a un lien possible avec le vaccin. On n'accorde pas une autorisation de mise sur le marché sans suivi derrière, ce ne sont pas des bonbons que l'on distribue. C'est tout ça qu'on explique et ça prend du temps, c'est ça aussi qu'on met dans les flyers, mais est-ce que tout le monde lit ?”
“Ce n'est pas tant que les gens ont peur, mais ils sont dans le doute. Le fait que la vaccination fléchisse, c'est aussi un peu normal parce qu'on a répondu à la population sensibilisée. Maintenant, il faut pouvoir identifier qui n'est pas vacciné –ce que nous avons fait– et pourquoi ? Là, c'est plus flou. On nous répond “on attend” mais on sans trop savoir ce qu'on attend. Et comme en ce moment la situation est maîtrisée et qu'il y a très peu de cas, on ne s'inquiète plus”.
Les gens qui attendent ont-ils pris la mesure du risque et notamment du Delta, plus virulent et plus contagieux selon les dernières données de la recherche ?
“On ne veut pas non plus être alarmiste. Les détracteurs lancent des informations qui ne reposent sur rien du tout et qui jettent le trouble dans la population. On peut critiquer, mais la critique doit être documentée et doit savoir se remettre en question. Les éléments diffusés par le ministère de la Santé sont documentés. Les scientifiques sont vigilants là-dessus, et ils sont les premiers à se remettre en question. Dans tout traitement, il y a ce qu'on appelle la pharmacovigilance. Dès que quelqu'un a un trouble au lendemain de la vaccination, dans le doute il doit le déclarer, il faut déclarer, parce que derrière, il y a une analyse. On vérifie s'il y a un lien possible avec le vaccin. On n'accorde pas une autorisation de mise sur le marché sans suivi derrière, ce ne sont pas des bonbons que l'on distribue. C'est tout ça qu'on explique et ça prend du temps, c'est ça aussi qu'on met dans les flyers, mais est-ce que tout le monde lit ?”
“Que ça réduise la charge virale ou les risques de développer une forme grave, on le dit tout le temps”
Le risque de diffusion du delta est-il suffisamment important pour justifier un contrôle sanitaire strict aux frontières ?
“Beaucoup de gens nous disent qu'ils ne veulent pas faire le vaccin parce qu'ils n'ont pas prévu de voyager. Or, si nous avons mis en place des mesures un peu draconiennes, avec un maillage particulièrement serré, c'est parce que le variant voyage lui aussi et il peut très bien se diffuser dans la population à une allure vertigineuse. D'ailleurs il est arrivé, il est déjà là : “ua tae mai ! ua tae e !” C'est pour ça qu'on est sévère : pour le contenir. Nous pistons les cas confirmés, parce que c'est nécessaire. Les touristes qui sont négatifs à l'embarquement et qui sont positifs à l'arrivée, ils sont déjà là et ce n'est pas évident à gérer. Mais on n'a pas d'autre choix que de les mettre en quarantaine pour protéger la population. Idem pour les Polynésiens qui reviennent positifs. Ce n'est pas drôle, mais c'est ce qu'il faut faire”.
Mais ces personnes restent minoritaires ?
“C'est une pathologie que l'on ne connaît pas à 100%. On peut être vacciné et porteur. On peut avoir été contaminé à la veille de l'injection, mais il y a aussi des cas de personnes qui ont fait le schéma vaccinal complet et qui ont été contaminé, ce qui est rare fort heureusement. Les suivies des scientifiques montrent que les personnes qui sont complètement vaccinées sont quand même beaucoup moins touchées que les autres. Et s'ils l'attrapent, ils ont moins de chance de développer une forme grave”.
Dans tous les cas, si le delta se diffuse, nos matahiapo sont tranquilles ?
“C'est la satisfaction que nous avons, d'avoir un bon niveau de protection de nos anciens, mais il faut quand même faire attention. Parce que même du côté des plus jeunes, il y a des comorbidités. D'où l'importance de se vacciner, y compris pour les personnes bien portantes, parce que le delta est déjà ici, mais il est contenu, c'est la preuve que le dispositif est efficace, même s'il est impopulaire. C'est notre mission au niveau de la santé. Que ça réduise la charge virale ou les risques de développer une forme grave, on le dit tout le temps. On essaye de tenir le discours le plus transparent et objectif possible, que faire de plus ? La vaccination, c'est le seul moyen de se prémunir efficacement de la maladie. Parce qu'on n'est pas à l'abri d'une autre épidémie”.
“Beaucoup de gens nous disent qu'ils ne veulent pas faire le vaccin parce qu'ils n'ont pas prévu de voyager. Or, si nous avons mis en place des mesures un peu draconiennes, avec un maillage particulièrement serré, c'est parce que le variant voyage lui aussi et il peut très bien se diffuser dans la population à une allure vertigineuse. D'ailleurs il est arrivé, il est déjà là : “ua tae mai ! ua tae e !” C'est pour ça qu'on est sévère : pour le contenir. Nous pistons les cas confirmés, parce que c'est nécessaire. Les touristes qui sont négatifs à l'embarquement et qui sont positifs à l'arrivée, ils sont déjà là et ce n'est pas évident à gérer. Mais on n'a pas d'autre choix que de les mettre en quarantaine pour protéger la population. Idem pour les Polynésiens qui reviennent positifs. Ce n'est pas drôle, mais c'est ce qu'il faut faire”.
Mais ces personnes restent minoritaires ?
“C'est une pathologie que l'on ne connaît pas à 100%. On peut être vacciné et porteur. On peut avoir été contaminé à la veille de l'injection, mais il y a aussi des cas de personnes qui ont fait le schéma vaccinal complet et qui ont été contaminé, ce qui est rare fort heureusement. Les suivies des scientifiques montrent que les personnes qui sont complètement vaccinées sont quand même beaucoup moins touchées que les autres. Et s'ils l'attrapent, ils ont moins de chance de développer une forme grave”.
“Le delta est déjà ici, mais il est contenu, d'où l'importance y compris pour les personnes bien portantes, de se vacciner”
Dans tous les cas, si le delta se diffuse, nos matahiapo sont tranquilles ?
“C'est la satisfaction que nous avons, d'avoir un bon niveau de protection de nos anciens, mais il faut quand même faire attention. Parce que même du côté des plus jeunes, il y a des comorbidités. D'où l'importance de se vacciner, y compris pour les personnes bien portantes, parce que le delta est déjà ici, mais il est contenu, c'est la preuve que le dispositif est efficace, même s'il est impopulaire. C'est notre mission au niveau de la santé. Que ça réduise la charge virale ou les risques de développer une forme grave, on le dit tout le temps. On essaye de tenir le discours le plus transparent et objectif possible, que faire de plus ? La vaccination, c'est le seul moyen de se prémunir efficacement de la maladie. Parce qu'on n'est pas à l'abri d'une autre épidémie”.