"Nous n'achetons que les sacs à dos et les savates"


Rose et sa petite famille vivent dans une petite pièce ouverte de 15 m² environ, les lits à même le sable
MAHINA, le 16/08/2016 - Beaucoup de familles vivent sous le seuil de pauvreté en Polynésie Française. Les évènements comme la rentrée scolaire sont une étape importante pour elles car elles doivent faire plusieurs sacrifices pour que leurs enfants soient prêts le jour J. Tahiti Infos a rencontré l'une d'elles samedi matin afin de partager leur quotidien et leurs inquiétudes.

Ils n'ont pas de travail et ils ont préparé la rentrée scolaire de leurs enfants avec le strict minimum, "nous achetons que le sac et les savates. Pour les vêtements, nos enfants vont retourner à l'école avec leur linge de l'année dernière. On ne peut pas faire autrement. Heureusement que les fournitures, c'est l'école qui prend en charge. Nous payons aussi l'assurance des enfants pour la rentrée scolaire et on verra après quand on touchera leurs allocations, s'il y a d'autres choses à fournir", explique Rose, mère de deux enfants de 4 et 6 ans. "On évite de trop dépenser et on essaye de prendre soin des vêtements pour l'année suivante. (…)"

Il n'y a pas que les fournitures et les vêtements à prendre en compte. "Pour payer la cantine, c'est une autre histoire parce que des fois, on nous retire directement sur les allocations. On se retrouve avec 6 000 Fcfp par mois alors qu'une allocation par enfant est de 10 000 Fcfp pour les RST. Il y a aussi les brosses à dents, etc.", regrette Rose.

Rose, son mari Mohinoa et leurs deux enfants vivent dans une pièce ouverte de 15 m² environ. On y retrouve deux lits posés sur des planchers, à même le sable. Rose et sa petite famille habitent dans une partie de la maison de fortune de ses beaux-parents. L'autre partie est occupée par sa belle-sœur Tekura et sa petite famille. Avec ses quatre enfants, Tekura vit grâce aux petits boulots de son mari, "il répare des voitures, de temps en temps", explique-elle. Par mois, son mari peut gagner jusqu'à 50 000 Fcfp, ce qui paraît très peu pour une famille nombreuse. Mais chez les Tetoe, on est quand même heureux.

Avec leurs quatre enfants, de 14 ans, 8 ans, 4 ans et 11 mois, Tekura et son mari Rudolphe font du mieux qu'ils peuvent pour subvenir aux besoins de leur petite famille, même si ce n'est pas évident tous les jours. "Nous demandons aussi l'aide au service social de la commune mais on ne nous donne pas. Nous cherchons du travail mais en vain." Tekura a suivi une formation dans le commerce, au CFPA en 2010. "J'ai fait des demandes de CAE mais sans réponse."

Et pour cette rentrée scolaire, le budget est restreint mais leurs enfants vont à l'école avec ce qu'il faut. Leur fille aînée, Teraki a fait sa rentrée en 3ème au collège de Mahina, vendredi dernier. Pour elle, pas besoin d'avoir le luxe pour aller à l'école : "Je n'ai pas de vêtements qui coûtent chers, de joli sac ou de beaux crayons, etc. Mais au moins je suis heureuse et fière de mes parents".


PAS FACILE DE TROUVER UN EMPLOI

"Même les services sociaux les ignorent"

Si chacun a son coin privé, les repas se font ensemble. Tekura, son frère Mohinoa et leurs familles respectives vivent depuis plusieurs années dans ces conditions.

Trouver un emploi est plus que primordial pour eux, mais la tâche n'est pas évidente. "J'ai suivi deux formations de remise à niveau cette année. J'ai eu mes certificats et j'ai encore un entretien à passer au CFPA pour être assistante en maternelle. Le problème qui se pose est que quand on est en formation et bien on nous interdit d'aller pratiquer dans les lieux publics mais plutôt dans les structures privés comme les garderies. Mais elles préfèrent prendre des personnes qui ont le BAFA", explique Rose.

Pareil pour Tekura qui a suivi en 2010 une formation dans le commerce, au CFPA.

Le destin de ces femmes se repose pour le moment, sur les petits boulots que font leurs maris. Et Rose ne cache pas sa déception vis-à-vis des politiciens. "Qu'ils arrêtent d'être hypocrites parce que quand ils ont besoin de nous, ils savent qui nous sommes et quand nous avons besoin d'eux, personne n'est là".

Selon Rose, même les services sociaux les ignorent. "Quand on va leur demander de l'aide, ils nous disent qu'il faut aller chercher du travail. Ils croient que c'est facile et qu'il suffit de claquer des doigts et ça y est, mais non ce n'est pas facile. Ils croient qu'on ne fait pas d'efforts alors que c'est faux. Nous allons déposer nos dossiers au SEFI, etc. Ils nous disent qu'ils nous rappelleront mais en fin de compte ils ne nous rappellent jamais". Cette mère de famille crie son désarroi et ne mâche pas ses mots, "nous sommes rejetés par la société".

Courageuses et déterminées, Tekura et Rose ne baissent pas pour autant les bras, l'avenir de leurs enfants est en jeu. "On préfère dans ce cas-là, se débrouiller tout seul", lâche Rose.

Les deux familles vivent depuis plusieurs années dans cette maison de fortune

Tekura et deux de ses enfants. Elle prend la vie du bon côté malgré leur situation

"Une fois ma fille est revenue de l'école en me demandant d'acheter un tricot de la reine des neiges, comme celui d'une de ses copines. Mais nous lui avons expliqué que ce n'était pas possible parce qu'on a pas les moyens. Ca fait mal, mais c'est comme ça", explique Rose

Les librairies prisent d'assaut avant la rentrée scolaire

Les achats de la rentrée scolaire sont des moments importants pour les familles polynésiennes. Les deux dernières semaines avant le jour J, elles se consacrent à la préparation de leurs enfants pour la nouvelle année qui se profile à l'horizon.
Les budgets varient selon les portefeuilles des familles. Les plus démunis se contentent du strict nécessaires tandis que d'autres dépensent sans trop compter, mais elles font tout de même attention aux dépenses superflues.
Les librairies de leurs côtés, préparent cet évènement en amont. Et chaque détail compte, "on fait des aménagements dans le magasin pour accueillir la rentrée, à la fois en termes d'implantation du magasin et il y a aussi des volumes pour la rentrée des classes que nous n'avons pas toute l'année", précise Yvan Dores, directeur d'une librairie sur Papeete.


Rédigé par Corinne Tehetia le Dimanche 16 Aout 2015 à 10:00 | Lu 6253 fois