Nos savoirs traditionnels insuffisamment protégés


"La biopiraterie est l'accaparement illégitime de la biodiversité, des ressources génétiques des savoirs ou connaissances traditionnels utilisés sans avoir obtenu le consentement des populations", a rappelé Yves Jeanclos, professeur agrégé de droit.
PUNAAUIA, le 27 novembre 2018. Chercheurs et spécialistes du Droit se sont réunis ce mardi pour définir quels outils peuvent être mis en place pour protéger nos ressources biologiques et nos savoirs traditionnels associés à la biodiversité. Le but : éviter que des multinationales ou que des organismes de recherche se les accaparent.

Dans le prolongement du colloque international sur les plantes aromatiques, médicinales et cosmétopées qui s'est tenu la semaine dernière, l'université de Polynésie française a organisé ce mardi une journée d'étude sur le thème "Ressources biologiques : recherche-développement, sécurité juridique et partages d'expériences".

Ce rendez-vous avait pour objectif de réaliser un bilan juridique et scientifique de l'exploitation des ressources biologiques sous l'angle de la réglementation APA (accès aux ressources biologiques et partages des avantages). Pour faire simple, il s'agit de trouver comment agir et réglementer à moyen et long termes pour protéger nos savoirs traditionnels mais aussi les vertus encore inconnues de notre biodiversité.

Pour lutter contre la biopiraterie, le protocole de Nagoya a été adopté en 2010 et signé depuis par une centaine de pays, dont la France, pour encadrer l'accès aux ressources génétiques et le partage des avantages (APA) qui peut en résulter. Au fenua, une loi du Pays a été adoptée fin 2011 à Tarahoi pour atteindre le même objectif. "Ce qui est dommage c'est que le législateur polynésien n'a pas pris d'arrêt d'application", a regretté ce mardi Arnaud de Raulin, professeur en droit public à l'université de Polynésie française. "Depuis plus de cinq ans, il n'y a pas eu du tout d'arrêté. Ces arrêtés auraient pu préciser le fonctionnement du dispositif APA."

"Notre administration et notre réglementation ne sont pas aboutis par rapport au standard que l'on voit dans les outre-mer ou dans les pays anglo-saxons qui nous entourent", a reconnu Tearii Alpha, ministre de l'Economie verte. "Nous devons avancer vers une meilleure réglementation qui protège les accès, les partages et les avantages de ce domaine. Ne perdons pas de temps à avancer seul. Il faut qu'on s'inscrive dans un standard européen. L'exemple français européen pourrait nous rendre relativement leader dans la région Pacifique. Avançons vite, cela fait 10 ans que nous attendons que la réglementation évolue. J'espère que vous nous aiderez à mettre le doigt sur ce qu'il faut faire."
Le ministre ajoute : "Ce sujet est très important car on voit des pays qui ont été pillés par les grandes firmes internationales. Il ne faut pas que cela nous arrive".







Conférence : « La biopiraterie dans l’outre-mer français : comment s’en sortir ? »

Thomas Burelli, professeur en droit à la Faculté de droit civil de l’Université d’Ottawa, interviendra dans le cadre des conférences "Savoirs pour tous" sur le thème "La biopiraterie dans l’outre-mer français : comment s’en sortir ?". Cette conférence aura lieu le jeudi 29 novembre à 18h15 en amphi A3 de l'université de Polynésie française à Punaauia.
"Les peuples autochtones ont de tout temps été des informateurs privilégiés pour les explorateurs et les scientifiques. Encore aujourd’hui les savoirs traditionnels et les ressources détenus par les peuples autochtones font l’objet d’attentions de la part des chercheurs. C’est le cas par exemple dans l’outre-mer français, notamment en Nouvelle-Calédonie, Polynésie française ou encore en Guyane", explique-t-il. "Dans ces territoires, de nombreux projets de collecte, d’étude et de valorisation des savoirs traditionnels ont été menés depuis les années 1990. Parmi ces projets, plusieurs cas de biopiraterie (appropriation abusive de ressources de la biodiversité et de savoirs traditionnels) ont été mis en évidence ces dernières et ce en dépit des nombreuses évolutions du droit international et de l’éthique dans le domaine de la recherche impliquant les peuples autochtones."
Thomas Burelli présentera certains cas de biopiraterie et les arguments mobilisés par certains chercheurs français afin de justifier ces pratiques de biopiraterie. Pour terminer, il exposera les outils et stratégies disponibles afin de prévenir et de combattre les pratiques de biopiraterie.
L'entrée est libre.

Une éponge polynésienne pour soigner le diabète ?

En 2011, des travaux de recherche initiés ont montré que l’éponge Dactylospongia metachromia, particulièrement abondante aux Tuamotu, constitue une source de deux molécules, l’ilimaquinone et son épimère, produits naturellement en quantité notable. Ces molécules ont fait l’objet de travaux chimiques de production par hémi synthèse de différents produits qui ont été testés. L’un d’entre eux a ainsi démontré une activité remarquable sur la production d’insuline.
Le projet Redame (Etude de la REssource en éponge DActylospongia MEtachromia pour une production durable) est ainsi né et soutenu par le Contrat de projets Etat-Pays.
L'objectif est d'utiliser cette éponge pour traiter le diabète de type 2. Ce projet est financé sur trois ans à hauteur de 82 millions de Fcfp, dont 30 millions par le Contrat de projets Etat-Pays, 42 millions par l'Université de Polynésie française et l'Institut de recherche pour le développement et 10 millions par la Direction des ressources marines et minières.

Rédigé par Mélanie Thomas le Mardi 27 Novembre 2018 à 11:37 | Lu 1768 fois