Maiduguri, Nigeria | AFP | lundi 09/07/2017 - Le visage poupin entouré d'un long hijab, Aisha, 16 ans, se faufile sous la tente blanche du planning familial dans le camp de déplacés de Bakassi. Elle chuchote, de peur que ses voisines l'entendent: cela fait trois mois qu'elle "prend la pilule".
Comme des dizaines de milliers d'autres Nigérians, la jeune fille a fui les violences du groupe jihadiste Boko Haram près du lac Tchad pour se réfugier à Maiduguri, la grande ville du nord-est.
A peine sortie de l'adolescence, Aisha a déjà cotoyé la mort et la barbarie lorsque les insurgés ont attaqué son village de pêcheurs en 2014, et connu le chemin de l'exil à travers une brousse aride, hostile.
Dans le camp de Bakassi, qui accueille 21.293 déplacés venus des quatre coins de l'Etat du Borno (nord-est), ce sont des assauts d'un autre type qu'elle doit désormais repousser.
"Je n'ai jamais été avec un homme", assure-t-elle en baissant pudiquement le regard. "Mais dans le camp il y a tellement de viols".
"Une de mes amies est tombée enceinte comme ça et j'ai peur que ça m'arrive aussi", confie-t-elle en venant chercher un contraceptif "préventif" au planning familial du Comité international de secours (IRC).
Une autre patiente raconte avoir entendu résonner "les cris" de sa voisine, une nuit de juin. "Des garçons du camp sont entrés dans sa tente mais personne n'est venu la secourir. On a toujours peur que ce soit Boko Haram" qui attaque.
Le viol est tabou dans beaucoup de familles haoussa et kanuri, les deux principales ethnies de la région, et très peu de femmes confient avoir été violées de peur d'être rejetées, affirme à l'AFP Alice Janvrin, en charge de la santé reproductive à l'IRC.
"Mais les femmes et les filles nous disent que la violence sexuelle est omniprésente, à l'intérieur et à l'extérieur des camps", explique-t-elle.
Beaucoup d'entre elles, séparées de leurs familles durant les violences, ont atterri seules à Bakassi. Même pour les autres venues accompagnées de leurs maris, sans possibilité de travailler, le dénuement est complet.
Au total, on compte près de 2,6 millions de déplacés et la crise humanitaire est telle dans le nord-est, que l'insécurité alimentaire touche plus de 5 millions de personnes.
"Les déplacées sont particulièrement vulnérables aux abus. Beaucoup échangent des services sexuels contre de la nourriture et il y a énormément d'infections sexuellement transmissibles, d'avortements et de grossesses non désirées", poursuit Alice Janvrin.
- Retourner à l'école -
Ouvert en septembre 2016, le centre pour les femmes de Bakassi, qui comprend aussi une maternité et un service de soins obstétriques, ne désemplit pas. Sur des bancs, des dizaines de femmes aux ventres ronds sous des voiles chatoyants attendent patiemment leur tour, malgré la chaleur écrasante de midi.
Côté planning familial, plus de 1.000 femmes ont adopté un moyen de contraception depuis janvier, selon l'IRC, qui a développé des structures similaires à Monguno, Ngala Gamboru, Konduga... des localités où se trouvent un nombre importants de déplacés.
Les bénéficiaires ont le choix entre un contraceptif oral, un implant sous la peau ou une injection hormonale, dont l'effet dure jusqu'à trois mois.
A 20 ans, Fanne Mohammed n'avait "jamais entendu parler" de contraception avant d'arriver à Bakassi. Déjà mère de deux enfants, elle raconte "le stress d'avoir des enfants encore et encore".
"Au village, certaines femmes donnent naissance tous les ans. Mais dans la situation actuelle, si j'ai plus d'enfants qu'est-ce que je vais leur donner à manger?", s'interroge la jeune femme.
Talatu Buba, passée par cing grossesses, se dit soulagée depuis qu'elle prend la pilule. "Maintenant, j'ai du temps pour moi", revendique cette trentenaire, alors que son mari lui avait interdit d'aller au planning familial.
D'après Rachel Sunday Okoye, une sage-femme, les résistances sont encore fortes et beaucoup de femmes se cachent pour venir au centre.
Parfois les hommes "ont l'impression que nous ne voulons pas que leurs femmes aient des enfants, qu'ils se reproduisent. On essaie de leur faire comprendre que ce n'est pas le cas. Que c'est pour pouvoir planifier leur prochaine grossesse".
Mardi, un Sommet du planning familial réunira à Londres décideurs politiques et donateurs du monde entier pour redoubler d'efforts en faveur de l'accès des femmes à la contraception, et leur permettre de prendre en main leur avenir et leur santé. La rencontre mettra l'accent sur les pays du sud - et les zones de conflit.
Dans le camp de Bakassi, la jeune Aisha n'a qu'une idée en tête: retourner à l'école - que la guerre lui a fait abandonner - pour devenir médecin. "Je n'ai rien à faire, donc je viens tous les jours m'asseoir à la clinique pour les regarder" travailler, explique-t-elle. "J'essaie d'apprendre".
Comme des dizaines de milliers d'autres Nigérians, la jeune fille a fui les violences du groupe jihadiste Boko Haram près du lac Tchad pour se réfugier à Maiduguri, la grande ville du nord-est.
A peine sortie de l'adolescence, Aisha a déjà cotoyé la mort et la barbarie lorsque les insurgés ont attaqué son village de pêcheurs en 2014, et connu le chemin de l'exil à travers une brousse aride, hostile.
Dans le camp de Bakassi, qui accueille 21.293 déplacés venus des quatre coins de l'Etat du Borno (nord-est), ce sont des assauts d'un autre type qu'elle doit désormais repousser.
"Je n'ai jamais été avec un homme", assure-t-elle en baissant pudiquement le regard. "Mais dans le camp il y a tellement de viols".
"Une de mes amies est tombée enceinte comme ça et j'ai peur que ça m'arrive aussi", confie-t-elle en venant chercher un contraceptif "préventif" au planning familial du Comité international de secours (IRC).
Une autre patiente raconte avoir entendu résonner "les cris" de sa voisine, une nuit de juin. "Des garçons du camp sont entrés dans sa tente mais personne n'est venu la secourir. On a toujours peur que ce soit Boko Haram" qui attaque.
Le viol est tabou dans beaucoup de familles haoussa et kanuri, les deux principales ethnies de la région, et très peu de femmes confient avoir été violées de peur d'être rejetées, affirme à l'AFP Alice Janvrin, en charge de la santé reproductive à l'IRC.
"Mais les femmes et les filles nous disent que la violence sexuelle est omniprésente, à l'intérieur et à l'extérieur des camps", explique-t-elle.
Beaucoup d'entre elles, séparées de leurs familles durant les violences, ont atterri seules à Bakassi. Même pour les autres venues accompagnées de leurs maris, sans possibilité de travailler, le dénuement est complet.
Au total, on compte près de 2,6 millions de déplacés et la crise humanitaire est telle dans le nord-est, que l'insécurité alimentaire touche plus de 5 millions de personnes.
"Les déplacées sont particulièrement vulnérables aux abus. Beaucoup échangent des services sexuels contre de la nourriture et il y a énormément d'infections sexuellement transmissibles, d'avortements et de grossesses non désirées", poursuit Alice Janvrin.
- Retourner à l'école -
Ouvert en septembre 2016, le centre pour les femmes de Bakassi, qui comprend aussi une maternité et un service de soins obstétriques, ne désemplit pas. Sur des bancs, des dizaines de femmes aux ventres ronds sous des voiles chatoyants attendent patiemment leur tour, malgré la chaleur écrasante de midi.
Côté planning familial, plus de 1.000 femmes ont adopté un moyen de contraception depuis janvier, selon l'IRC, qui a développé des structures similaires à Monguno, Ngala Gamboru, Konduga... des localités où se trouvent un nombre importants de déplacés.
Les bénéficiaires ont le choix entre un contraceptif oral, un implant sous la peau ou une injection hormonale, dont l'effet dure jusqu'à trois mois.
A 20 ans, Fanne Mohammed n'avait "jamais entendu parler" de contraception avant d'arriver à Bakassi. Déjà mère de deux enfants, elle raconte "le stress d'avoir des enfants encore et encore".
"Au village, certaines femmes donnent naissance tous les ans. Mais dans la situation actuelle, si j'ai plus d'enfants qu'est-ce que je vais leur donner à manger?", s'interroge la jeune femme.
Talatu Buba, passée par cing grossesses, se dit soulagée depuis qu'elle prend la pilule. "Maintenant, j'ai du temps pour moi", revendique cette trentenaire, alors que son mari lui avait interdit d'aller au planning familial.
D'après Rachel Sunday Okoye, une sage-femme, les résistances sont encore fortes et beaucoup de femmes se cachent pour venir au centre.
Parfois les hommes "ont l'impression que nous ne voulons pas que leurs femmes aient des enfants, qu'ils se reproduisent. On essaie de leur faire comprendre que ce n'est pas le cas. Que c'est pour pouvoir planifier leur prochaine grossesse".
Mardi, un Sommet du planning familial réunira à Londres décideurs politiques et donateurs du monde entier pour redoubler d'efforts en faveur de l'accès des femmes à la contraception, et leur permettre de prendre en main leur avenir et leur santé. La rencontre mettra l'accent sur les pays du sud - et les zones de conflit.
Dans le camp de Bakassi, la jeune Aisha n'a qu'une idée en tête: retourner à l'école - que la guerre lui a fait abandonner - pour devenir médecin. "Je n'ai rien à faire, donc je viens tous les jours m'asseoir à la clinique pour les regarder" travailler, explique-t-elle. "J'essaie d'apprendre".