Net progrès sur le tri des déchets


Tahiti, le 3 mai 2021 – En l’espace de dix ans, les usagers de Tahiti et Moorea ont allégé leur poubelle de 5% et divisé par cinq le volume de déchets verts dans le bac gris, selon les résultats de la dernière étude de caractérisation des ordures. Une nette amélioration saluée par le syndicat Fenua ma, commanditaire de cette enquête, bien qu’une marge de progression importante subsiste.   

En 2021, on trie plus et mieux. En témoigne le volume des poubelles, en recul de près de 5% par rapport à 2011 (53 104 tonnes en 2021, contre 55 790 en 2011), selon la deuxième étude de caractérisation des déchets commanditée par Fenua ma et restituée mardi dernier aux élus. L’amélioration est d’autant plus notable que la population a augmenté de 8% en l’espace de dix ans.

Menée de septembre à octobre par la société métropolitaine spécialisée Ecogeos, cette étude visant Tahiti et Moorea (douze communes en dehors de Faa’a), a surtout permis de décortiquer le contenu du bac vert (canettes en aluminium, conserve, papier, cartons, plastiques, etc.) et du bac gris (déchets non recyclables).

L’incroyable boom du verre

Si les résultats font état dans l’ensemble d’une nette amélioration, c’est sur le verre en particulier que les trieurs s’illustrent, avec un boom de 73,7 % de collecte aux points d’apport volontaire, soit 2 432 tonnes récoltés contre 1 400 en 2011. Cette incroyable performance, le directeur général du syndicat Fenua ma, Benoît Layrle, la justifie par le remplacement général de bornes à verres en 2015. De quoi proposer des points d’apports volontaires propres et dégagés.Quand c’est plus attractif, les usagers sont plus disposés à y aller, résume le responsable. Mais on a aussi rajouté des bornes et renforcé le rythme de collecte pour éviter les débordements“, susceptibles d’avoir un effet dissuasif.   

Mais ces leviers restent difficiles à mettre en place à Papeete. “En ville c’est compliqué de mettre plus de bornes à verre, ça fait du bruit on ne peut pas les mettre trop près des immeubles, argumente le responsable. Après il y a des sites intéressants mais qui empiètent sur des places de stationnement, et on ne veut pas sacrifier les parkings“. Malgré les records de collecte du verre, une marge de progression subsiste au sein des bacs gris, de l’ordre de 21 kilos annuel par habitant.

Des déchets verts divisés par cinq

Au-delà du verre, l’étude met en exergue une baisse des volumes de l’ordre de 17% (35 072 contre 42 244 tonnes collectés par an) dans le bac gris. Ramené à l’habitant, on obtient 197 kilos de déchets par an contre 256 en 2011, soulageant ainsi le bac gris de 59 kilos, soit 23% de détritus en moins (lire encadré). “En dessous de 200 kilos à l’échelle nationale, c’est plutôt pas mal“ souligne le responsable.

A l’origine de cet allègement, une baisse importante des “putrescibles“, dont le volume des déchets verts, littéralement divisé par cinq. De 77 kilos par habitant en 2011, il dégringole à 15 kilos, soit une baisse de 80%. “La différence est monstrueuse“ commente Benoît Layrle. “Avant on avait quand même un tiers du bac gris constitué de déchets verts, aujourd’hui il est de 7%“.

Du côté du plastique –qui n’a rien à faire dans le bac gris– il marque également un net recul, d’environ un tiers. En parallèle, le syndicat note une baisse du papier ou du carton mais une tendance à la hausse du textiles sanitaires (mouchoirs, couches, etc.). “Les gens trient mieux, ils font plus attention, ils achètent certainement des choses qu’ils sont sûrs de consommer, il y a donc moins de gaspillage, l’élément fort c’est qu’ils ont bien compris que le bac gris ne servait pas à dégager les déchets verts, interprète Benoît Layrle. On parle de plus en plus de compostage individuel, les communes s’organisent mieux pour la collecte des déchets verts… On a ici le résultat de tous ces effets conjugués“.

“Très bon“ taux de conformité pour le bac vert

Si d’un côté le bac gris est délesté de quelques dizaines de kilos, à l’inverse le bac vert prend du poids. Aussi, les tonnages collectés font état d’une hausse de 23%, principalement au crédit du grand Papeete. Plus gourmande en papier et en carton, l’agglomération produit quatre fois plus de déchets verts que le secteur rural. Ramené à l’habitant, on observe néanmoins une augmentation de performance de près de 14% sur la dernière décennie. "Encourageant“ mais pas suffisant. D’autant que si les quantités collectées augmentent de ce côté-là, l’étude relève une baisse de la qualité depuis 2011, s’illustrant notamment par une légère hausse des taux de refus de bacs en 2020, à raison de 2 kilogrammes par habitant.

Malgré tout, le taux de conformité reste bon, “voire très bon“ comparé à la métropole, soit 82% des déchets qui ont bien leur place dans le bac vert. “Ce qui peut s’expliquer par un nombre plus important d’habitats individuels, chacun a son propre bac vert et gris à la maison, c’est beaucoup plus confortable de faire son tri devant chez soi que dans le troisième sous-sol d’un immeuble de trois étages dans le froid et l’obscurité“ compare le responsable.

Quant aux erreurs de tri, elles sont composées en très grande majorité d’ordures ménagères résiduelles censées aller dans le bac gris (films plastiques, papiers souillées, briques de lait ou de jus, etc.). A ce jeu-là, c’est Moorea qui décroche la palme du meilleur taux de conformité, un impact certainement lié à l’arrivée d’une déchetterie. C’est d’ailleurs l’une des pistes de réflexion pour Tahiti, au même titre que le compostage individuel et pourquoi pas d’un “bac marron“, consacré aux bio-déchets, ou déchets compostables, y compris aux problématiques restes de viande ou d’agrumes.

3 000 tonnes de gaspillage alimentaire

En considérant les filières actuelles sur le territoire, l’étude estime à environ 23 000 tonnes par an, le volume des OMR susceptibles d’être “évitées ou détournées“, dont 3 000 tonnes de gaspillage alimentaire. Du côté des volumes compostables (à domicile, partagé ou en collecte dédiée), on atteint un gisement de 10 000 tonnes. Reste enfin 9 400 tonnes, correspondant aux collectes sélectives, soit 8 200 tonnes vers les bacs verts et 1 200 tonnes de verre.

En faisant une extension aux filières qui existent en métropole pour les films plastiques, les barquettes, ou le textile, l’étude estime encore qu’on pourrait recycler 3 800 tonnes de déchets afin de réduire le gisement. Une piste en cul de sac à en croire Fenua ma. “Ce sont des déchets souillés qui engendreraient des frais de nettoyage localement avant d’être expédiés par conteneur, avec des frais de recyclage prohibitifs“ tranche Benoît Layrle.  
"Il faut prendre conscience qu’on gaspille beaucoup"

Idem concernant les emballages pour liquide alimentaire (ELA), dont les tentatives de recyclage du syndicat il y a quelques années furent loin d’être concluantes. “Ces matières-là sont complexes et chères à recycler, il n’y a pas beaucoup d’usine qui traitent les briques de jus ou de lait et quand elles le font, c’est souvent pour récupérer seulement la partie aluminium“.

Pas de doute pour le syndicat. Avant de chercher à recycler des briques qu’on ne pourra jamais exporter, mieux vaut commencer à gaspiller moins et composter plus. “L’effet sera beaucoup plus important sur les poids des déchets dans votre bac gris, poursuit le responsable. Il faut prendre conscience qu’on gaspille beaucoup et chercher à modifier ses comportements de consommateurs“.  
 

Rédigé par Esther Cunéo le Mardi 4 Mai 2021 à 17:54 | Lu 2184 fois