Natitua en service mais toujours en travaux


Des travaux sont encore en cours "pour améliorer la boucle locale".
PAPEETE, le 4 janvier 2019 - Le câble Natitua aux Tuamotu et aux Marquises est effectif depuis le mois dernier. Une aubaine pour ces populations qui voient leur flux internet s'améliorer. Cependant, certains d'entre eux ne remarquent aucune amélioration. Des travaux sont en cours pour tenter d'y remédier, tandis que d'autres îles ou atolls seront bientôt connectés.

Dix îles et atolls sont actuellement reliés au câble Natitua (Hao, Makemo, Fakarava, Kaukura, Arutua, Rangiroa, Manihi, Takaroa, Hiva Oa et Nuku Hiva), ce qui leur permet de bénéficier d'un flux internet plus rapide par rapport à ce qu'ils consommaient auparavant.

Si la plupart des habitants sont satisfaits du rendu, certains restent tout de même perplexes. Leur connexion n'a pas du tout changé et les coupures sont toujours omniprésentes. Une situation qui est parfaitement connue des services de l'OPT, ce qui les amène à effectuer encore des travaux "pour améliorer la boucle locale".

Depuis la mise en service du câble Natitua, seuls quatre îles ou atolls "sont desservis en fibre optique sur les villages principaux". Un système qui ne peut être emmené partout. Aux Marquises, par exemple, il y a la problématique des vallées, l'office assure que des études sont actuellement menées pour trouver les solutions adéquates. "On est en train d'étudier d'autres solutions qui vont combiner une partie radio probablement. Mais, il y a toujours des clients qui seront encore sur les réseaux de cuivre et qui seront éloignés à plus de 5-6 km de l'unité de télécom, ce qui réduit la puissance du signal", explique Jean-François Martin, Pdg de l'OPT.

La solution pour ces familles, principalement situées dans les vallées de Hiva Oa et Nuku Hiva, serait de bénéficier des avantages de la fibre optique, mais les travaux seraient trop coûteux, sans oublier que les foyers ont aussi leur part à supporter. "L'OPT s'arrête aux extrémités des propriétés", souligne le Pdg de l'OPT.

Pendant ce temps, dix autres îles et atolls seront bientôt connectés également à Natitua, par faisceau hertzien. "On remet à niveau les faisceaux hertziens. Pour les Marquises, ce sera un peu plus compliqué parce que ce sont des travaux complexes et lourds. Il y a des pilonnes à amener et des faisceaux hertziens à construire", indique Jean-François Martin.

Quatre îles sont concernées (Fatu Hiva, Tahuata, Ua Pou et Ua Huka) ainsi que six atolls aux Tuamotu (Amanu, Faaite, Apataki, Tikehau, Ahe et Takapoto). Ces populations devraient être desservies à la fin du premier semestre.

Natitua représente un investissement de 6,5 milliards de francs, dont un peu moins de deux milliards de francs supportés par l'OPT sur fonds propres. Et comme promis par le ministre des comptes publics, Gérald Darmanin, en juillet dernier, l'office a perçu le 28 décembre dernier près d'un milliard et demi de francs pour la défiscalisation nationale.


Les dix autres îles et atolls (en bleu sur la carte) seront connectés vers la fin du premier semestre 2019.

Le câble Manatua en service dans un an et demi

Manatua, va relier Tahiti à Samoa, avec une branche sur Bora Bora, une branche sur Rarotonga et Aitutaki, aux îles Cook, ainsi qu’une branche sur Niue. "L'utilité est de sécuriser Honotea, parce que si on a un pépin, eh bien, on sera obligé de prendre des capacités en satellite très limitées, qui coûtent relativement chers et on ne pourra pas tout sécuriser. Quand on arrive à Samoa, on a plusieurs solutions pour sortir avec des câbles existants et des câbles en projet. Pour l'instant, on n'a pris aucune décision pour sortir de Samoa pour se raccorder ensuite sur des câbles existants et repartir sur l'internet mondial. C'est encore en réflexion, il y a beaucoup de débats là-dessus", explique le Pdg de l'OPT.

Pour ce câble, la facture du constructeur s'élève à près de 4,7 milliards, dont près de 2,1 milliards de francs supportés par l'OPT. Le Pays et l'Etat accompagnent bien évidemment l'office, avec une subvention d'un peu plus d'1,8 milliards de francs pour le Pays et "300 millions de francs pour l'Etat". Deux apports financiers qui permettront de couvrir le coût total du câble, sans compter la construction de la station à la Presqu'île.

"Je pars à Hawaii, le 19 janvier, on profite du Pacific Telecommunications Council pour faire un management committee, c'est la gestion du projet, comme un comité de pilotage qui est composé des quatre opérateurs et c'est l'OPT qui va présider ce management committee. Il y a aura aussi un comité de coordination du projet avec le fournisseur américain", assure Jean-François Martin.

La mise en service du câble est estimée à mai-juin 2020.


Le câble pour les Australes toujours en réflexion

Deux îles bénéficieront de ce futur câble qui devrait être long de 750 km, Rurutu et Tubuai. "On va profiter de la venue du bateau qui va repérer la route maritime de Manatua, en mars-avril, pour leur demander d'aller vérifier le tracé maritime d'un câble possible entre Tahiti, Tubuai et Rurutu. De manière à ce qu'on ait un tracé exact des fonds. Du coup, cela va nous donner une idée du kilomètre du câble qu'il faudra, de la protection de ce câble et du coup, d'avoir une valorisation du budget. C'est à ce moment-là qu'on pourra voir combien cela nous coûtera et combien nous économiserons en capacité satellitaire. Il faut voir aussi si on est éligibles pour des subventions nouvelles", prévient le Pdg de l'OPT.

Et de poursuivre : "Il y a aussi des études sur les courants marins à prendre en compte et qui seront fait par les bateaux bien équipés technologiquement. Ils ont des robots qui récupèrent des roches pour les analyser. On partira probablement de la station que l'on va mettre pour Manatua à la Presqu'île. Rurutu et Tubuai sont deux bassins importants aux Australes, et ils souffrent des intempéries. Dès que la météo se déchaine, ils sont coupés de tout. Avec le câble, ils n'auront plus ce problème. Il faut, soit, mettre la fibre au cœur des villages principaux ou soit, améliorer le réseau de cuivre, qui lui est soumis aux intempéries."


LA PAROLE À

Jean-François Martin
Pdg de l'OPT

"3 000 foyers sont connectés aujourd'hui à la fibre optique"


"Technologiquement, le câble sous-marin n'a rien à voir en termes de performance avec les câbles satellites et même la partie terrestre. Déjà, aujourd'hui, notre partie est de plus en plus en fibre optique. Et le câble étant lui-même en fibre optique, l'achat est pratiquement comparable. Par contre, en termes d'exploitation, on fait des économies. Le cuivre, par exemple, sur la partie terrestre, souffre des intempéries, du climat, et pour la partie satellitaire, les capacités ne sont pas les mêmes. Le satellite est limité et cher, et sur la zone Pacifique, il n'y en a pas beaucoup, cette partie du globe n'intéresse pas beaucoup de monde. Donc, on n'a pas tellement le choix, quand on demande des capacités.
Aujourd'hui, de plus en plus de foyers disposent de la fibre optique. Et en fonction des installations, parfois c'est complexe, ça dépend aussi des plans d'aménagement des communes. On peut parfois tirer du câble aérien, ce qui est facile puisqu'il n'y a pas de travaux à faire. Par contre, quand c'est exigé de mettre en souterrain et que certaines installations sont vieillottes, eh bien, il faut faire des travaux. Donc, l'année dernière, on a mis en place une aide, et il faut qu'on la reconduise d'ailleurs. C'est une aide au coût de raccordement des clients, et elle a été plafonnée à 50 000 francs. Et pour l'éligibilité, il y a une carte qui est visible sur le site de vini, il faut rentrer son numéro de compteur pour voir si on est éligible ou pas. 3 000 foyers sont connectés aujourd'hui à la fibre optique. Ça prend du temps parce que nous n'avons pas fini de déployer les grosses artères."


Gros plan sur Thierry Hars, chef de projet spécialisé dans les câbles et réseaux hertziens à l'OPT

Il y a des personnes qui travaillent avec passion et qui ne comptent pas leurs heures. Et c'est le cas de Thierry Hars, chef de projet à l'OPT et spécialiste dans les câbles sous-marin et les réseaux hertziens.

Durant toute sa carrière professionnelle, Thierry Hars n'a eu de cesse de progresser et le secteur des câbles sous-marin sera une révélation pour lui. "Je suis aussi passionné par la mer, j'ai été président de la fédération tahitienne de voile pendant 20 ans. Donc, il y a un lien entre les télécoms et la mer. J'ai beaucoup appris sur le tas, en regardant les personnes travailler. Après, il y a la passion du métier, on va dire, et l'intérêt de ces nouvelles technologies, qui ont fait que j'ai beaucoup progressé dans les compétences du câble sous-marin. Ce qui m'a permis après Honotua de commencer les études d'opportunité et de faisabilité de Natitua, en novembre 2015, jusqu'à sa mise en service en décembre 2018. Ce sont trois ans d'études, de construction, de partenariat avec le constructeur, et avec Vairani Davio, qui est ma co-chef de projet, mais elle s'occupe plus de la partie administrative. Ça a permis l'ouverture de ce câble, qui est un projet techniquement plus complexe que le premier. Honotua va directement vers les Raromatai, ce sont donc cinq atterrages et il rejoint Hawaii. Il est deux fois plus long que Natitua, mais il a été beaucoup plus simple. Aux Tuamotu, il y a eu beaucoup de branches, des atterrages. On atterrit sur des récifs, et c'est compliqué parce qu'il y a des pentes", confie-t-il.

Actuellement, Thierry Hars se penche sur Manatua. "On a commencé les études, il y a deux ans et là, techniquement, ce n'est pas très compliqué. Mais administrativement, ça n'a pas été de tout repos, parce que c'est un consortium et ce sont des pays différents. On n'est plus tout seul", explique Thierry Hars.

Mais la pose d'un câble aux Australes fait aussi partie de ses projets, mais "la pose d'un câble là-bas est tout à fait faisable à partir du moment où on trouve les financements. C'est un câble qui est relativement court, qui va être un peu compliqué à poser parce qu'il y a des dorsales sous-marins assez importants dans le Sud de la Polynésie. Il va falloir aussi choisir la bonne période de pose, parce qu'en période de mara'amu, ça risque d'être un peu délicat. Aux Australes, les vents et la mer sont forts. Les bateaux de pose ont des limites qui sont assez loin et on peut poser avec pas mal de vents et de houles. Mais ce sont surtout pour les atterrages, où nous sommes obligés de mettre des plongeurs à l'eau. Donc, il faut que les conditions soient pratiquement parfaites pour ne pas prendre de risques de plongée. En tout, il y a à peu près 750 km de câble à poser, mais cela doit être confirmé avec le bateau qui viendra en avril. Il faudra bien sûr s'arranger avec les autres pays d'abord."

Conventionnellement, la durée de vie d'un câble sous-marin est de 25 ans. La fibre optique, elle, ne s'abime pas. "Par contre, pour les distances au-delà de 400 km, on est obligés de mettre des répéteurs, ce sont des amplificateurs, des boites qui sont posées en même temps sur le câble au fond de l'eau et elles reboostent le signal tous les 100-120 kilomètres. À l'intérieur de ces répéteurs, il y a de l'électronique, ce sont des pompes au laser, qui elles, ont une durée de vie un peu plus courte que la fibre. En général, on arrive à faire tenir le câble entre 30 et 35 ans", raconte Thierry Hars.

Et de conclure : "Si jamais, il y a une coupure sur le câble ou s'il est abimé, on sait exactement, où est le défaut, parce qu'on surveille le câble en permanence. Quand c'est profond, il faut faire venir un câblier qui va couper le câble et le remonter pour le réparer. Ça prend en général, 3 semaines voire 1 mois. Si c'est dans les eaux peu profondes, comme dans les lagons, on peut utiliser un bateau local, ça nous fait économiser beaucoup d'argent, parce qu'un câblier, ça coûte très cher à la journée. Le personnel de manœuvre et technique peut être des gens de l'OPT, mais ceux qui vont raccorder la fibre optique, sont des gens du constructeur. On avait déjà eu un souci sur Papenoo en 2013. Il y avait un léger défaut sur la partie électrique. Donc, on a réparé nous-mêmes en 2014."



Rédigé par Corinne Tehetia le Samedi 5 Janvier 2019 à 15:00 | Lu 2387 fois