Nabila Gaertner-Mazouni est vice-présidente de la Commission de la recherche de l'UPF. Crédit photo : Thibault Segalard.
Tahiti, le 21 mars 2024 – La vice-présidente de la Commission de la recherche de l'Université de la Polynésie française (UPF), Nabila Gaertner-Mazouni revient pour Tahiti Infos sur les formations en biologie marine dispensées à l'UPF. Elle pousse également un coup de gueule sur l'appropriation intempestive du titre de “biologiste marin” par des personnes non qualifiées, tendance qui peut avoir des répercussions parfois contreproductives. Interview
À l'UPF, à l'heure actuelle, quelles sont les formations de biologie qui sont dispensées, sachant que vous lancez prochainement le projet Nārua qui va bouleverser les méthodes d'enseignements actuelles ?
“Alors, en premier lieu, il va y avoir notre licence accès santé. C'est le premier passage d'un parcours classique et ça va permettre aux étudiants de découvrir les sciences de la vie, l'écologie, la biologie, la chimie... Lors de la troisième année de la licence, l'élève pourra par la suite choisir un parcours spécifique, comme celui de la biologie. Pour les masters, à l'UPF, il n'y a qu'un master 2, c’est-à-dire une cinquième année. Les étudiants doivent alors quitter une année l'université pour revenir après. Le master se nomme écosystème insulaire océanien. C'est un des inconvénients car tout le monde ne peut pas partir ; mais ça permet aux étudiants de voir d'autres formes d'enseignements.
Mais justement, en effet, on est en train de changer de maquette d'enseignement avec le projet Nārua, avec lequel on va tenter de passer d'un mode très classique et académique de formation, à des choses beaucoup plus intégrées. On continuera d'enseigner les fondamentaux, mais qu'on va mettre en perspective avec d'autres disciplines. Nous allons donc offrir davantage d'offres de formation aux étudiants. C'est un projet sur 8 ans et qui coûte 45 millions d'euros [5,37 milliards de francs, NDLR].”
Avec ce projet Nārua, des nouvelles formations en biologie marines sont prévues, est-ce que vous vous attendez à voir grimper le nombre d'étudiants ?
“Effectivement, il y aura une licence professionnelle, Économie bleue, et une nouvelle licence Grandes transitions qui vont nous permettre de former des gens en écologie, marine ou terrestre. Concernant l'augmentation d'étudiants, non ce n'est pas la tendance. Il y a 95% d'élèves issues de Polynésie en licence, on ne s'attend donc pas à ce qu'il y en ait plus. Pour vous donner des chiffres, en licence il y a une centaine de personnes et une vingtaine dans notre master 2.”
Mais alors, est-ce que l'ajout de ces deux nouvelles formations traduit un vrai besoin local de spécialiste de l'environnement ?
“Le besoin est immense sur l'aspect environnemental, que ce soit en développement durable ou encore en biologie. C'est justement un challenge pour nous. On veut continuer à professionnaliser nos étudiants, car on a un rôle de formation et d'ouverture pour permettre à nos élèves d'aller dans le monde entier avec un bagage scientifique suffisant. Mais on souhaite aussi répondre à des besoins locaux, car il faut que ceux qui sortent de l'université soient employables localement. C'est notamment l'objectif de Nārua.”
Pour revenir à la biologie marine, on remarque que de plus en plus de personnes s'approprient ce titre, que ce soit dans des associations ou de manière professionnelle. Finalement, qu'est-ce qu'un biologiste marin, car on a l'impression que c'est un terme galvaudé ?
“Clairement oui, le terme de biologiste marin est galvaudé. Au niveau universitaire, ceux qui ont une licence ne sont absolument pas biologistes marins. Car en licence tu vas juste étudier un éventail de sujets. Avec le master non plus, même s'il y a un enseignement sur ces domaines, là non plus, on n'est pas spécialisé. C'est un titre qui s'adresse plus à des doctorants, car c'est un diplôme plus scientifique, qui permet d'acquérir des démarches scientifiques normées tout en étant confronté à ses pairs. C'est trois années où tu te dédies à la recherche. Biologiste marin, c'est vraiment une notion très englobante. Ça dépend de tes recherches. Mais en aucun cas un diplômé en master n'est un biologiste marin, même s'il peut s'en attribuer le titre.”
Mais alors, ce n'est pas dangereux que des personnes s'attribuent ce titre sans en avoir les compétences requises ?
“Si, c'est une catastrophe pour moi. Car puisque c'est un terme englobant, beaucoup de personnes l'utilisent, selon moi, pour des raisons pécuniaires, et sans en avoir les compétences. Nous, à l'UPF, on voit passer certains rapports qui sont produits, où c'est franchement n’importe quoi. J'encourage d'ailleurs les acteurs financiers à exiger un niveau de qualification pour leurs prestataires.
Pour prendre un exemple, avec mon équipe, ça fait cinq ans qu'on est sur le développement d'une technologie d'alternative au plastique avec des collecteurs biodégradables. Et il y a des gens, qui vont mettre un truc dans l'eau pendant 15 jours, et qui vont crier sur tous les toits qu'ils ont trouvé la solution et qu'elle fonctionne. Quand tu es un scientifique correct, tu vas prendre le temps d'avoir des résultats, des résultats qui se reproduisent dans la durée, qui sont robustes avant de dire que tu as une solution miracle ou un élixir de jouvence. Mais il y a malheureusement un contexte de marchands de rêves autour de ces thématiques, pas qu’en Polynésie d'ailleurs. Il y a beaucoup d'opportunistes.”
Le travail de ces personnes peut-il être parfois contreproductif ?
“Bien sûr, j'ai vu trop de fois des associations, pleines de bonne volonté faire et dire avec aplomb absolument n'importe quoi. Et c'est vraiment contreproductif parfois, c'est là où c'est dramatique. Je suis consciente que cela permet de sensibiliser le grand public, ce qui est d'ailleurs très important et peut parfois avoir plus d'impact que des actions scientifiques. Mais il faut que chacun reste dans son champ de compétences. Comme je le disais, il revient aux personnes qui accordent des financements de bien s'entourer afin de garantir un engagement de qualité.”
À l'UPF, à l'heure actuelle, quelles sont les formations de biologie qui sont dispensées, sachant que vous lancez prochainement le projet Nārua qui va bouleverser les méthodes d'enseignements actuelles ?
“Alors, en premier lieu, il va y avoir notre licence accès santé. C'est le premier passage d'un parcours classique et ça va permettre aux étudiants de découvrir les sciences de la vie, l'écologie, la biologie, la chimie... Lors de la troisième année de la licence, l'élève pourra par la suite choisir un parcours spécifique, comme celui de la biologie. Pour les masters, à l'UPF, il n'y a qu'un master 2, c’est-à-dire une cinquième année. Les étudiants doivent alors quitter une année l'université pour revenir après. Le master se nomme écosystème insulaire océanien. C'est un des inconvénients car tout le monde ne peut pas partir ; mais ça permet aux étudiants de voir d'autres formes d'enseignements.
Mais justement, en effet, on est en train de changer de maquette d'enseignement avec le projet Nārua, avec lequel on va tenter de passer d'un mode très classique et académique de formation, à des choses beaucoup plus intégrées. On continuera d'enseigner les fondamentaux, mais qu'on va mettre en perspective avec d'autres disciplines. Nous allons donc offrir davantage d'offres de formation aux étudiants. C'est un projet sur 8 ans et qui coûte 45 millions d'euros [5,37 milliards de francs, NDLR].”
Avec ce projet Nārua, des nouvelles formations en biologie marines sont prévues, est-ce que vous vous attendez à voir grimper le nombre d'étudiants ?
“Effectivement, il y aura une licence professionnelle, Économie bleue, et une nouvelle licence Grandes transitions qui vont nous permettre de former des gens en écologie, marine ou terrestre. Concernant l'augmentation d'étudiants, non ce n'est pas la tendance. Il y a 95% d'élèves issues de Polynésie en licence, on ne s'attend donc pas à ce qu'il y en ait plus. Pour vous donner des chiffres, en licence il y a une centaine de personnes et une vingtaine dans notre master 2.”
Mais alors, est-ce que l'ajout de ces deux nouvelles formations traduit un vrai besoin local de spécialiste de l'environnement ?
“Le besoin est immense sur l'aspect environnemental, que ce soit en développement durable ou encore en biologie. C'est justement un challenge pour nous. On veut continuer à professionnaliser nos étudiants, car on a un rôle de formation et d'ouverture pour permettre à nos élèves d'aller dans le monde entier avec un bagage scientifique suffisant. Mais on souhaite aussi répondre à des besoins locaux, car il faut que ceux qui sortent de l'université soient employables localement. C'est notamment l'objectif de Nārua.”
Pour revenir à la biologie marine, on remarque que de plus en plus de personnes s'approprient ce titre, que ce soit dans des associations ou de manière professionnelle. Finalement, qu'est-ce qu'un biologiste marin, car on a l'impression que c'est un terme galvaudé ?
“Clairement oui, le terme de biologiste marin est galvaudé. Au niveau universitaire, ceux qui ont une licence ne sont absolument pas biologistes marins. Car en licence tu vas juste étudier un éventail de sujets. Avec le master non plus, même s'il y a un enseignement sur ces domaines, là non plus, on n'est pas spécialisé. C'est un titre qui s'adresse plus à des doctorants, car c'est un diplôme plus scientifique, qui permet d'acquérir des démarches scientifiques normées tout en étant confronté à ses pairs. C'est trois années où tu te dédies à la recherche. Biologiste marin, c'est vraiment une notion très englobante. Ça dépend de tes recherches. Mais en aucun cas un diplômé en master n'est un biologiste marin, même s'il peut s'en attribuer le titre.”
Mais alors, ce n'est pas dangereux que des personnes s'attribuent ce titre sans en avoir les compétences requises ?
“Si, c'est une catastrophe pour moi. Car puisque c'est un terme englobant, beaucoup de personnes l'utilisent, selon moi, pour des raisons pécuniaires, et sans en avoir les compétences. Nous, à l'UPF, on voit passer certains rapports qui sont produits, où c'est franchement n’importe quoi. J'encourage d'ailleurs les acteurs financiers à exiger un niveau de qualification pour leurs prestataires.
Pour prendre un exemple, avec mon équipe, ça fait cinq ans qu'on est sur le développement d'une technologie d'alternative au plastique avec des collecteurs biodégradables. Et il y a des gens, qui vont mettre un truc dans l'eau pendant 15 jours, et qui vont crier sur tous les toits qu'ils ont trouvé la solution et qu'elle fonctionne. Quand tu es un scientifique correct, tu vas prendre le temps d'avoir des résultats, des résultats qui se reproduisent dans la durée, qui sont robustes avant de dire que tu as une solution miracle ou un élixir de jouvence. Mais il y a malheureusement un contexte de marchands de rêves autour de ces thématiques, pas qu’en Polynésie d'ailleurs. Il y a beaucoup d'opportunistes.”
Le travail de ces personnes peut-il être parfois contreproductif ?
“Bien sûr, j'ai vu trop de fois des associations, pleines de bonne volonté faire et dire avec aplomb absolument n'importe quoi. Et c'est vraiment contreproductif parfois, c'est là où c'est dramatique. Je suis consciente que cela permet de sensibiliser le grand public, ce qui est d'ailleurs très important et peut parfois avoir plus d'impact que des actions scientifiques. Mais il faut que chacun reste dans son champ de compétences. Comme je le disais, il revient aux personnes qui accordent des financements de bien s'entourer afin de garantir un engagement de qualité.”