Motu Link, une première pour le fret aérien


Motu Link, présidé et dirigé par Alexandre Mu, se consacrera exclusivement au transport de marchandises par voie aérienne. Crédit photo : Motu Link / Thibault Segalard.
Tahiti, le 12 octobre 2024 – Motu Link se prépare à investir le marché du fret aérien. La compagnie aérienne espère une mise en exploitation fin décembre et ambitionne d'améliorer l'approvisionnement des îles en denrées périssables. Alexandre Mu, le président de la société expose sa stratégie commerciale et son ambition de stimuler “l'économie inter-îles”.

Comme l'avais annoncé le président du Pays, Moetai Brotherson, lors de la deuxième séance de la session budgétaire, le 19 décembre dernier, un petit nouveau se prépare, dans l'ombre, à investir le secteur du transport de fret aérien. Motu Link, présidé et dirigé par Alexandre Mu, se consacrera exclusivement au transport de marchandises, un secteur vierge de concurrence, excepté les petites quantités que peut embarquer Air Tahiti sur certains vols. Dans ce sillage, la société devrait recevoir un ATR 72-500F en configuration cargo dans la “première quinzaine de décembre”.
 
 
 La mise en exploitation est, elle, espérée pour la fin décembre. Pour le lancement de son activité, la compagnie comptera 21 employés, dont neuf pilotes. Une équipe qui est appelée à croître rapidement avec l'arrivée d'un deuxième avion, prévue au milieu de l'année prochaine. Pour l'instant, la compagnie est en attente de finaliser ses autorisations de vol.
 
Répondre aux besoins des îles
 
En quelques mots, Motu Link souhaite compléter le transport maritime en établissant des lignes aériennes pour acheminer des denrées périssables vers les îles. “Aujourd'hui, les îles sont dépendantes du transport maritime, qui ne peut répondre à tous les besoins. Et nous, nous allons apporter une plus-value en réduisant les délais d'approvisionnement, tout en transportant plus rapidement des produits périssables, congelés ou frais, comme les légumes, les fruits, les fromages et la viande, que les habitants des îles s'interdisent”, explique Alexandre Mu.
 
D'ailleurs, au départ, l'idée première de Motu Link ne reposait pas sur du transport de fret, mais bien sur du transport de passagers avec des tarifs “low-cost”. Une perspective abandonnée l'an dernier, après que la société a revu sa stratégie, suite à l’échec d’un accord pour l'achat d'un avion en Australie. “Nous avons tout chamboulé et décidé de nous concentrer uniquement sur le transport aérien de marchandises, car il y a une demande réelle, et cela s'inscrit dans le développement économique de la Polynésie et de ses archipels.” Un choix judicieux, au vu de la guerre des prix que se livrent depuis un an et demi, Air Moana et Air Tahiti, qui ont accusé toutes les deux un lourd déficit d’exploitation l'an passé et qui devrait s'alourdir encore en 2024.
 
Un besoin pressant de stimuler l'économie insulaire
 
D'autant que, selon Alexandre Mu, l'orientation vers le fret répond à un besoin exprimé par les populations éloignées de Tahiti. “Dans les commerces, quand le bateau arrive, dès le lendemain, il n'y a plus rien en rayon. Et quand un commerce ne fonctionne plus, c'est l'économie locale qui s'arrête. Pour éviter cette rupture, il faut un approvisionnement régulier, et les avions de passagers ne peuvent pas embarquer suffisamment de fret. Nous, nous pourrons transporter jusqu'à 8,5 tonnes de marchandises, ce qui est considérable.” Les hôtels de luxe, notamment à Bora Bora, pourraient également être intéressés par cette solution d'approvisionnement rapide pour offrir à leur clientèle des produits frais sans contraintes de délais.
 
Motu Link et ses dirigeants ne souhaitent pas se limiter à créer un commerce entre Tahiti et les îles, mais vise aussi à établir des liaisons inter-îles inédites. “Nous pourrons rapatrier rapidement les productions des îles et créer des lignes transversales qui ne sont encore pas opérées, comme entre Raiatea et Tubuai, par exemple. Les routes maritimes sont régulées et attribuées sous forme de DSP (Délégations de service public), ce qui limite leur capacité à répondre aux besoins que l'avion peut combler. Nous pourrons transporter directement des carottes de Tubuai vers Raiatea ou des mangues de Raiatea vers Rangiroa. Cela deviendra possible”, détaille Alexandre Mu, dithyrambique sur les perspectives qu’entend ouvrir sa compagnie.
 
Une question de coûts
 
S’il permet de gagner du temps, la contrepartie du fret avion est tarifaire. Et justement, concernant les tarifs de ce mode d'approvisionnement, Alexandre Mu n'a pas fourni de chiffres précis, mais il est conscient que le fret aérien coûte deux fois plus cher que le transport maritime. Il sait aussi qu’un juste prix reste le nerf de la guerre, dans un contexte concurrentiel. “Oui, le coût unitaire est plus élevé, mais nous aurons la possibilité de pratiquer des prix libres, et nous ne tomberons pas dans le piège des tarifs exorbitants. Nous voulons offrir des tarifs accessibles à la population. Le but est de rendre notre service attrayant, que nos prix soient adaptés à la demande et que chacun en tire profit, nous en tant qu'opérateur, mais aussi la population.” Conscient donc de ces potentielles difficultés, la compagnie a d'ores et déjà lancé une étude de marché dans plusieurs îles des cinq archipels, pour s'assurer que les tarifs proposés correspondent bien aux attentes des habitants. “Nous avons constaté que les prix que nous comptions proposer correspondent avec ce que la population est prête à payer.”
 
Motu Link présente donc une stratégie et des objectifs ambitieux, dans un marché du fret inter-îles déjà passablement encombré mais où la société espère évoluer dans un ciel dégagé. Très bientôt, les responsables de Motu Link planifient de rencontrer les tāvana des îles. Une étape qu’ils estiment essentielle pour mettre en place leur activité.
 

Rédigé par Thibault Segalard le Samedi 12 Octobre 2024 à 10:30 | Lu 4904 fois