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Moruroa 'e tātou alerte sur les travaux à venir du système de surveillance Telsite


John Doom, Ronald Oldham et Bruno Barillot en conférence de presse ce mardi matin.
John Doom, Ronald Oldham et Bruno Barillot en conférence de presse ce mardi matin.
PAPEETE, mardi 1er octobre 2013. Moruroa e tatou tenait une conférence de presse ce mardi matin pour commenter et analyser le nouveau rapport de la surveillance géomécanique de l’atoll de Moruroa pour l’année 2011 qui vient de paraître (ce rapport a été approuvé en mai 2013). Une conférence officielle sur les résultats de ce même rapport 2011 est organisée ce jeudi matin au Commandement des forces armées supérieures de Polynésie française en présence du Haut-commissaire Lionel Beffre et de Bernard Dupraz délégué à la sûreté nucléaire et à la radioprotection. Ce dernier nommé en 2011 n’était encore jamais venu en Polynésie française. Il est justement, ce mardi, en visite pour une journée sur l’atoll de Moruroa avec le Haut-commissaire et Gaston Flosse, le président du Pays.

Moruroa e tatou qui se présente comme la principale association de défense des victimes des essais nucléaires en Polynésie française (et revendique 4 300 adhérents) estime que la question des essais nucléaires et de leurs conséquences est mal prise en compte par le nouveau gouvernement local qui « manipule l’opinion des gens. Nous devons être vigilants avec ça» détaille Roland Oldham, le président de l’association. Moruroa e tatou rappelle le limogeage en juin dernier, par le nouveau gouvernement Flosse, de Bruno Barillot qui fut pendant 8 ans le délégué polynésien pour le suivi des conséquences des essais nucléaires en Polynésie ; mais aussi la suppression du service du Pays sur le suivi des essais nucléaires, et bientôt la sortie imposée de Moruroa e tatou des associations représentées au sein du CESC (conseil économique social et culturel). «Jusqu’où cela va-t-il aller ? Et personne ne réagit… Mais tout ça ne nous arrêtera pas» poursuit Roland Oldham.

Prenant à son tour la parole, Bruno Barillot avec un langage plus dur fait un lien entre esclavage dans les départements d’outre-mer et essais nucléaires en Polynésie. «Les essais nucléaires en Polynésie française c’est quelque chose d’aussi énorme comme bouleversement, que l’esclavage dans les départements d’outre-mer ; les conséquences sont semblables dans la désorganisation de la société polynésienne qu’ils ont provoqués. Il n’y a pas que les problèmes de santé, de démolition de l’environnement. C’est toute une société qui a explosé par l’argent de la bombe». L’ex délégué polynésien pour le suivi des conséquences des essais nucléaires en Polynésie se déclare «surpris de revoir aujourd’hui Etat et Pays bras dessus, bras dessous, comme à la période des essais».

Quant au dernier rapport de surveillance géomécanique de Moruroa pour l’année 2011, Bruno Barillot s’étonne de certaines conclusions. Il est ainsi écrit qu’un effondrement de grande ampleur suite au tir souterrain du 25 juillet 1979 avait entraîné un volume de 110 millions de m3 de roches, «provoquant par la suite un creux de vague de 28 mètres». C’est depuis cet effondrement important que la surveillance géomécanique de l’atoll a été mise en place, pour surveiller et anticiper ces risques pour les militaires en poste sur l’atoll et les habitants les plus proches sur l’île de Tureia qui pourraient se trouver soudainement inondés ou submergés par ces vagues. Or l’hypothèse maximale envisagée par les simulations effectuées par les scientifiques, à savoir l’effondrement d’un volume de roches de 750 millions de m3, six fois plus que lors du tir de 1979, n’entraînerait, selon les conclusions du rapport, qu’une vague de 20 mètres. Six fois plus de volume dégagé dans l’océan et pourtant une vague inférieure à celle observée en 1979 ! Une contradiction que relève donc Bruno Barillot, «on peut se permettre de se poser des questions».

Enfin, au sujet des travaux prévus par l’Etat pour remettre à niveau les équipements de surveillance géomécanique (le système Telsite actuel date de 30 ans), Moruroa e tatou pose la question de la protection des travailleurs qui vont intervenir sur le site. «Il y a des roches contaminées par les fuites. Ces fuites sont indiquées dans les rapports officiels du ministère de la défense. Quelles mesures de protection seront fournies aux travailleurs ? Pourquoi les réparations du système Telsite ne seraient-elles pas faites par les militaires eux-mêmes ? Là on va employer des Polynésiens et ils seront bien payés comme au temps du CEP… C’est le retour du temps du CEP, ça m’exaspère un peu, mais c’est reparti».


Une lettre ouverte au président de la République

L’association Moruroa e tatou a adressé ce lundi 30 septembre une lettre ouverte au président de la République, François Hollande. Dans ce courrier d’une page, l’association rappelle son indignation au licenciement par le nouveau gouvernement local de Bruno Barillot et informe le président français que des pétitions en ligne ont obtenu 6 255 signatures pour «alerter tous ceux qui, en Polynésie, en France et à travers le monde, se préoccupent des graves conséquences des essais nucléaires». Moruroa e tatou rappelle au président socialiste sa promesse de candidat de modifier la loi Morin du 5 janvier 2010 d’indemnisation des victimes des essais nucléaires en raison des résultats décevants de l’application de cette loi. «98% des demandes d’indemnisation ont été rejetées au nom de cette loi "indigne" (…) Les conséquences dramatiques des essais nucléaires pour de nombreuses familles sont-elles à ce point tabou pour que la France attende que toutes les victimes soient décédées ?».
Moruroa e tatou réitère sa demande que le suivi des victimes des essais nucléaires soit confié au premier ministre et non au ministre de la Défense «juge et partie dans ce dossier».

Rédigé par Mireille Loubet le Mardi 1 Octobre 2013 à 13:11 | Lu 1020 fois