Montée des eaux : inquiétude pour les atolls, mais l'échéance reste imprécise


Les atolls polynésiens des Tuamotu, sans aucun relief, sont fortement soumis au risque prévisible de l'élévation du niveau des océans.
PAPEETE, le 7 avril 2015- Fin mars, à l'Assemblée nationale, la commission du développement durable organisait une table ronde sur les conséquences des changements climatiques outremer. La député polynésienne Maina Sage a demandé à la communauté scientifique d'être plus précise sur les conséquences à prévoir pour les populations.

Tout d'abord il y a les constats scientifiques qui font froid dans le dos quand ils sont listés avec les conséquences importantes qu'ils entrainent. Virginie Dubat, chercheuse en géographie des littoraux tropicaux à l'université de La Rochelle est très claire dans ses propos : "concernant l’élévation du niveau de la mer, nous allons assister à une poursuite de son accélération, déjà enregistrée depuis le début des années 1990, et arriver à une élévation comprise entre soixante centimètres et un mètre d’ici à 2100. Il est à noter que cette hausse est particulièrement rapide dans certains outremer, comme en Polynésie française qui connaît une vitesse d’élévation près de deux fois plus élevée que dans les territoires de la Caraïbe". La chercheuse indique aussi que les Tuamotu pourraient devoir faire face lors de cyclones très intenses à des hauteurs de vagues comprises entre 12 et 15 mètres.

Mais la montée des eaux, ou les épisodes de submersion en cas de cyclones forts, ne sont pas les seules menaces poursuit encore Virginie Dubat : "Parallèlement, l’accroissement des pressions qui s’exercent sur les récifs coralliens engendrera une dégradation progressive de leur état de santé, qui pourrait mener à leur disparition dans certains archipels à partir de 2050 : on a de fortes inquiétudes au sujet des îles de la Société. Cela aurait des répercussions majeures sur l’alimentation des populations dépendantes des ressources récifales et sur les niveaux de risques côtiers, puisque la mort des récifs coralliens renforcerait les impacts dévastateurs des tempêtes intenses".

Face à ces constats inexorables, les actions de prévention semblent impossibles à mener et pourtant indique Maina Sage, "l’impact ne sera pas seulement d’ordre environnemental ou économique, ce sera avant tout un impact sur nos lieux de vie, sur nos habitats". La députée polynésienne soucieuse de faire comprendre l'urgence de la situation aux autres parlementaires insiste, "l’archipel des Tuamotu-Gambier a une caractéristique particulière à laquelle j’aimerais vous sensibiliser : il est constitué d’atolls, des îles plates d’à peine deux ou trois mètres de haut et dont les points culminants ne dépassent pas quatre à cinq mètres – autrement dit, moins haut que le plafond de cette salle. Tous ces atolls risquent demain d’être engloutis. Je voudrais que vous saisissiez la dureté de ce sujet pour nous".



Aux îles Kiribati, la montée des eaux est déjà une réalité
De 60 cm à 3 mètres

Maina Sage insiste aussi sur les difficultés de prévoir l'avenir en se basant sur les études scientifiques qui restent trop vagues. Elle évoque une élévation du niveau de la mer de "60 cm voire un mètre d'ici à 2100", mais "nous avons pléthore d’études : celle du CNRS de septembre 2013 sur l’impact de l’élévation de la mer sur les îles françaises parlait une hausse de 1 à 3 mètres. Pour un atoll qui ne fait pas plus de deux ou trois mètres de haut, entre soixante centimètres et trois mètres, cela fait une sacrée différence". Et elle s'interroge : "Quel intérêt de construire des abris anticycloniques qui coûtent extrêmement cher, si nous sommes certains que l’élévation du niveau de la mer dépassera demain deux ou trois mètres ? "

La réponse de la chercheuse a été rassurante : "Il faut être très conscient des menaces qui pèsent sur ces territoires, mais en même temps fortement convaincu que le catastrophisme conduit à des erreurs en termes de décisions (…) Les îles composant ces atolls ne vont pas disparaître au cours des prochaines années" a répondu Virginie Dubat. Elle précisait en outre le besoin de "travailler à l’échelle locale, car les impacts sont très différenciés d’un endroit à un autre du littoral. Ce qui est certain, c’est que là où les pressions anthropiques sont faibles et où il existe une zone tampon naturelle permettant au système naturel de respirer, il y a, de fait, des mécanismes naturels de résilience extrêmement favorables aux sociétés humaines".

La connaissance progresse

Les conséquences du réchauffement climatiques en termes d'élévation du niveau de la mer ne sont encore connues que de façon incomplète. D'où une inquiétude parfois trop marquée alors que l'impact ne se mesurera pas avant quelques décennies. "En termes de résultats quantitatifs des études produites, aujourd’hui, il faut accepter qu’elles ne puissent pas être optimales. C’est déjà magnifique de pouvoir dire qu’entre 1950 et 2009, l’élévation moyenne du niveau de la mer en Polynésie française, à Tahiti, a été de 3 millimètres par an en moyenne, et comprise entre 2,5 et 2,9 millimètres par an dans certains atolls des Tuamotu-Gambier. Il y a quelques années seulement, on ne connaissait pas ces chiffres" a précisé Virginie Dubat chercheuse en géographie des littoraux tropicaux à l'université de La Rochelle.

Rédigé par Mireille Loubet le Mardi 7 Avril 2015 à 17:54 | Lu 2457 fois