Monsieur Jean-Christophe BOUISSOU réagit au sujet de l'approbation des comptes administratifs du Pays.

Suite à l'adoption de l'ensemble des comptes administratifs du Pays par les représentants à l'assemblée de la Polynésie française lors de la huitième séance de la session administrative, Jean-Christophe Bouissou a souhaité réagir:


COMPTES ADMINISTRATIFS DE LA POLYNESIE FRANCAISE POUR L’EXERCICE 2011

"Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs les représentants,

Je voudrais d’emblée rappeler à Mme la Présidente de la commission des finances l’importance du respect de notre règlement intérieur en ce qui concerne les délais de convocation de la commission et le temps nécessaire à ses membres pour préparer le débat.
Sans vouloir ressasser ce grief, force est de constater que cette pratique de s’asseoir sur les droits des élus à disposer du temps imparti par nos règlements pour étudier leurs dossiers en vue d’alimenter un nécessaire débat en commission, tend à vouloir se généraliser. Aussi, j’attire l’attention de notre Président de l’assemblée sur l’urgence d’un rappel à l’ordre des présidents de commission qui s’aventureraient à l’avenir à contrevenir une nouvelle fois sur les dispositions de nos règlements.

Mesdames et Messieurs, nous voici réunis près de 18 mois après l’adoption du budget primitif 2010 du Pays. Rappelez-vous, le pays était en proie aux mêmes difficultés financières, économiques et sociales, sauf qu’aujourd’hui c’est en pire.
Tout le débat qui s’était instauré, non seulement au sein de nos institutions mais également parmi les acteurs de la société civile, revendiquait des prises de décisions courageuses afin de juguler le marasme de nos finances publiques, le rééquilibrage de nos comptes sociaux au travers d’une nécessaire réforme de la PSG, et de relancer l’activité économique déjà en berne par une intervention plus massive des investissements publics dans les circuits économiques.
Je me rappelle même que nos partenaires institutionnels, l’Etat, les Caisses prêteuses (AFD, DEXIA, CDC, etc.) mais également les agences de notation comme Standard & Poor’s, n’hésitaient plus à interpeller le gouvernement de l’époque sur sa prise de responsabilité en amenant les corrections budgétaires adéquates. Sans quoi, il en résulterait une accélération des pertes fiscales pour le pays, un déficit des comptes publics inéluctable avec en corollaire une détérioration de la situation de trésorerie du pays et une évolution très négative du paradigme économique et financier.
Etaient alors apparus le débat sur la TIS, rapidement abandonnée, puis des propositions d’ajustement de la fiscalité indirecte, directe (CST notamment), lesquelles mesures qualifiées d’antisociales furent consignées dans le document budgétaire proposé à l’époque.
Pour la suite, particulièrement sur le sort réservé au projet de budget, je vous fais grâce de l’historique afin d’éviter d’empoisonner notre débat de ce jour.
Toutefois, que constatons-nous aujourd’hui ?
Qu’à défaut d’avoir entrepris les engagements pourtant nécessaires au Pays, nous nous retrouvons dans une situation économique, financière et sociale pire que celle qui prévalait il y a 18 mois. En d’autres termes, nous avons préféré jouer à la politique de l’autruche en nous prévalant de subterfuges budgétaires à l’image des 6 milliards de francs de RAR (restes à recouvrer) en vue d’équilibrer faussement le budget.
Il en résulte aujourd’hui un constat affligeant aux conséquences désastreuses avec :
• Des pertes d’emplois par milliers (5021 depuis début 2008),
• Des fermetures d’entreprises totalement asphyxiées par l’inactivité,
• Des déficits chroniques de trésorerie du Pays,
• Des risques de non versement de la solde des agents fonctionnaires,
• L’accentuation du déficit des comptes sociaux (PSG et retraite)
• Des fermetures envisagées de SEM et autres établissements publics pourtant nécessaires au maintien de la qualité du service public,
• Un RDV manqué sur la nécessaire relance économique attendue en 2010 avec une baisse constatée des dépenses d’investissement,
• Une méfiance de nos bailleurs de fonds, revendiquant désormais la mise en œuvre d’un plan de redressement drastique aux conséquences lourdes sur l’emploi.

Je m’arrête là sur cette énumération, tellement nous en aurions tous la nausée.
Alors que dire de ce compte administratif ?
En une phrase : Qu’il traduit ce que nous savions déjà depuis belle lurette ! Sans réformes, la Polynésie française s’engage résolument, d’un pas assuré, vers LE PRECIPICE !
Je laisse volontairement de côté l’étude des chiffres exposés dans l’excellent rapport de nos rapporteurs pour en venir à une extrapolation philosophique de la situation que nous rencontrons.
« Nemo auditur propriam turpitudinem allegans » (i.e. Nul ne peut se prévaloir de sa propre turpitude ». Et je rajouterai une citation de Martin Luther King qu’affectionne notre président du gouvernement : « La race humaine doit sortir des conflits en rejetant la vengeance, l'agression et l'esprit de revanche. Le moyen d'en sortir est l'amour. »
Aussi voyez-vous, nous sommes aujourd’hui condamnés à nous assumer, à nous prendre véritablement en charge. Rien ne sert de vouloir désigner un tiers des conséquences de nos propres responsabilités. L’Etat n’est pas responsable de nos actes, ni l’AFD, ni Standard & Poor’s, ni l’opposition, et détourner cette question fondamentale sur des considérations idéologiques comme en ce moment (considérant le débat sur la réinscription de la PF sur la liste de l’ONU) contribue à laisser supposer que l’homme politique polynésien n’est pas encore « mature ».
Je veux pourtant croire le contraire. Faudra-t-il encore le prouver."




Rédigé par Jean-Christophe Bouissou le Jeudi 23 Juin 2011 à 21:55 | Lu 936 fois