Moerani Frébault en un tour de main


Tahiti, le 30 juin 2024 – Pas de second tour dans la première circonscription et 6 000 voix d'avance. Après un suspense qui a duré jusqu'au dernier moment, c'est finalement le candidat autonomiste Moerani Frébault qui s'est imposé dès le premier tour face au député sortant Tematai Le Gayic. Très ému, le jeune élu indépendantiste renvoie clairement le gouvernement face à ses responsabilités dans les résultats de ce premier tour après “un an de gouvernance”.
 

Jusqu'à 22 heures samedi soir, les regards étaient rivés sur les résultats de Moorea-Maiao qui était la dernière commune à être comptabilisée dans la première circonscription. Moerani Frébault passera-t-il dès le premier tour ? Suspense. La question est de savoir si l'une des deux conditions permettant de remporter ces élections dès le premier tour sera remplie, à savoir franchir le fameux seuil des 25% des inscrits. Et oui.
 
Ça s'est joué dans un mouchoir de poche, à une “quinzaine de voix près”, selon Moerani Frébault. La victoire, elle, est beaucoup plus large avec environ 6 000 voix d'écart entre le candidat ‘Āmui Tātou et le député sortant. 18 456 voix soit 53,85% pour Moerani Frébault contre 12 243 voix (35,72%) pour Tematai Le Gayic (lire leurs réactions en p. 10). Sans appel.
 
À la permanence du Tapura ce samedi soir, le candidat de ‘Āmui Tātou est au téléphone avec le haut-commissaire qui lui annonce la bonne nouvelle, sous réserve toutefois d'une confirmation officielle le lendemain matin. Les cris de joie et les bras se lèvent pour applaudir celui qui vient de réussir à s'imposer face à Tematai Le Gayic qui avait bien senti le vent tourner tout au long de la journée.
 
Larmes de joie... et de tristesse
 
À la mairie de Papeete, celui-ci reste assis avec une petite dizaine de proches autour de lui, dans le noir, en attendant que le couperet tombe. À 21 h 30, il manquait alors encore “une centaine de voix” à Moerani Frébault pour être élu dès le premier tour quand Tematai Le Gayic a finalement bien voulu s'exprimer : “On va voir s'il y aura un second tour”, dit-il alors, avec un petit sourire, et les yeux embués de larmes, comme s'il n'y croyait déjà plus.
 
Édouard Fritch lui aussi est ému aux larmes. Mais des larmes de joie cette fois. “Je me suis battu pour ça, et je suis vraiment un homme heureux ce soir”, a réagi le patron du Tapura Huiraatira samedi soir à la permanence du parti.
 
Il est clair que le pari des autonomistes de s'unir sous une même bannière dès le premier tour a porté ses fruits. “A tel point que le plus jeune député a été terrassé au premier tour”, a d'ailleurs réagi le leader de Heiura-Les Verts ce dimanche matin.
 
Jacky Bryant s'est dit bien évidemment “déçu de ne pas avoir franchi la barre des 5%”, malgré un meilleur score qu'en 2022, et c'est sans surprise qu'il appelle son électorat à voter pour les candidats du Tavini, Steve Chailloux et Mereana Reid-Arbelot pour le second tour (lire réaction en p.10). Mais Tematai Le Gayic ne doit pas sa défaite qu'à la seule “alliance de circonstance” comme il aime à l'appeler. Il a aussi pâti d'un vote-sanction vis-à-vis du gouvernement.
 
Le gouvernement pointé du doigt par Le Gayic
 
S'il ne le dit pas en ces termes, il appelle clairement le gouvernement Brotherson à “prendre sa part de responsabilité” dans le résultat de ce premier tour de scrutin des élections législatives anticipées. Pour le jeune ex-député qui ne siègera désormais plus qu'à Tarahoi, “il y a un bilan à tirer des ‘un an’ de gouvernance du parti”, car les électeurs ne peuvent pas “changer aussi rapidement”. D'autant que les électeurs du Tavini ne s'étaient jamais autant déplacés aux urnes pour un premier tour. Tematai Le Gayic a ainsi pu doubler son score en deux ans. 6 223 voix au premier tour en 2022 contre 12 243 ce 29 juin 2024.
 
C'est dire que le camp indépendantiste – sauf peut-être le président du Pays Moetai Brotherson qui n'a pas semblé se remettre en question une seconde – avait lui aussi senti le vent tourner et mobilisé ses troupes en conséquence. Ce qui peut laisser penser qu'il n'y avait que très peu de réservoir de voix bleues pour un éventuel second tour. Tematai Le Gayic sait au moins combien il pèse à Papeete et ce qu'il faudra faire pour ravir la mairie à Michel Buillard lors des élections municipales qui arrivent à grands pas.
 

Tematai Le Gayic (Tavini) : “Des conclusions à tirer”

“Nous sommes surpris que les électeurs des différents groupes autonomistes aient finalement entendu l'appel de ce rassemblement de circonstance. Maintenant, il y a des conclusions à tirer. Lorsqu'on prend en compte le fait que le Tavini est un parti au pouvoir qui avait trois députés, la majorité à l'assemblée, oui, les résultats sont à remettre en question. Lorsque je vois qu'on perd la commune de Paea, dont le maire est aussi le président de l'assemblée et le vice-président du Tavini Huiraatira, il ne me semble pas qu'en un an, des électeurs puissent changer aussi rapidement. Donc il y a des conclusions à tirer des “un an” de gouvernance du Tavini Huiraatira : un manque de communication, un manque de réactivité... c'est à nous de voir en fonction des chiffres qui vont tomber (...) je ne crois pas que ce soient les guerres intestines ou potentielles au sein du parti. Je crois qu'il y a un tout (...) Quand on voit une alliance de circonstance qui se bouffait le foie il y a six mois à peine, et qui est capable d'obtenir la majorité dans l'ensemble de notre territoire...je pense qu'il y a un bilan à tirer des “un an” de gouvernance du parti. Je pense que le Tavini peut encore aller chercher des voix chez les abstentionnistes car ils sont attentifs à la situation du Pays. C'est la raison pour laquelle je pense que le gouvernement doit prendre sa part de responsabilité dans ces élections parce que, oui, il y a des annonces qu'il faut faire (...) s'il souhaite avoir des députés qui soient en phase avec la politique du gouvernement.”
 

Moerani Frébault (‘Āmui Tātou ) : “Ce n'est pas terminé”

“On attend encore demain matin (ce dimanche, NDLR) que la proclamation soit officielle mais je crois que déjà ce soir, on peut remercier tous les électeurs pour nous avoir fait confiance et on appelle surtout tout le monde à se mobiliser parce que ce n'est pas terminé (...) Il ne faut pas qu'on lâche. Dès demain matin, on retourne sur le terrain jusqu'à jeudi minuit, on n'arrêtera pas de faire campagne. C'est important pour le Pays qu'on envoie nos trois députés à Paris.”

Édouard Fritch : “Je suis un homme heureux”

“C'est un très bon résultat pour le pacte autonomiste. Je me suis battu pour ça et je suis vraiment un homme heureux ce soir. Nous avons pu obtenir la paix entre nous, c'est une première marche et là, c'est le succès qui suit maintenant. Nous allons envoyer un Marquisien, imaginez-vous, un jeune Marquisien à l'Assemblée nationale, et je crois que ça va être un signe fort que nous allons envoyer à notre jeunesse, parce que là, je crois qu'on a fait un pas du renouveau au niveau du Tapura Huiraatira. Et puis c'est avec les autres que nous avons gagné et je voudrais remercier tous nos partenaires, monsieur Flosse, madame Nicole Sanquer, Teva Rohfritsch ainsi que Charles Fong Loi.”

Jacky Bryant appelle à voter pour le Tavini

“La dynamique de la coalition des autonomistes a porté ses fruits, à tel point que le plus jeune député a été terrassé au premier tour avec une différence de voix conséquente. Le second tour est beaucoup plus équilibré pour les deux autres circonscriptions. Le taux de participation n'est pas au rendez-vous contrairement aux enjeux (...) et je ne sais pas qui va bénéficier de cette réserve de voix. Je pense qu'il y a eu un effet dynamique pour les partis de l'opposition dans les trois communes les plus importantes de la première circonscription : Papeete, Pirae et Arue (...) Il y a de la déception pour Heiura-Les Verts de ne pas avoir franchi la barre des 5%. On a progressé de très peu par rapport aux élections de 2022 mais ce n'est pas suffisant (...) Nous devons travailler pour que les électeurs considèrent que l'écologie est une affaire de tous les jours. Pour le second tour, il y a des consignes très claires. On a la certitude que si Steve Chailloux et Mereana Reid-Arbelot étaient élus, ils siègeraient à gauche. On ne va pas aller voter pour des gens qui ne savent même pas, à la fin du premier tour et certainement après le second, où ils vont siéger.”

James Heaux (Rassemblement national): “Une première réussie”

“Je suis très satisfait pour ces élections, notamment à Papeete. Je pars sans référentiel puisque c'est une première élection pour moi. Ça me donne une petite idée du travail qui me reste à faire et je tiens à remercier tous les électeurs qui se sont déplacés pour accomplir leur devoir de citoyen. Pour le second tour, c'est une question qui va se poser avec le comité directeur de Te Nati-Rassemblement national avec Éric Minardi. On n'en a pas du tout parlé avant. On était concentrés sur cette campagne du premier tour.”

Rédigé par Stéphanie Delorme le Dimanche 30 Juin 2024 à 14:50 | Lu 3636 fois