Moerani Frébault : “On parle d'une même voix”


Tahiti, le 20 juin 2024 – Moerani Frébault représente la voie et la voix de la jeunesse dans le camp autonomiste pour ces élections législatives anticipées. Une campagne basée sur un “dialogue respectueux” avec l'État en “mettant de côté” l'idéologie pour “se concentrer sur le développement du Pays”. Tahiti Infos lui donne la parole.
 
 
 
Moerani, on vous connaissait peu, on vous a découvert pendant la campagne des élections européennes. Aujourd'hui, l'enjeu est complètement différent, alors comment appréhendez-vous ces élections anticipées pour devenir député ?
 
“C'est sûr qu'on est dans un contexte qui est totalement différent. On sent bien que l'esprit de la campagne, et surtout l'attente de la population, est à tout autre niveau. Je suis surtout très heureux de voir l'enthousiasme de la population quand on la croise dans les meetings, dans la rue lors des opérations drapeaux. Je suis optimiste sur le taux de participation.”
 
La campagne a débuté dès l'annonce d'Emmanuel Macron pour vous ?

“Oui, on a surtout rencontré nos différents référents dans les communes pour qu'on puisse organiser les tournées, parce que c'est un peu compliqué. Vous avez vu qu'on est partis sur un accord avec cinq composantes. Après avoir mis d'accord les leaders des partis, il a fallu harmoniser les stratégies des équipes. Là, ça y est. La mayonnaise a bien pris. Les équipes tournent ensemble car on a voulu à chaque fois mixer les différents partis dans chaque équipe de quartier. Il n'y a pas le Tapura d'un côté, Ahip de l'autre, etc.”
 
En 2022, le Tapura a clairement été sanctionné par les électeurs qui ont voté pour trois députés Tavini. Deux ans plus tard, les autonomistes ont réussi à s'entendre autour d'un “accord de circonstance” comme l'a décrit elle-même Nicole Sanquer afin que chaque parti garde son identité propre. Comment ça s'articule en fait, et cet accord est-il bien accueilli sur le terrain ?
 
“Je pense que les positions de chacun ont évolué. Dans le cadre de cette campagne, on est quand même allés loin. On est sur un bulletin unique, une profession de foi unique, un programme unique, et un positionnement qu'on souhaite également commun en cas d'élection au sein de l'Assemblée nationale. Donc on parle vraiment d'une même voix.”
 
Alors sur quoi porte ce programme unique ? Quelles sont les valeurs communes qui vous rassemblent ?
 
“Notre dénominateur commun, c'est vraiment l'envie d'avancer dans le progrès économique et social de la Polynésie, donc de mettre de côté tous les sujets idéologiques et statutaires. Le Tavini a exprimé son souhait de faire autrement. Je me souviens de la phrase de Moetai Brotherson qui disait avoir un positionnement pragmatique et pas dogmatique. Mais encore une fois, on constate un énorme décalage entre ce qui est dit et ce qui est fait. On ne parle que d'indépendance. Les équipes du Tavini sont centrées sur ce sujet. Ça les obnubile et on voit que rien d'autre n'avance.”
 
Qu'entendez-vous précisément par le fait d'avancer sur des progrès économique et social ?
 
“On milite pour plusieurs choses comme le renforcement des partenariats et des conventions avec l'État ; la poursuite des financements nationaux sur les propositions de transition énergétique et alimentaire ; la protection de notre océan et des fonds marins ; l'éligibilité de notre pays aux grands programmes économiques nationaux. Nous souhaitons solliciter l'État pour plus de solidarité au financement de la réforme de la PSG, garantir un soutien vigilent pour nos communes de Polynésie et pour le statut de nos agents communaux. Nous souhaitons accompagner la création d'emplois en Polynésie par la relance de l'investissement, notamment à travers des mesures incitatives de défiscalisation. Nous avons beaucoup d'axes à développer, et le point d'orgue va être de reprendre un dialogue respectueux avec l'État.”
 
Alors avec quel État justement ? Il y a de fortes chances pour qu'il y ait un gouvernement de cohabitation. Y avez-vous pensé et quel sera votre positionnement à l'Assemblée nationale ?
 
“Quelle que soit la majorité qui sera issue, on devra forcément travailler avec elle pour faire avancer les choses pour la Polynésie. Pour le positionnement, on va devoir attendre la configuration. Historiquement, les autonomistes sont plutôt entre le centre et la droite, donc on verra bien quel groupe pourra le mieux porter nos aspirations. Mais pour nous, la notion de respect est fondamentale. On ne peut pas passer son temps à critiquer l'État. On le rappelle, quatre jours après son élection, Tematai Le Gayic demandait sur les plateaux télé à ce que la République quitte la Polynésie. Vous avez une délégation du Tavini en Azerbaïdjan qui crache sur l'État et en parallèle, vous avez le président de la Polynésie qui signe le contrat de transformation au ministère des Outre-mer. Ce n'est pas cohérent. Il faut arrêter et se concentrer sur le développement de notre pays.”
 
Les réseaux sociaux se sont emballés dès l'annonce des candidatures. Certaines ont souffert de plus de critiques que d'autres comme celle de Pascale Haiti par exemple qui est menacée d'inéligibilité. C'est plus compliqué de faire campagne dans ce contexte ou c'est quelque chose que vous avez mis de côté ?
 
“Notre accord est extrêmement clair et prévoit l'union des autonomistes pour contrer le péril qui nous menace. On ne veut pas diaboliser l'indépendance. Mais face à la dégradation de la situation économique et sociale de notre Fenua, face au bilan déplorable du gouvernement et des députés sortants, et face à la multiplication des appels à l'indépendance, la voix de l'autonomie doit à nouveau se faire entendre. On a laissé chaque parti sélectionner ses propres candidats. Moi, j'ai un profil plutôt jeune, j'ai travaillé en tant que chef de service pour le Pays et les communes donc je connais bien nos institutions. Nicole Sanquer sur la deuxième circonscription a énormément d'expérience : elle a été ministre, députée, elle connaît les arcanes et le fonctionnement de l'Assemblée nationale. Pascale Haiti est une femme de terrain aguerrie et je pense qu'on se complète vraiment bien tous les trois pour proposer la meilleure offre aux Polynésiens.”
 
Pourquoi les électeurs devraient voter pour les autonomistes le 29 juin ?
 
“Pour toutes les raisons que j'ai exposées précédemment. Mais à titre personnel, j'ai une mesure que je souhaite porter qui est celle du non-cumul des mandats. Tematai Le Gayic et Steve Chailloux ont double casquette. Ils ont d'abord été élus députés et ils sont en queue de liste au niveau de l'assiduité. J'ai fait une moyenne, ils sont 537e sur 577. Pour l'assemblée de la Polynésie, c'est exactement la même chose après avoir été élus une année entière. Donc je pense que ce choix d'avoir cumulé les rémunérations, et donc les fonctions, a été préjudiciable à leur travail parlementaire.”
 
Ça veut dire que si vous étiez élus à l'Assemblée nationale demain, Nicole Sanquer et Pascale Haiti devraient faire un choix ?
 
“C'est pour ça que je dis que je porte ça à titre personnel. Je ne briguerai pas d'autre mandat ou si je le fais, je démissionnerai de l'Assemblée nationale. Après, je laisse mes collègues prendre leurs engagements. En tout cas, je serai présent à Paris, je me consacrerai à 100% à nos dossiers et je pourrai me faire leur relais si nécessaire.”

Rédigé par Stéphanie Delorme le Jeudi 20 Juin 2024 à 15:00 | Lu 2516 fois