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Modification du droit foncier : l'opposition dénonce un "déni de démocratie" à l'assemblée


Antony Géros dénonce un procédé "immoral", tandis que Marcel Tuihani a adressé jeudi un courrier au président Fritch pour souligner la nécessité de procéder à une consultation de l’assemblée avant transmission à Paris des propositions de modification du code civil visant à faciliter localement la sortie de l’indivision et le partage judiciaire.
Antony Géros dénonce un procédé "immoral", tandis que Marcel Tuihani a adressé jeudi un courrier au président Fritch pour souligner la nécessité de procéder à une consultation de l’assemblée avant transmission à Paris des propositions de modification du code civil visant à faciliter localement la sortie de l’indivision et le partage judiciaire.
PAPEETE, 10 novembre 2016 - Les élus de l'opposition demandent la consultation pour avis de l'assemblée, avant la présentation au Parlement des propositions de modification du code civil visant à faciliter localement la sortie de l’indivision et le partage judiciaire. L'option privilégiée par le Garde des Sceaux, avec l'accord du Pays, est celle d'un comité de réflexion chargé de proposer avant la fin de l'année des amendements à intégrer au projet de loi de programmation sur l’égalité réelle outre-mer.

Pour l'instant, le but est d'arriver à faire coïncider l'ouverture du nouveau tribunal foncier de Papeete, prévue en juin 2017, avec la promulgation de nouveaux textes adaptés aux spécificités locales : une réflexion est engagée depuis plusieurs mois à la demande du ministère de la Justice, pour définir les aménagements à apporter au code civil, afin de faciliter localement la sortie de l’indivision et le partage judiciaire. A la demande du Garde des Sceaux, un groupe de travail a été constitué à cette fin, avec l’accord du président Fritch. Ses conclusions sont attendues pour décembre 2016. Elles intégreront alors la voie parlementaire via le Sénat, sous forme d’amendements au projet de loi de programmation relatif à l’égalité réelle outre-mer, actuellement à l’étude.

Dans sa formation élargie, le groupe de travail constitué pour mener cette réflexion est composé d’un député et d’un sénateur polynésiens, de deux élus de l’assemblée, d’un membre du cabinet du président de l’APF, d’un représentant du cabinet du président du Pays, et d’un représentant de l’ordre des avocats, de la chambre des notaires, de l’ordre des géomètres, et de l’association des juristes de Polynésie française. Il est présidé depuis le 23 mai dernier par Jean-Paul Pastourel, professeur agrégé de droit public à l’université (UPF) et spécialiste des questions foncières. Ce comité est chargé de réfléchir aux modifications à apporter dans les domaines du droit des successions, du droit de l’indivision, du droit de la propriété et en matière de procédure civile applicable en Polynésie française. Il est également chargé de faire des propositions utiles dans le cadre de la mise en place du tribunal foncier en Polynésie française. Cinq propositions visant à faciliter les partages judiciaires et trois relatives au tribunal foncier y sont actuellement à l’étude.

"Envisagez-vous de soumettre à notre assemblée les modifications qui seront proposées, afin qu’elle puisse émettre un avis avant leur présentation devant le Parlement ?" a questionné jeudi la représentante Tahoera’a Huiraatira Patricia Amaru, alors que "d’importantes dérogations aux règles actuellement en vigueur" sont envisagées, notamment concernant la représentation des parties devant les juridictions, le sort de l’héritier qui a été oublié dans une procédure ou encore les droits du conjoint survivant sur les biens du défunt.

"Il s’agit de saisir une opportunité et d’offrir un véhicule juridique à nos élus nationaux pour présenter par voies d’amendements les modifications attendues du code civil", note Tearii Alpha, dans une réponse lue jeudi par Nicole Sanquer, en son absence, pour enfin trancher : "Je rappelle que la commission élargie est composée de deux élus de l’assemblée et d’un membre du cabinet du président de l’assemblée. Il m’apparaît donc inutile d’organiser ce débat à l’assemblée".

Les groupes d’opposition se sont élevés de concert contre ce principe en dénonçant un "déni de démocratie" et une "manière bien cavalière de présenter les choses".

Le président de l’assemblée a adressé dans la journée un courrier au président Fritch pour demander "l’information et la consultation de l’assemblée sur les modifications législatives envisagées". Il insiste : "Les réformes envisagées impacteront les litiges fonciers. Elles ne sauraient donc être proposées au Parlement sans que nos propres élus n’en aient connaissance. Je ne souhaite pas que l’on fasse l’économie d’associer la représentation élue de la collectivité à ce dossier si important et si sensible pour nos concitoyens". Marcel Tuihani rappelle aussi que "la consultation de (l’assemblée), pour être régulièrement effectuée, suppose la réunion et le vote des 57 représentants qui la composent" et annonce qu’il envisage de saisir, dès lundi, les deux sénateurs polynésiens, le Gardes des Sceaux et le président du Sénat, pour dénoncer la méthode.

Ce vent de contestation souffle également dans les rangs souverainistes. Antony Géros, le président du groupe UPLD, a souligné jeudi que l’envergure des questions qui intéressent ce groupe de travail ad hoc "est trop importante pour rester circonscrite à un comité, aussi élargi qu’il soit. Il faut absolument que ce débat soit évoqué au sein de notre assemblée parce qu’il concerne les décisions que prendront à l’avenir les juges dans les affaires foncières, en Polynésie. Elles doivent faire l’objet d’un positionnement politique. Je prends pour exemple le droit du survivant sur les biens du conjoint décédé. Jusqu’à présent l’époux survivant hérite des biens du défunt. Les modifications envisagent que ces biens retournent aux ascendants et collatéraux du défunts avec le risque de laisser le survivant sans rien. C’est à ce titre que je demande qu’un certain nombre de points décidés par le comité de M. Pastourel soient débattus au sein de l’assemblée. Visiblement, les élus de la majorité refusent que ce débat ait lieu (…) sous prétexte qu’ils sont pris par le temps. C’est immoral de présenter les choses comme ça. On ne modifie pas un code civil à coups d’amendements".

Rédigé par Jean-Pierre Viatge le Jeudi 10 Novembre 2016 à 14:30 | Lu 3702 fois