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Mobilisation à Teahupoo contre la tour des juges


Tahiti, le 15 octobre 2023 - Ils étaient près de 700 personnes selon les organisateurs et 400 selon les chiffres officiels, à manifester leur opposition à la construction de la tour des juges pour les JO de 2024, sur le platier de Hava’e. Une marche pacifique qui a rassemblée plusieurs mouvements et associations militants pour la protection de l’environnement.
 
Le cortège a démarré devant la mairie annexe de Teahupoo comme prévu à 11 heures pour se diriger pacifiquement vers le bout de la route au PK 0, rythmé au son des pahu et tō’ere. Selon les organisateurs, près de 700 personnes ont défilé ce dimanche pour manifester leur opposition à la construction de la future tour des juges en aluminium sur le platier de la passe de Hava’e, où se tiendront les épreuves de surf des jeux olympiques 2024. Les force de l’ordre dénombre quant à eux 400 personnes au plus fort de la manifestation. Plusieurs associations ont répondu à l’appel du collectif Vaiara no Teahupoo. Interpeller le monde du surf international, les autorités locales tout comme celles de l’État mais aussi le comité organisateur Paris 2024, pour rappeler que “la population n’est pas contre les JO, mais pour la préservation de son environnement”, tel était l’objectif de cette marche pacifique, avec un thème qui aura été fédérateur.
 
“Nous ne lâcherons pas !”
 
 Un unu porté à dos d’homme en ouverture de marche sera dressé à la pointe Fare Mahora “pour marquer symboliquement un tapu pour la protection du site et ses alentours, et surtout notre lagon et notre océan”, comme le rappelle un pêcheur issu de la grande famille Rochette de Teahupoo. “Nous ne voulons pas qu’on touche au récif et nous nous opposerons jusqu’au bout à toute extraction pour y implanter leur tour”, a-t-il affirmé avec force et détermination. De son côté, Alexis Taupua, riverain de cette pointe, a martelé que les riverains feront “tout pour que cette tour ne soit pas implantée sur le récif. Nous ne lâcherons pas”.
 
“Il était hors de question qu’on ne vienne pas soutenir cette manifestation de Vaiara no Teahupoo, pour nos enfants et nos générations futures”, explique Annick Pa’ofai, la présidente de l’association de défense du Fenua Aihere. “On peut construire une tour sur les plots existants, estime-t-elle, mettre des plaques solaires pour l’électricité, installer des toilettes sèches et faire comme on a toujours fait depuis 26 ans. Et après les épreuves ils démontent tout.” Alors que la ministre assure que “sans la tour des juges” il n’y aurait, “pas de JO à Teahupoo” (voir encadré), Annick lui rétorque : “Excuse-moi Nahema, mais c’est complètement ridicule, puisqu’on a eu la WSL depuis des années avec une tour faite par des enfants tahitiens, qui a tenu avec des vagues énormes. On a toujours accepté les jeux olympiques. Le peuple tahitien est un peuple accueillant. Mais ce qu’on ne veut c’est qu’on touche à notre nature. Vous savez très bien qu’il y a un risque. C’est écrit noir sur blanc dans les études menées par Ifrecor affichées depuis des années à la mairie. Nous ne voulons pas prendre de risque. Personnellement, je ne vais pas lâcher, quitte à faire un setting au milieu du lagon.”
 
Pétition en ligne
 
 Cindy Drollet pour le collectif Vaiara no Teahupoo s’est réjouie du succès de la marche pacifique organisée à son initiative, “parce que nous ne somme plus tout seul maintenant : derrière nous il y a d’autres personnes qui parlent, une pétition sera mise en circulation et je tenais à remercier les différentes associations qui ont répondu à notre appel comme Moorea Coral Gardners, l’association de surfeurs Tamarii Nuuroa, ou encore Fafaite ainsi que la délégation de surfeurs de haut niveau. Le message est passé, les autorités devront nécessairement en tenir compte.

“C’est dans l’opposition qu’on va enrichir la vision”

Nahema TemariI, ministre des Sports
 
La ministre des Sports Nahema Temarii a bien voulu répondre à nos questions à la suite de l’appel à manifester du collectif des riverains de Teahupoo, ce dimanche. Elle entend apporter des précisions à propos de la tour des juges sur le récif de Hava’e en projet pour le JO. La situation aurait pu être différente si les choses avaient bien été ficelées dès le départ des échanges et négociations ayant abouti aux conventions signées en 2022 par l’ancien gouvernement.
 
Dans le cadre des études d’implantation de la tour des juges sur le platier de la passe de Hava’e, une mission d’évaluation d’impact sur l’environnement a bien été demandée par l’IJSPF selon la ministre des Sports, mais son rapport n’a jamais été transmis aux associations de riverains et de défenseurs de l’environnement de Teahupoo. Certains se sont d’ailleurs levés à la toute première réunion d’information du 15 septembre à Teahupoo, pour faire remarquer l’absence des représentants de la Direction de l’environnement, ce qui laissait supposer un certain manque d’intérêt des autorités à la cause défendue par les riverains depuis le début. Désormais, “il est question que l’IJSPF transmette ces conclusions aux associations, et que la Diren soit impliquée à nos côtés”, précise Nahema Temarii. Dès lors, sous l’impulsion de la ministre, des réunions techniques se tiennent régulièrement regroupant toutes les parties prenantes, avec pour seul mot d’ordre, “la transparence au titre de la bonne gouvernance, parce qu’en face, nous avons des personnes qui ne sont pas d’accord mais qui ont des solutions, et c’est dans l’opposition qu’on va enrichir la vision. Nous sommes donc en train d’étudier toutes les possibilités”, a assuré la ministre.
 
Une mission pour calmer le jeu
 
Dans un deuxième temps, comme elle l’a annoncé, “une mission d’assistance à maîtrise d’ouvrage sera mise en œuvre sur l’ensemble des chantiers rattachés aux épreuves de surf des JO 2024” : “On se donnera les moyens financiers pour commander cette mission et je suis persuadée que l’État jouera le jeu et Paris 2024 également, l’objectif étant qu’on ait des personnes compétentes et neutres qui puissent accompagner les chantiers et vérifier que tout soit fait dans le respect de l’environnement.” Une façon de neutraliser les inquiétudes des habitants de Teahupoo.
 
Les choses auraient certainement évolué différemment si les conditions d’héritages de la tour avaient été négociées “au moment des signatures de la convention cadre et de la convention d’objectifs en 2022”, a-t-elle regretté. En effet, comme elle le précise : “Quand un pays candidate, il sait ce qu’il va chercher et ce qui va lui incomber, mais là je pense que c’est la précipitation qui a mené à cette situation.” La ministre se veut tout de même rassurante, d’abord en en tirant une leçon pour l’avenir, puis en appelant à “adopter une logique participative, car même si on n’est pas d’accord sur tout, ça permet en tout cas de faire au mieux”.

Rédigé par Paora’i Raveino le Lundi 16 Octobre 2023 à 16:33 | Lu 1943 fois