Mireille Vignol : "Nous sommes des passeurs"


Tahiti, le 16 novembre 2022 - Mireille Vignol a traduit de nombreux ouvrages de l’anglais au français dont, La Baleine tatouée et 39 Bonnes raisons de transformer des obsèques hawaiiennes en beuverie, parus chez Au Vent des îles. Elle revient sur les particularités de ces deux ouvrages mais aussi sur le rôle, fondamental, du traducteur en littérature.

 
Vous avez traduit deux ouvrages récemment d’auteurs du Pacifique, que retenez-vous du travail réalisé pour La Baleine Tatouée ?
"J'étais en territoire familier puisque c'est le quatrième roman de Witi Ihimaera que je traduisais. La difficulté résidait surtout dans le fait qu'il existe plusieurs versions de ce roman en anglais. Il a été publié pour la première fois en 1987, et Witi a tendance à remanier ses textes. Je travaillais à partir d'une version destinée à l'international, qui contenait peu de termes maoris. En accord avec l'auteur, nous avons réinséré certains termes existant dans d'autres versions et qui sont maintenant familiers à ses lecteurs, puis ajouté un glossaire."
 
Pour le recueil de nouvelles, 39 Bonnes raisons de transformer des obsèques hawaiiennes en beuverie, vous avez eu de nombreux termes en pidgin hawaiien, le créole de cet archipel. Comment avez-vous procédé ?
"Avec cet ouvrage, j'étais en terrain plus inconnu. Kristiana Kahakauwila est la première auteure de Hawaii à être publiée chez Au Vent des Iles. J'ai rencontré un problème de taille : la traduction du pidgin hawaiien, un créole très particulier, différent de l'anglais mais compréhensible. Je ne voulais pas utiliser un créole francophone provenant d'une autre région du globe, de l’île de la Réunion ou des Antilles par exemple, j'ai donc demandé à l'écrivaine tahitienne Chantal T. Spitz de m'aider à transposer les passages de pidgin en un français à saveur polynésienne, pour le différencier du reste du texte et pour l'ancrer dans la vaste région que les deux archipels partagent. C'était un processus passionnant."
 
Ces deux ouvrages lancent la nouvelle charte graphique d’Au Vent des îles, comment la percevez-vous ?
"J’en suis ravie. Ils sont parmi les premiers à avoir bénéficié du talent de Gabrielle Ambrym. On dit en anglais "don't judge a book by its cover", notre équivalent de "l'habit ne fait pas le moine", mais dans ce cas, vous pouvez juger le livre par sa couverture !"
 
Quel est, selon vous, le rôle du traducteur au-delà du changement de langue ? Car là n’est pas sa seule intervention.
"Je crois qu'avant "le changement de langue", nous sommes des passeurs et découvreurs de littérature. Ce sont souvent nous qui proposons des livres aux maisons d'édition. Ensuite, une traduction est comme l'interprétation d'un morceau de musique. Le texte original est notre partition, les mots sont nos instruments, mais nous devons orchestrer le tout savamment."
 



Rédigé par Salon du livre le Mercredi 16 Novembre 2022 à 10:29 | Lu 650 fois