Militaires renversés à Levallois: au procès, le conducteur confronté à ses incohérences


PHILIPPE HUGUEN / AFP
Paris, France | AFP | vendredi 10/12/2021 - Jugé à Paris pour "tentative d'assassinat terroriste" après avoir renversé des militaires à Levallois-Perret (Hauts-de-Seine) en 2017, Hamou Benlatreche s'est accroché vendredi à sa version d'un accident du fait d'un malaise, malgré les incohérences soulevées par la cour.

"J'ai perdu connaissance" quelques secondes, "le choc m'a réveillé", puis "j'ai eu peur qu'on me tue", a répété plusieurs fois l'Algérien de 41 ans pour expliquer la collision avec la patrouille de l'opération Sentinelle puis sa fuite, jusqu'à son arrestation près de Calais (Pas-de-Calais), le 9 août 2017.

Devant la cour d'assises spéciale, au cinquième jour de son procès, il oscille entre reconnaissance du mal causé aux militaires blessés et incompréhension quant aux faits qu'on lui reproche.

Il demande ainsi "pardon à tous les agents, toutes les forces de l'ordre". 

Jeudi, l'audition des militaires blessés, dont plusieurs ont fondu en larmes et expliqué les séquelles psychologiques de l'attaque, l'a "choqué", assure-t-il.

"Depuis hier je pense à eux et à ce qui est arrivé. Je ne savais pas que leur vie avait changé à ce niveau-là", souligne Hamou Benlatreche, qui s'exprime en arabe, à travers un interprète.

Il nie toute volonté de les avoir fauchés ce matin-là, quelques minutes après avoir déposé une cliente montée dans son VTC.

"Je n'ai rien contre la police ni les gendarmes. Pourquoi on m'accuse de ça?", lance-t-il, interrogé par le président de la cour sur l'intention homicide de son geste.

Il dit ne pas s'expliquer pourquoi trois militaires disent avoir vu son "regard déterminé" juste avant le choc. Lors de l'instruction, il avait jugé qu'il s'agissait de "faux témoignages".

De même, il qualifie de "faux experts" les médecins qui ont estimé qu'une perte de connaissance n'était pas compatible avec le changement brusque de trajectoire de la voiture et qu'il était peu vraisemblable qu'il ait retrouvé la maîtrise complète du véhicule à peine quelques secondes après.

"Peur qu'on me tue" 

"Ca fait beaucoup de personnes qui ne sont pas d’accord avec vous", souligne l'avocat général, alors qu'il a aussi accusé plusieurs témoins d'avoir "menti".

"C’est peut-être parce que je suis un arabe qu'on raconte ça sur moi", avance-t-il.

"Pourquoi vous prenez la fuite si c'était un accident?", demande le président.

"Je voulais m'arrêter pour les aider, mais j'ai eu peur qu'on dise que : +C'est un terroriste+. (...) J'avais peur qu'on me tue", répète-t-il.

Alors pourquoi ne pas avoir obtempéré lorsque les policiers lui demandent de mettre les mains sur la tête, lors de son interpellation près de Calais? Pourquoi avoir au contraire dirigé son bras vers sa ceinture, conduisant les forces de l'ordre à ouvrir le feu ?

"Non, j'ai pas mis mes mains sur la ceinture. J'ai juste levé mon bras pour montrer que j'avais une cannette de Red Bull", une boisson énergisante, affirme Hamou Benlatreche.

Grièvement blessé lors de cette arrestation, il a été amputé de deux doigts et se déplace depuis en fauteuil roulant.

Même dénégations concernant ses passages devant le local de Sentinelle, les jours ayant précédé les faits, qui sont pour l'accusation une preuve de la préméditation.

Il récuse aussi toute proximité avec le jihadisme et l'islam radical, répondant souvent de façon vague aux questions sur sa pratique religieuse et ses fréquentations.

"Je n'ai aucun rapport avec le terrorisme, les terroristes, je suis quelqu'un de propre", déclare-t-il.

Selon l'accusation, deux vidéos ont notamment été extraites du téléphone retrouvé dans sa voiture: un montage où figurent "un crucifix brisé", "des inscriptions en arabe sur fond noir pouvant rappeler l'Etat islamique" et une invitation à "sortir du fourreau" un sabre, et une autre juxtaposant les images d'un humoriste évoquant la haine du peuple juif et des séquences du conflit israélo-palestinien.

"J'ai pas regardé ça (...) Je ne sais pas comment c'est arrivé dans mon téléphone", répond-il.

Quant aux éléments retrouvés sur un second téléphone, saisi à son domicile - des photos du drapeau du groupe Etat islamique et d'hommes en armes - il affirme n'avoir "aucune relation avec ces photos" et dit que ce n'est "pas (son) téléphone".

On y a pourtant trouvé aussi une photo de ses papiers d'identité, des numéros de son entourage dans le répertoire et cette ligne a cessé d'être utilisée trois jours avant l'activation du téléphone retrouvé dans sa voiture, observe la cour.

le Vendredi 10 Décembre 2021 à 06:31 | Lu 367 fois