Mieux comprendre : à quoi sert la dialyse ?


PAPEETE, le 05 mai 2017 - En Polynésie 463 personnes étaient dialysées en 2016. Mais qu’est-ce que c’est ? À quoi cela sert ? Est-ce vraiment indispensable ? La rédaction de Tahiti infos répond à vos questions.

Qu’est-ce que la dialyse ?
Tout d’abord la dialyse est un traitement complémentaire qui permet de remplacer partiellement le fonctionnement des reins. C’est ce qu’on appelle un traitement de suppléance.

Les reins sont-ils indispensables à la survie ?
Oui, ils sont essentiels. Le rein est un des filtres du corps. Son objectif dans le corps est d’éliminer les déchets transportés par le sang, et de les évacuer dans les urines. Les reins sécrètent aussi des hormones et des vitamines importantes au fonctionnement de notre corps.
Le corps humain est une horloge aux rouages bien huilés, le moindre organisme défaillant va entrainer l’arrêt de la machine. Si les reins fonctionnent mal, cela peut entrainer de l’ anémie , de l’ hypertension artérielle des arrêts cardiaques … l’ arrêt de fonctionnement des reins entrainement le décès des malades

Il y va-t-il plusieurs traitements pour suppléer la fonction des reins ?
Oui. Il y a deux types de traitements, la transplantation rénale - on remplace les reins défaillants par un nouveaux rein – et la dialyse, soit par hémodialyse soit par dialyse péritonéale.

Quelle est la différence entre l’hémodialyse et la dialyse péritonéale ?
L’hémodialyse est une technique qui filtre le sang via une membrane artificielle le « rein artificiel » . Le sang sort du malade dans un « circuit extra corporel » pour être filtré sur la membrane articielle le contrôle se fait par une machine : le générateur . On exerce l’hémodialyse soit à domicile soit dans une structure de dialyse.
La dialyse péritonéale est une technique d’épuration extrarénale faite à domicile «non « qui utilise le péritoine comme filtre. Le péritoine est une membrane naturelle qui recouvre la paroi abdominale et enveloppe les organes qui se trouvent dans l’abdomen.

Quand sait-on que la dialyse est devenue indispensable ?
L’hémodialyse est une solution qui doit être donnée en dernière intention faute d’une autre proposition. Il faut essayer d’amener les patients à pouvoir se prendre en charge donc retarder la nécessité de l’épuration extrarénale et aussi les préparer à la greffe préemptive c'est-à-dire être greffé avant que de devoir être dialysé, ou faire en sorte qu’ils soient inscrits le plus vite possible, sur la liste de greffe. Il faut qu’ils arrivent au stade de l’hémodialyse avec le moins de complications possible de façon à ce qu’ils soient le plus facilement transplantables avec le moins de complications. Ensuite, il faut qu’ils soient le plus autonomes avec le moins de contre-indications, ce qui leur permettra de bénéficier des techniques les plus légères.

Combien de temps dure une séance d’hémodialyse ?
Les séances doivent se faire trois fois par semaine et elles durent en général entre quatre et cinq heures. Néanmoins la durée et la fréquence des séances sont adaptées à chaque patient et à l’évolution de leur(s) pathologies.

Un dialysé peut-il mener une vie « normale » ?
Aujourd’hui, un patient insuffisant rénal a une espérance de vie proche de celle d’une personne saine.
L’hémodialyse est, en général, compatible avec une activité professionnelle. Il est possible d’adapter les horaires des dialyses pour les rendre compatibles avec une activité professionnelle. Il en va de même pour la dialyse péritonéale.

Un historique de la dialyse en Polynésie

Les premières dialyses en Polynésie ont été réalisées en 1982. Le premier malade dialysé a été dialysé aux urgences de l’hôpital Mamao alors qu’il y avait quelques patients (3-4) patients qui étaient pris en charge en Nouvelle-Calédonie et 3-4 patients qui étaient pris en charge en France métropolitaine en particulier à Marseille.
L’augmentation des besoins en hémodialyse en Polynésie a entrainé l’ouverture d’un centre de dialyse de quelques postes. «non » Puis très rapidement le pays est passé de quelques postes à un centre lourd unique, jusqu’en 1997-1998 où a été créée l’APURAD. L’hôpital commençait à avoir une unité importante en hémodialyse, en suractivité et par ailleurs il y a des patients au niveau de l’hôpital dont les besoins en dialyse étaient un peu différents et donc il est apparu nécessaire de faire comme dans l’ensemble des territoires d’outre-mer, mais aussi de métropole de diversifier l’offre de soins et de proposer de la dialyse adaptée à la lourdeur des besoins de chaque patient tout en rapprochant les soins du domicile des patients.
Le Dr. Fournier, à l’époque, chef de service du service de néphrologie, a proposé de créer l’association APURAD qui est une association de dialyse hors centre, équivalent d’un établissement privé, mais à but non lucratif. La Polynésie était le dernier territoire français sur lequel a été créé ce type d’association.
Depuis cette date « non » l’Hôpital s’est recentré sur son activité de dialyse lourde, de consultation de néphrologie et depuis un peu plus de trois ans d’offre de soin en transplantation rénale. L’ APURAD a développé son offre de soin de proximité avec la dialyse péritonéale , les Unités d’Auto Dialyse et de Dialyse Médicalisée enfin son activité d’ Education Thérapeutique
Enfin depuis « non » un an ont été autorisé en Polynésie française deux promoteurs privés pour développer la dialyse privée à but lucratif.

INTERVIEW: « Le patient polynésien arrive en moyenne dix à quinze ans plus tôt en dialyse qu’en France métropolitaine » au Dr. Fournier, chef du service néphrologie et d’hémodialyse du centre hospitalier du Taaone

Quelle est l’évolution de l’insuffisance rénale en Polynésie ?
Par rapport à la métropole, en 2013, il y avait à peu 75 000 malades au stade de l’insuffisance rénale. En Polynésie en 2016, il y en avait 615. En métropole on avait une prévalence à 1230 et en Polynésie, on avait une prévalence à 2020, donc un peu moins du double.
Si on prend les hémodialysés et les greffés en France, en 2013, ils étaient presque à 45/55%, ils vont arriver en 2017-8 à 50%/50%. En Polynésie en 2016 on était à 25-75 %. On a un retard d’offre de soin en terme de greffe. Il faut savoir que la Polynésie française n’a son autonomie en greffe que depuis 2013. Mais nous ne sommes pas le dernier territoire Français à avoir une autonomie en greffe. Néanmoins, si « non » nous avions obtenu l’autorisation 2-3 ans plus tôt c’est-à-dire en 2010 comme prévu, nous aurions eu besoin de créer 50 postes de dialyses en moins.

Comment expliquez-vous qu’en Polynésie nous soyons presque au double de la prévalence métropolitaine ?
Nous sommes au double de la prévalence métropolitaine avec une autre caractéristique qui est l’âge de nos patients. L’âge moyen des insuffisants rénaux Polynésiens est plus jeune qu’en métropole. À savoir qu’en métropole les dialysés ont une moyenne d’âge autour de 70 ans, ici nous sommes autour de 55 à 60 ans. Le patient polynésien arrive en moyenne dix à quinze ans plus tôt en dialyse qu’en France métropolitaine. La raison en est que presque plus de 60% de nos patients sont des patients qui sont soit diabétiques, gouteux, hypertendus et avec ou pas une obésité. Ce sont des gens qui souvent ont un suivi médical difficile, une compliance médicale difficile et donc ils arrivent au stade terminal de leur maladie plus vite qu’en métropole, d’où l’importance de porter l’attention sur la prise en charge précoce, la consultation néphrologique et l’importance de développer l’éducation thérapeutique pour accompagner le patient dans l’apprentissage de ce qu’est leur maladie et l’apprentissage de ce que sont les traitements, à quoi ça sert pourquoi il faut les prendre, comment il faut les prendre et essayé de trouver un compromis entre ce que nous avons besoin d’imposer aux patients et ce que eux sont capables d’accepter.

Est ce qu’il y a une explosion de l’insuffisance en Polynésie ?
Tout le monde parle d’explosion de l’insuffisance rénale, non. Il y a une augmentation constante de l’insuffisance rénale depuis 30 ans. C’est une augmentation qui est progressive, qui est attendue et qui est parallèle à l’augmentation de besoins qu’on a en Europe et dans le monde. En ce qui concerne l’insuffisance rénale, on parle de pandémie mondiale qui concerne tous les pays industrialisés. Elle est à relier avec la pandémie du diabète et de l ‘obésité. Ce sont deux courbes qui sont parallèles. Il y a aussi le fait qu’il y a un vieillissement de la population et donc forcément le rein est un organe qui de façon naturelle perd ses fonctions. Puis il y a une amélioration de la médecine, avec une meilleure prise en charge des patients insuffisants cardiaques, avant les patients mourraient de leurs problèmes cardiaques avant d’installer leur insuffisance rénale. Maintenant ils survivent à leur maladie cardiaque et ils installent leur maladie rénale.

Quelles sont les priorités que vous voudriez mettre en avant pour améliorer l’offre de soins ?
La première priorité est d’augmenter les moyens et augmenter l’activité d’offres de soins en greffe, c’est-à-dire de faciliter la mise en place d’une offre de soins précoce dès l’insuffisance pré-terminale en consultation, préparation à la greffe préemptive et accompagnement des patients le plus rapidement possible ainsi que leur inscription rapide sur la liste de greffe.
Il faut aussi augmenter les campagnes et sensibiliser la population polynésienne au don du rein. C’est une priorité. Le don d’organe est une première réponse à des besoins urgents et ce geste permet soulager des souffrances quotidiennes tout en agissant dans le sens du contrôle des coûts.
Une autre priorité est l’accompagnement de la consultation et de la prévention. Là c’est là une des priorité du ministère de la santé avec la lutte contre l’obésité, l’éducation thérapeutique, œuvrer pour une prise en conscience générale.
Enfin, il est important d’offrir aux patients dialysés une dialyse qui s’accommode à leur vie au plus près de leur domicile et de leur mode de vie, de façon à ce qu’ils puissent adapter leur traitement à leur vie et non pas leur vie à leur traitement.

Les déficients rénaux en Polynésie en chiffres

615 le nombre d’insuffisants rénaux traités en Polynésie
50 c’est le nombre moyen de nouveaux patients par an
463 personnes dialysées
dont
64 malades de dialyse péritonéale
399 hémodialysés
Parmi lesquels
189 patients dialysés au centre hospitalier du Taaone pour un coût forfaitaire estimé à 80 000 francs par séance et par patient
92 traités dans des unités de dialyse médicale pour un coût forfaitaire de 35 000 à 37 000 francs par séance et par patient
118 patients en autodialyse
152 patients greffés

TEMOIGNAGE : « Je suis née à 25 ans », Kailua Monod ancienne dialysée.

PAPEETE, le 09 mai 2017 - Kailua Monod est malade depuis sa petite enfance. Dialysée à 21 ans, elle a reçu une greffe rénale

Quand Kailua entre dans une pièce, c’est comme si une tornade s’engouffrait par là. La quarantaine passée, Kailua n’a pas une minute à perdre. Elle dévore chaque seconde de sa vie à pleines dents. Si elle vit sa vie à 200 kilomètres heures, c’est parce qu’elle sait à quel point elle est fragile.
Kailua est malade depuis qu’elle est enfant. A 20 ans, le médecin lui annonce qu’elle doit être dialysée. Mais Kailua refuse cette idée, après plusieurs arrêts cardiaques, elle finit par arriver en catastrophe en dialyse. Elle a 21 ans, « cet enfer » comme elle l’appelle durera quatre ans. « Trois fois par semaine pendant cinq heures, c’était la torture. J’essayais de tenir bon et j’étais très affectée physiquement. J’ai vu beaucoup de dialysés partir, baisser les bras. Pour moi c’était impensable. J’avais un fils et une irrémédiable envie de vivre » raconte Kailua avec conviction. « Ces quatre ans de dialyse ont été très très durs, mais ils m’ont rendue plus forte. La journée j’étais tout sourire, je vivais comme si rien ne m’affectait, mais à la nuit tombée j’éclatais en sanglots. Je pleurais toutes les larmes de mon corps. J’avais tellement mal… »

Puis, un jour, Kailua se sent prête, lasse de voir son fils la regarder souffrir, elle décide de tenter la greffe. « Je suis partie en France. J’ai eu la chance d’avoir un rein compatible au bout de six mois. En tout je serais restée presque un an et demi. J’étais partie en me disant, -quand je reviendrai je vais œuvrer à faire venir la greffe en Polynésie.- » Dès qu’elle a reçu sa greffe, cette mission Kailua s’y est lancée à bras le corps. « Cette greffe m’a changé la vie. Je dis souvent à mes proches je suis née à 25 ans ? Pour la première fois je découvrais ce que c’était d’être en bonne santé et de ne pas avoir mal constamment », confie la quadragénaire.

Mettre en place la transplantation rénale en Polynésie devient son objectif ultime. « C’était ma mission, j’ai tout fait pour y arriver, je suis même allée aux jeux mondiaux des transplantés pour leur demander de nous soutenir dans notre projet. Ça a été un parcours du combattant. On a fini par y arriver en 2013 ! »

Aujourd’hui, Kailua dévore toujours sa vie à pleines dents, goulûment. Elle sait qu’elle devra repasser par la case dialyse, « ça fait 17 ans que j’ai reçu ce greffon, il faudra que je me refasse transplanter un greffon bientôt et je devrais forcément repasser par la dialyse. Aujourd’hui, je suis prête et je suis convaincue que je le vivrais beaucoup mieux que la première fois. Mais une chose est sure, je sais que le plus important c’est la santé. Je n’ai qu’un conseil à donner aux gens savourez votre vie et surtout prenez soin de votre santé, c’est le plus important. »

Rédigé par Marie Caroline Carrère le Mardi 9 Mai 2017 à 11:05 | Lu 31535 fois