Météo : El Niño se confirme pour 2015 comme "modéré à fort"


Anomalies de la température moyenne de surface de l’océan au cours des 4 dernières semaines. (source :http://www.cpc.ncep.noaa.gov)
FAA'A, le 30 juillet 2015. Depuis plusieurs mois, dans certains pays –notamment l'Australie- les centres d'observation météorologiques évoquaient un phénomène El Niño accentué pour 2015. C'est désormais confirmé par Météo France en Polynésie.


Il était déjà attendu pour 2014 mais finalement nous avait été épargné. Mais cette fois, il y a des signes qui ne trompent pas et l'enfant terrible de la météo El Niño est effectivement de retour. Si les spécialistes de Météo France sont restés prudents depuis de longs mois, cette fois, les observations confirment que les effets d'El Niño commencent à se faire sentir. "Depuis le début de l’hiver austral, on observe une hausse des températures de l’océan Pacifique équatorial, entre 170E et 80W de longitude. Cette hausse varie autour de +0,5°C à l’ouest de la ligne de changement de date et s’élève progressivement quand on se dirige vers les côtes de l’Amérique du sud pouvant atteindre +3°C à l’est du Pacifique équatorial".

Pour les amateurs d'observations météo très précises, le communique de presse diffusé par Météo France Polynésie hier précise encore : "Si on s’intéresse à la boîte Niño 3.4 (zone comprise entre 5N/5S de latitude et 170W/120W de longitude) on observe, depuis le mois de mai 2015, des températures mensuelles de la surface de la mer plus élevées que la normale, égales ou supérieures à 28,9°C. A la fin du mois de juillet, la température de surface de la mer dans la boîte Niño 3.4 affiche une hausse de +1,6°C". La confirmation de ce phénomène est désormais établie par tous, "tous les climatologues s'accordent à dire que l'océan Pacifique équatorial présente des conditions de El Niño".

LA MER EST CHAUDE ET VA LE RESTER

Au cours de la période mai-juin-juillet 2015, qui correspond habituellement à la phase de refroidissement de l’océan Pacifique Sud, on observe des températures mensuelles de surface de l’océan plus élevées qu’au cours de la saison chaude 2014-2015. Selon les prévisions élaborées par les différents centres de prévision saisonnière, ces hausses de températures de surface de la mer vont se maintenir jusqu’à la saison chaude 2015-2016.

Au niveau de l’atmosphère, on ne note pas encore une réponse franche aux conditions anormales de l’océan. En effet le SOI (Southern Oscillation Index), qui montre la différence de pression entre Tahiti et Darwin, reste à un niveau neutre au regard du phénomène El Niño. Toutefois, on observe, depuis la fin de la saison chaude, une inversion des Alizés sur la partie centrale du Pacifique équatorial, signal avant coureur de la mise en place d’un El Niño.

Les climatologues de Météo France restés extrêmement prudents ces derniers mois dans leurs déclarations et analyses confirment que la Polynésie française sera soumise, pendant la saison chaude (et cyclonique qui va de novembre à avril) aux impacts de ce phénomène. "Tous les modèles de prévision saisonnière à notre disposition, prévoient un épisode El Niño pour la prochaine saison chaude. Cependant une incertitude demeure quant à l’intensité de ce phénomène qui est annoncé modéré à fort actuellement". Les précisions ne pourront être apportées qu'à la fin de la saison fraîche.

Cette situation particulière nécessite un suivi plus attentif par les climatologues de Météo-France en Polynésie française fera l’objet de communications régulières. Le prochain bulletin El Niño pour la Polynésie sera publié mi septembre.


El Niño : comment ça marche ?

On appelle El Niño le réchauffement anormal des eaux de surface situées au large de l’équateur, du Pérou et du Chili. En temps normal, les vents et les courants concentrent dans la partie Ouest de l’océan Pacifique de l’eau très chaude (à plus de 28°C). Par contre, dans la partie Est de cet océan, des remontées d’eaux profondes et des courants froids issus de l’Antarctique maintiennent l’eau de mer à une température plus basse.

Pendant les phases El Niño (phases chaudes, la zone d’eau chaude amorce un déplacement vers l’est jusqu’au Pacifique central. Ce mouvement se répercute jusque sur les côtes d’Amérique du Sud avec un courant chaud qui redescend le long du Pérou. Ce courant appelé El Niño a donné son nom à l’ensemble du phénomène. L’état de l’océan conditionne l’état de l’atmosphère. Ainsi, au dessus de cette masse d’eau chaude on observe la présence permanente d’une zone convective (zone sujette à de gros développements verticaux de nuages entraînant de fortes précipitations).

Pendant les phases El Niño, le risque cyclonique est forcément plus élevé puisque la température chaude de l'océan est "le carburant" qui va permettre d'entretenir une zone perturbée : l'évaporation de surface de grandes quantités d'eau fournira l'énergie nécessaire pour entretenir le système de machine à vapeur qu'est une formation cyclonique. Il faudra donc être prudent pendant la prochaine saison chaude…

Une femme devant sa maison détruite par le cyclone Oli ( Photo AFP Gregory Boissy)
El Niño et les cyclones en Polynésie

En 1997, un phénomène El Niño avait atteint une amplitude exceptionnelle et s’était poursuivi jusqu’en mai 1998 ! Surnommé "l’El Niño du siècle", il avait provoqué des impacts climatiques et sociétaux beaucoup plus importants que les épisodes El Niño plus faibles qui ont suivi (en 2002-2003, 2004-2005, 2006-2007 et 2009-2010, le dernier en date), avec notamment des cyclones tropicaux atteignant la Polynésie française, fait exceptionnel.

Début novembre 1997 le cyclone tropical Martin a frappé l'atoll de Mopélia puis passe à l'est des Australes. Martin est responsable de la mort de neuf personnes sur l'atoll de Bellinghausen (ou Motu one) submergé par la marée de tempête. Quelques jours plus tard, fin novembre 1997 le cyclone Osea passe au nord des Australes, à l'est de Rapa, provoque des dégâts à Bora, mais c'est à Maupiti qu'il frappe le plus fort avec 95% des infrastructures de l'île détruites.

Le dernier cyclone ayant frappé la Polynésie est Oli (pendant un épisode El Niño) en février 2010, le bilan faisait état de un mort, un blessé grave, six blessés légers, 4 813 personnes évacuées et 374 habitations détruites ou endommagées essentiellement dans l'archipel des Îles Sous le Vent.

Questions à Victoire Laurent de la direction interrégionale de Météo-France

Est-ce que tous les épisodes El Niño se ressemblent ?

Chaque El Niño est différent, chacun son identité, c'est un phénomène atypique. Il n'est pas possible aujourd'hui d'avoir un scénario type. Jamais pareil, même sur la fréquence. On sait qu'il varie sur une échelle de temps qui va de 1,5 an jusqu'à 7 ans. Aujourd'hui, certains documents disent qu'il y aurait une fréquence plus importante du phénomène El Niño, je pencherais plus sur une intensification du phénomène qu'une fréquence. Nous allons peut-être vivre des phénomènes El Niño un peu plus intenses que ces 15 dernières années.

Quelles sont les conséquences d'un tel phénomène ?

El Niño a toujours existé. C'est une des variabilités du climat qui a le plus de conséquences sur les tropiques et la moyenne altitude, aux niveaux atmosphérique et océanique. Ça se voit notamment en termes d'impact sur la biodiversité. Au niveau océanique, le fait que les remontées d'eau froide soient freinées au niveau du Chili et du Pérou entraîne une diminution de la pêche car il y a moins de poissons. C'est d'ailleurs l'origine du phénomène car ce sont les pêcheurs péruviens qui l'ont observé autour de Noël, c'est pour cela qu'il a été appelé El Niño, l'enfant Jésus.

Propos recueillis par Noémie Debot-Ducloyer




Rédigé par Mireille Loubet le Jeudi 30 Juillet 2015 à 16:46 | Lu 4164 fois