Tahiti Infos

"Mercenaire", le douloureux "transfert" d'un Wallisien dans un club de rugby du Cantal fait salle pleine à Tahiti


PAPEETE, le 12 octobre 2016- Le film « Mercenaire », projeté en avant-première dans les salles de Papeete mardi soir a fait salle comble. Ce long métrage plonge dans le quotidien douloureux d’un Wallisien venu pour jouer au rugby dans un club amateur du Sud-Ouest. Un récit initiatique au cours duquel ce jeune îlien du Pacifique deviendra adulte loin des siens, de ses racines.

Sélectionné au dernier Festival de Cannes à la Quinzaine des réalisateurs, Prix de la mise en scène au Festival du Film francophone à Angoulême, "Mercenaire" suit pas à pas le parcours souvent tragique de Soane, incarné par Toki Pilioko, également Wallisien et pilier à Aurillac (Cantal) dans la vraie vie.

Pourquoi "Mercenaire"? "C'est ainsi que l'on appelle les joueurs étrangers qui viennent pour une saison dans un club pour le faire monter en division supérieure", a expliqué le réalisateur Sacha Wolff, 35 ans, ancien élève de la Femis venu du documentaire. "Mercenaire" est son premier long métrage de fiction.

"Même si Soane est Wallisien, Français, il va vivre la même situation qu'un joueur étranger, celle d'un apatride, d'un sans-famille", souligne le cinéaste.
"Je voulais faire un film sur le rugby, mais avec une dimension sociale et collective. On parle trop souvent du rugby professionnel, celui qui brille, et moins de la vie de petits clubs où il y a de plus en plus de joueurs étrangers",
explique-t-il encore.

Le choix de Sacha Wolff s'est porté sur un joueur wallisien après une rencontre avec Laurent Pakihivatau, Wallisien et pilier professionnel au Lyon Olympique Universitaire (LOU), qui incarne dans le film Abraham, un recruteur mafieux.
"Cette rencontre-étincelle a déclenché chez moi l'envie de parler du quotidien de joueurs français venus du bout du monde plutôt que de celui de joueurs étrangers".

"Une tronche de rugbyman, ça raconte plus que n'importe quel dialogue", s'amuse Sacha Wolff.

'Pas un film d'ethnologue'

Le film commence par une scène en Nouvelle-Calédonie, où vit Soane comme de nombreux Wallisiens. Il se fait battre par son père à coups de câbles électriques lorsque ce dernier apprend son départ.
"C'est une fiction, précise le réalisateur. Pour les Calédoniens, le départ en métropole d'un des leurs est vécu comme une fracture. J'ai choisi de le traduire d'une manière violente".
"Cette séquence est très importante, parce qu'on voit le poids de la tradition. Soane se soumet à la violence de son père alors qu'il est deux fois plus balèze que lui", insiste-t-il.

La violence, entrecoupée de quelques parenthèses d'humanité, est entretenue tout au long du film.

La France profonde dans laquelle plonge Soane, en particulier l'univers d'un petit club, n'est pas un long fleuve tranquille.
On découvre une face cachée du rugby, loin des clichés de camaraderie sportive et de troisièmes mi-temps festives, où dopage, précarité et oppression le disputent au racisme.

"Je voulais casser l'image de paradis que se font les Wallisiens de la métropole. Et inversement, l'image de paradis que ce font les Français de la Nouvelle-Calédonie" , explique le réalisateur.
Mais "ce n'est pas un film d'ethnologue", se défend Sacha Wolff, malgré son long travail de recherches dans l'île comme dans les petits clubs français. "L'ethnologie, ça aurait été de raconter les peuples d'ailleurs expliqués aux blancs".


A Noumea, ou le film est sorti la semaine dernière, on a enregistré des records de fréquentation, dépassant en nombre d’entrées les plus grands films internationaux. Frédéric Mougeon , directeur de Pacific Film à Papeete, se dit enthousiaste de cette sortie. « C’est un film rare, qui parle des îles du Pacifique, du rugby…même s’il s’agit d’une fiction et non d’un documentaire, il aurait sa place en « hors compétition » du prochain FIFO », estime-t-il.




La Bande Annonce


Rédigé par () le Mercredi 12 Octobre 2016 à 14:36 | Lu 2704 fois