Médecins généralistes et spécialistes en grève contre la loi santé


Paris, France | AFP | mercredi 24/12/2014. "Une semaine sans médecins libéraux": les syndicats de généralistes et spécialistes annonçaient une grève très suivie mercredi, estimant à 70% en moyenne le taux de cabinets fermés pour contester le projet de loi santé de la ministre, Marisol Touraine.

"Dans une majorité de régions, le taux de cabinets fermés atteint 80%, voire 90%, en Alsace, Bretagne, Centre..." a annoncé mercredi le président de la Confédération des syndicats médicaux français (CSMF, généralistes et spécialistes) Jean-Paul Ortiz, lors d'un point presse.

En moyenne, selon lui, "70% de (ses) confrères, toutes spécialités confondues" étaient en grève, une mobilisation "historique", qui devrait "s'amplifier" jusqu'au 31.

Difficile pour autant d'évaluer l'ampleur du mouvement, d'une part parce que les médecins libéraux ne sont pas obligés de déposer un préavis, d'autre part parce que les fermetures peuvent coïncider avec les congés des praticiens.

Contacté par l'AFP, le ministère de la Santé confirmait à la mi-journée qu'il était "très compliqué" de fournir des chiffres sur le sujet.

A ceux qui moquent une "grève Courchevelle", M. Ortiz rétorque qu'"en général, les médecins, parce qu'ils ne sont pas idiots, ne partent pas quinze jours en vacances" à Noël.

Aux revendications tarifaires des libéraux - les généralistes demandant une consultation à 25 euros, les spécialistes la revalorisation des actes - s'ajoute la contestation du projet de loi santé, dont certains, comme l'Union française pour une médecine libre, demandent "le retrait pur et simple".

En cause, la généralisation du tiers payant d'ici à 2017, une mesure "inutile", "coûteuse" et "irréaliste", selon M. Ortiz. Les plus pauvres bénéficient déjà d'une dispense d'avance de frais lors des consultations, et les contraintes techniques du dispositif sont trop lourdes, fait-il valoir.

Egalement dans la ligne de mire des médecins, le pouvoir accru des agences régionales de santé (ARS), chargées d'assurer la politique sanitaire nationale sur les territoires, synonyme selon eux d'"étatisation" de la santé.

"Le fil rouge de cette loi de santé, c'est d'organiser la médecine de proximité par les ARS" assure M.Ortiz, en référence au service territorial de santé défini dans le projet de loi, et qui fait craindre aux médecins la fin de leur liberté d'installation.

Les ARS pourront par exemple subordonner l'attribution de subventions à la participation à ce service territorial de santé, destiné à répondre aux besoins du territoire et favoriser la coopération entre professionnels.


"Réquisitionné le 31 "



"C'est une bureaucratisation et une administration de la médecine libérale avec l'hôpital au milieu",
juge Jean-Paul Ortiz, qui redoute l'exclusion des établissements privés du nouveau service public hospitalier.

Une inquiétude partagée par la Fédération de l'hospitalisation privée (FHP), qui appelle à la fermeture des cliniques à partir du 5 janvier.

Mardi, la CSMF dénonçait "les préférences affichées du gouvernement", Marisol Touraine étant parvenue à un accord avec les urgentistes qui ont levé un préavis de grève illimité au bout de 24 heures et obtenu des avancées sur leur temps de travail.

Le même jour, les généralistes étaient appelés à garder porte close par leurs principaux syndicats, MG France se félicitant d'un taux de mobilisation de 80%.

De nombreux syndicats de spécialistes (cardiologues, radiologues ou pédiatres) se sont joints au mouvement, mais "il y a des spécialités qui seront plus visibles que d'autres", explique Patrick Gasser, président de l'Umespe, branche spécialiste de la CSMF. Par exemple, "impossible de faire fonctionner les maternités sans pédiatre", prévient-il.

La grève des libéraux a ainsi des répercussions dans les établissements de soins privés, assure Jean-Paul Ortiz, annonçant la fermeture de "100% des cliniques et centres de radiologie dans le Languedoc-Roussillon", à Nancy ou encore Metz.

Mais dans les services d'urgence, la vigilance est renforcée, et les agences régionales de santé peuvent réquisitionner les grévistes pour assurer la continuité des soins promise par la ministre.

Ainsi, l'association SOS Médecins, en grève du 29 au 31 décembre, est réquisitionnée du 24 au 6 janvier, selon la CSMF.

Les praticiens ne dérogeront pas à leur devoir, promet M.Ortiz, lui même "réquisitionné le 31 décembre".

Pour l'heure, Marisol Touraine exclut de répondre aux libéraux avant la rentrée, quand seront relancées les discussions sur la réécriture du texte, dont l'examen a été reporté à avril.

Rédigé par AFP le Mercredi 24 Décembre 2014 à 06:00 | Lu 395 fois