Marine Le Pen, la dernière carte du vieux lion


PUNAAUIA, 3 mai 2017 – A trois jours du second tour de l’élection présidentielle, Gaston Flosse a réitéré, mercredi face à la presse, son appel à voter pour la candidate d’extrême droite Marine Le Pen.

Rendez-vous était donné, mercredi matin, à la permanence Tahoera’a Huiraatira de Punaauia. Une habitation vieillotte, copieusement repeinte en orange, en bordure de route vers le PK 15. Depuis qu’il a quitté ses locaux de l’immeuble Juventin à Papeete, le parti de Gaston Flosse se trouve en quelques sortes sans domicile fixe. Mercredi matin, le vieux lion était entouré de six des 16 représentants du groupe orange à l’assemblée (Teura Iriti, Elise Vanaa, Gilda Vaiho, Sandra Levy-Agami, Michel Leboucher et Marcel Tuihani) et d’une quinzaine de militants. A trois jours du second tour de la présidentielle, il s’agissait une fois encore d’appeler au vote Marine Le Pen.

"C’est la seule qui, par écrit, s’est engagée à aider la Polynésie ainsi que nous le demandons dans le programme de nos trois députés. Elle s’est engagée à respecter leur profession de foi", a défendu Gaston Flosse. Un peu plus tôt il justifiait ce soutien en évoquant la lettre adressée par la Marine Le Pen, le 13 mars dernier, valant à ses yeux engagement écrit de la candidate frontiste à favoriser l’évolution du statut d’autonomie de la Polynésie française vers celui de Pays associé à la République. Un courrier dans lequel la candidate d’extrême droite promet "solennellement" de "remettre en application l’ensemble des mesures décidées, en son temps, par Jacques Chirac". Une promesse floue dans laquelle Gaston Flosse veut voir celle d’un rétablissement de la dette nucléaire à 18 milliards Fcfp par an et d’un retour de l’Etat au financement du Régime de solidarité de la Polynésie française (RSPF).

Intérêts personnels

Pour le leader autonomiste, l'éventualité d'une élection de Marine Le Pen à la présidence de la République le 7 mai prochain est aussi porteuse de belles promesses au plan personnel. Il purge, jusqu'au 23 juillet 2017, une peine de 3 ans de privation de ses droits civiques et civils suite à sa condamnation définitive dans l'affaire des emplois fictifs. Il se trouve par ailleurs condamné à 2 ans supplémentaires d’inéligibilité depuis le 5 mars 2016 pour détournement de fonds publics dans l’affaire du Service d’études et de documentation (SED), et devra accomplir cette autre peine après avoir purgé la première, selon le parquet général de Papeete. Dans cette perspective, il ne pourrait se présenter aux territoriales de 2018. Gaston Flosse est enfin condamné définitivement depuis le 25 avril 2017 dans une affaire de gestion de fait (emplois cabinet) à rembourser, solidairement avec 21 complices, la somme de 231,5 millions Fcfp de débets au budget du Pays. Son avocat a annoncé, la semaine dernière, avoir engagé un recours gracieux auprès du ministère du Budget à Bercy.
Le vieux lion l'affirme, il demandera à être gracié de toutes ces peines au prochain chef de l'Etat. Son espoir réside en Marine Le Pen qui, élue, se trouverait en position d'agir d’une manière ou d’une autre en influençant la justice dans l’intérêt d'un Gaston Flosse qui n'aura pas ménagé ses efforts pour la soutenir en Polynésie. La candidate frontiste apparaît au fond, dans cette perspective, comme la dernière cartouche du leader autonomiste de 86 ans.

Ce second tour de la présidentielle sera aussi l'opportunité d'un comptage de popularité, à trois semaines du premier tour des législatives, sur fond de bras de fer entre pro-Fritch et pro-Flosse dans le camp autonomiste.

Le 23 avril dernier, le vote Marine Le Pen a réuni 24 604 suffrages sur la Polynésie française. Il est arrivé en deuxième position derrière le vote François Fillon (26 679 voix) soutenu par le Tapura Huiraatira d’Edouard Fritch. Le vote Macron a totalisé 11 119 voix sur l’ensemble de la collectivité. Il a reçu depuis le soutien du Tapura Huiraatira pour le second tour. Malgré tout, Gaston Flosse "pense réellement" que le vote Marine Le Pen l'emportera en Polynésie française, samedi.

"Nous soutenons Marine Le Pen pour la présidence de la République. Point !"

Les Polynésiens ne connaissent pas Marine Le Pen. Voter Marine Le Pen est-ce voter Gaston Flosse ?

Gaston Flosse : Je n’ai pas dit ça. Je n’ai jamais dit ça. Voter Marine Le Pen, c’est voter pour la Polynésie française. Oui, ça je l’ai dit. Tous les engagements qu’elle a pris pour la Polynésie, y-compris sur le projet de statut de Pays associé à la République sont à l’avantage de la Polynésie. Gaston Flosse, il n’est que de passage. Et encore, il ne lui reste plus que quelques mois.

Vous dites vouloir faire une demande de grâce présidentielle, concernant vos peines d’inéligibilité, quel que soit le prochain chef de l’Etat. Marine Le Pen élue, si celle-ci vous était refusée, quelle serait votre réaction ?

Gaston Flosse : D’abord c’est mon droit de le demander. Pour quelle raison me priverai-je de ce droit-là ? Si Marine Le Pen, pour des raisons valables refuse de m’accorder… Eh bien, on acceptera.

Ne regretterez-vous pas alors d’avoir fait campagne pour elle ?

Gaston Flosse : Non, jamais de la vie. Je ne regrette pas parce que j’espère qu’elle va être élue. Et ce sera vraiment un bon considérable pour la Polynésie dans ses relations avec la France.

Combien de suffrages avez-vous pronostiqué de recueillir en sa faveur, samedi prochain ?

Gaston Flosse : Je suis persuadé que le score de samedi prochain sera plus important que celui du premier tour. Je le sens dans les tournées que nous faisons. Nos présidents de fédérations, les responsables sont sur le terrain presque tous les jours. Tous les soirs nous tenons des réunions publiques.

Estimez-vous être en mesure de battre le vote Macron ?

Gaston Flosse : Oui, je le pense réellement. Il n’y a eu qu’un écart de 2000 voix. Le nombre d’abstentionnistes a été considérable. Mais c’est vrai que nous n’avons pas les mêmes moyens (…). Nous nous arrivons avec la bonne parole et notre volonté, notre foi dans cette femme qui va faire gagner la France et la Polynésie. Si la France va bien, la Polynésie ira bien. Si la Polynésie va mal, et n’a jamais été aussi mal qu’aujourd’hui, c’est parce que M. Hollande a été un mauvais président.

Vos candidats aux législatives font aujourd’hui campagne pour Marine Le Pen. Elus, siègeront-ils à l’assemblée nationale aux côtés des élus Front national ?

Gaston Flosse : Non, non. Nous n’avons aucun accord avec le Front national. Nous soutenons Marine Le Pen pour la présidence de la République. Point ! Nos candidats se présenteront sous l’étiquette Tahoera’a Huiraatira. Le moment venu, je vous assure que l'on va courir après les trois députés Tahoera’a Huiraatira.

Les élus Tahoera’a pourraient-ils se rapprocher du groupe Front national à l’assemblée nationale ?

Gaston Flosse : Il n’y a plus de Front national. Elle est en congé du Front national. Il n’y a plus de Front national. Il ne faut pas parler de quelque chose qui n’existe plus.

Rédigé par Jean-Pierre Viatge le Mercredi 3 Mai 2017 à 15:24 | Lu 6835 fois