Mariage pour tous : l'imposer en Polynésie serait "agir en néocolonialistes" pour Edouard Fritch


Edouard Fritch intervient à l'assemblée nationale sur le mariage pour tous.
PAPEETE, mardi 5 février 2013. Les députés poursuivent, à l’assemblée nationale, l’examen projet de loi sur le mariage et l'adoption pour les couples de personnes de même sexe. Le débat a été entamé le mardi 29 janvier et le scrutin solennel sur ce texte, est prévu pour la semaine prochaine, le mardi 12 février à 16h15. Au cours de la semaine dernière, parmi les trois députés polynésiens, seul Edouard Fritch était présent au sein de l’hémicycle. Le député de la 1ere circonscription de Polynésie est intervenu à trois reprises durant les séances publiques.

Vendredi dernier, le 1er février dans la première séance de la journée, Edouard Fritch a tout d’abord pris la parole pour repositionner ce vaste débat de société à la lumière de l’évolution sociétale polynésienne. Il déclarait ainsi pour s’opposer à l’article 1er de ce projet de loi : «La Polynésie française a été colonisée par les Français au XIXe siècle et, plus précisément, comme ce fut le cas avec les Anglais, qui étaient déjà présents, par des missionnaires religieux. Ils ont été les porteurs de la civilisation française, riche en valeurs de toutes sortes que les Polynésiens ont faites leurs. L’une de ces valeurs est le christianisme, à telle enseigne que le 5 mars, date de l’arrivée de l’Évangile en Polynésie, est un jour légalement férié chez nous. De par sa culture propre, la Polynésie est restée largement étrangère à certaines évolutions de la société française, notamment à l’émergence du militantisme public des mouvements visant la reconnaissance des personnes homosexuelles. Ceci peut aisément se comprendre, du fait que les homosexuels sont pour la plupart parfaitement intégrés dans la culture traditionnelle et moderne polynésienne et qu’ils n’ont jamais milité pour la reconnaissance d’un statut particulier lié à leur orientation sexuelle. Ce sont des hommes et des femmes comme nous, et non à part. Il est d’ailleurs notable que la revendication du mariage pour tous n’a pas véritablement trouvé d’écho en Polynésie.
Dans ce contexte, la loi sur le mariage pour tous – d’autant qu’elle n’a pas fait chez nous l’objet d’un débat de fond par des spécialistes, qui auraient pu préparer les esprits à une évolution non revendiquée et venue de l’extérieur – apparaît comme une rupture avec l’équilibre ancestral de la société polynésienne et prend le risque de heurter profondément les consciences. L’imposer serait agir en néocolonialistes : cela servirait les partisans de l’indépendance et, en particulier, l’actuel président de la Polynésie qui ne cesse de montrer du doigt la France à l’ONU, à cause de tels comportements
».

Edouard Fritch réitérait, le même jour en deuxième séance sa position de façon plus sobre
: «Je souhaite revenir sur le principe d’égalité entre les couples homosexuels et les couples hétérosexuels. Nous le savons tous, la situation est différente au regard de la transmission de la vie, et c’est là tout le sens du mariage : mariage entre un homme et une femme qui désirent fonder une famille. C’est la reconnaissance d’une présomption de paternité et de filiation qui aboutit à la construction d’une famille fondée sur l’altérité sexuelle. Le mariage est lié à la fondation d’une famille laquelle constitue le socle de notre société. La question du mariage ne peut se résumer à une question d’égalité et de modernité».
Enfin, lors de la première séance à l’assemblée nationale du samedi, le 2 février, Edouard Fritch sortait totalement du sujet du mariage pour tous, pour aborder celui du tourisme matrimonial : «Je voudrais rebondir sur l’intervention de notre rapporteur, qui parlait de tourisme nuptial en Polynésie française. C’est aussi le cas en Nouvelle-Calédonie et dans d’autres collectivités d’outremer. Nous sommes en effet victimes d’une demande forte de couples japonais et asiatiques qui souhaitent se marier les pieds dans l’eau. Il a bien fallu adapter les règles du mariage à ces personnes, car il s’agit naturellement pour la Polynésie d’un enjeu économique, dans la mesure où le tourisme est la première ressource de nos territoires».
Notre discussion d’aujourd’hui a le mérite de mettre en lumière la rigidité de notre droit, que nous sommes obligés d’adapter pour répondre à la demande de ces personnes. Nous avons parlé de l’alliance ou de l’union civile, pourquoi ne pas créer un dispositif spécifique pour ces personnes, qui ne viennent pas chez nous pour bénéficier des droits français mais pour des raisons purement touristiques ? Le sujet mérite que l’on y réfléchisse
».

Depuis lundi, Edouard Fritch a passé le relais sur ce texte sensible à Jean-Paul Tuaiva. Dans un communiqué de presse rédigé ce mardi 5 février, le député de la 3e circonscription précise qu’il sera sur place pour le vote de la loi sur le mariage pour tous. Mais, jusqu’ici, Jean-Paul Tuaiva n’a pas pris la parole dans l’hémicycle. D’ailleurs dans son communiqué de presse, il insiste davantage sur ces rendez-vous extraparlementaires. Ainsi, il assistera demain, le mercredi 6 février à une réunion pour le lancement de l’Institut de l’économie circulaire et jeudi, le 7 février, il sera présent au colloque annuel du Syndicat des Energies Renouvelables qui aura pour thème cette année la transition énergétique et il visitera le salon de l’entrepreneur qui se déroule à Paris, les 6 et 7 février.



Retrouver l' intervention du 1er février 2013 vd'Edouard Fricth en vidéo sur le site Internet de l'assemblée nationale en cliquant ici


Rédigé par Mireille Loubet le Mardi 5 Février 2013 à 15:23 | Lu 2734 fois