Marchés publics : tous logés à la même enseigne


Le Pays et les communes seront soumis aux procédures des marchés publics mais leur seuil est différent.
PAPEETE, le 30 mars 2016. Les représentants du CESC ont approuvé ce mercredi à l'unanimité (avec quelques recommandations supplémentaires) le projet de loi du Pays portant le code polynésien des marchés publics. A partir de janvier 2017, le code des marchés publics pourrait donc être le même pour le Pays et ses établissements publics et les communes. Il faudra attendre néanmoins le passage du projet de loi du Pays devant l'assemblée polynésienne.

Harmonisation et régularisation sont les maîtres mots de ce projet de loi du Pays. Dans l'exposé des motifs de ce projet du gouvernement polynésien on peut lire : "l'innovation majeure résulte de l'inclusion des établissements publics industriels et commerciaux (Epic) dans le champ d'application de la réforme". En effet, le code des marchés publics en vigueur actuellement -et qui n'a pas été revu en dépit de la loi organique statutaire de 2004- exclut pour l'instant ces établissements publics de son champ d'application. Malgré tout, quatre Epic sur les neuf que compte la Polynésie française appliquent le code des marchés publics de 1984 "en vertu d'une disposition particulière de leur texte institutif". Un code des marchés publics largement inspiré de ce qui se fait en métropole, alors qu'il a été modifié au moins une quinzaine de fois depuis. Dans une petite note en bas de page du document exposant les motifs de la loi du Pays présentée par le gouvernement on apprend aussi que "l'Office des postes et télécommunications bénéficie quant à lui d'une réglementation de ses marchés qui lui est propre". Bref, il était temps probablement d'harmoniser le code polynésien des marchés publics afin que les entreprises puissent y répondre rapidement et facilement, sans se perdre dans des procédures spécifiques et différentes selon le donneur d'ordres qui lancent les appels.

Dans le sens également d'une réponse plus aisée des petites et moyennes entreprises (PME) voire même des très petites entreprises (TPE) à un appel d'offres de marché public, le projet de loi de Pays permet de diviser un marché en plusieurs lots. "L'allotissement qui consiste à scinder les prestations objet d'un marché en différents ensembles homogènes et autonomes susceptibles d'être attribués séparément, est désormais érigé en principe afin de susciter une plus large concurrence entre les entreprises et leur permettre, quelle que soit leur taille d'accéder à la commande publique" précise l'exposé des motifs du projet de loi. "Cette unification des règles applicables à la passation et à l'exécution des marchés publics de la Polynésie française, des communes ainsi que leurs démembrements est souhaitable afin de simplifier les rapports avec les entreprises qui se verront désormais appliquer un corps de règles identiques". Ce travail de simplification entamée depuis janvier 2015 par le gouvernement arrive désormais à terme. Si les représentants du CESC ont souligné, ce mercredi, la clarté de ce projet de loi du Pays qui permet une refonte complète du code des marché publics, leur avis présente néanmoins quelques observations et critiques.

ABSENCE DE CONTRÔLE ?

Le principe du recours à la division des marchés publics en différents lots afin que des PME voire même des TPE participent à la commande publique a été apprécié par le CESC. Néanmoins, les représentants de la 4e institution du Pays insistent pour que la chambre de commerce et d'industrie puisse mettre en place des formations à destination des chefs d'entreprise afin qu'ils maîtrisent "les démarches qui actuellement sont très peu connues par les PME et TPE du territoire". Dans le débat de la séance plénière ce mercredi au CESC, Sébastien Bouzard du syndicat polynésien des entreprises et prestataires de services (Speps) soulignait cependant que l'une des principales causes de frilosité des PME à répondre à un appel d'offres public tenait surtout aux délais de paiement, le plus souvent à 90 jours, "un frein pour répondre aux appels d'offres".

La critique principale néanmoins porte sur "l'absence d'une autorité de contrôle et de régulation". Dans l'avis, le CESC rappelle que la commission consultative des marchés (CCM) en vigueur aujourd'hui est remplacée par des commissions d'appel d'offres (CAO). Mais, ces nouvelles commissions ne sont pas "investies des missions de contrôle actuellement dévolues à la CCM". Une inquiétude des représentants du CESC qui a été confirmée par les différents interlocuteurs auditionnés par la commission "Economie" de l'institution. Il manque dans le projet de loi du Pays, une entité au sein du Pays qui serait chargée "d'assurer la coordination des CAO, mais aussi la veille juridique par rapport à la législation nationale et à la jurisprudence".

Autre incongruité du texte du gouvernement soulevé par un représentant du CESC et qui n'a pas trouvé d'explication, le fait que certains marchés publics sont dispensés des procédures adaptées. Il en va ainsi des prestations de services juridiques (conseil juridique, représentation en justice) ainsi que les prestations de service de formation.



Des obligations de publicité variables en fonction du montant des marchés

- Dispense de procédures : jusqu'à trois millions de francs (hors taxes). Ce seuil de dispense de concurrence "ne doit pas contribuer à former une zone d'achat public dans laquelle toute forme de concurrence serait systématiquement bannie".

- Entre 3 et 15 millions de francs : une publicité adaptée. Cette publicité OBLIGATOIRE ne signifie pas nécessairement parution dans un journal d'annonces légales. Courriels, sites internet, courriers aux entreprises du secteur visé, affichage en mairie etc…


- Au-delà de 15 millions francs : un support de publicité imposé, via les annonces légales.


Procédures normalisées

Au-delà d'un certain montant de travaux, de prestations ou d'achats de matériel, en plus de la publicité qui doit être effectuée, l'acheteur public devra avoir recours à l'une des quatre procédures formalisées suivantes :
• L'appel d'offres (qui est la procédure de droit commun) dans laquelle l'acheteur public choisit l'attributaire, sans négociation, sur la base de critères objectifs préalablement portés à la connaissance des candidats.
• La procédure négociée au cours de laquelle l'acheteur public négocie les conditions du marché avec un ou plusieurs opérateurs économiques.
• La procédure de dialogue compétitif : l'acheteur public conduit un dialogue avec les candidats admis à participer en vue de définir ou de développer une ou plusieurs solutions de nature à répondre à ses besoins.
• Le concours : l'acheteur public choisit après une mise en concurrence et avis du jury, un plan ou un projet, notamment dans le domaine de l'aménagement du territoire, de l'urbanisme, de l'architecture et de l'ingénierie ou des traitements de données avant d'attribuer le marché à l'un des lauréats du concours.

Avec la nouvelle loi du Pays sur le code des marchés publics, le seuil (hors taxes) des procédures normalisées resterait comme il l'est aujourd'hui à 35 millions de francs pour le Pays, mais passerait à 20 millions de francs pour les communes (il est actuellement de 5 454 454 Fcfp).

La grande nouveauté dans ces procédures normalisées introduite dans le projet de loi du Pays est la création d'une commission d'appel d'offres (CAO) dont le rôle est élargi. Ces commissions "auront désormais vocation à intervenir dans toutes les procédures normalisées à l'exception du concours". En revanche, leur rôle est consultatif aussi bien pour la Polynésie française que pour les communes.

Rédigé par Mireille Loubet le Mercredi 30 Mars 2016 à 18:24 | Lu 1778 fois