Marcel Tuihani au 28e congrès des maires : "Sans moyens, l’action véritable est illusoire"


PAPEETE, 1er août 2017 - Le 28e congrès des maires de Polynésie française s’est ouvert aujourd’hui à l’école Fareroi de Mahina. Le congrès a pour thème cette année : "bilan à mi-mandature et feuille de route à horizon 2020 pour les communes polynésiennes". Le président de l’Assemblée, Marcel Tuihani a été invité par le président du SPCPF, Cyril Tetuanui, organisateur du congrès à s’exprimer sur cette thématique, aux côtés du vice-président du Pays, Teva Rohfritsch, et du Haut commissaire de la République, René Bidal.

Etaient également présents dans le public le président du CESC, les sénateurs de la Polynésie française ainsi que les élus de l’Assemblée.
Le maire de Mahina est d’abord intervenu pour accueillir les invités dans sa commune, rappelant le souhait de celle-ci de sortir de l’isolement en mettant en place des partenariats durables, évoquant la notion de "ramer dans le même sens".

Dans son discours le président Tuihani a ensuite souligné que "Sans moyens, l’action véritable est illusoire". Les moyens des communes et la fiscalité communale en particulier sont l’épicentre des enjeux : "L’autonomie des communes est au cœur de leur développement et de leur capacité à répondre aux compétences qu’elles doivent assumer. Etant moi-même élu municipal à Paea, je comprends la volonté des maires, face à une pression toujours plus forte, de se doter de moyens financiers stables et pérennes. Si nos communes peuvent percevoir des centimes additionnels, telle que la taxe sur l’électricité ou la taxe de séjour, les maires attendent davantage en matière de fiscalité communale…", faisant référence au projet de loi de Pays en préparation sur la fiscalité communale.

Le président de l’Assemblée a également évoqué les inégalités qui demeurent entre les communes. Il s’est dit favorable à la mise en place d’une continuité territoriale : "Une telle disposition a du sens, et nécessairement un coût. Il faut en définir le cadre et les moyens qui peuvent être dégagés pour sa mise en œuvre. C’est la vocation du schéma d’organisation du transport maritime et insulaire que de traiter ces problématiques. Derrière la desserte, il y a celle essentielle du développement économique et du maintien des populations dans les iles. Cette question me semble au cœur de la feuille de route que vous souhaitez définir ensemble".

Marcel Tuihani a également salué la volonté du gouvernement de réduire la fracture numérique, et celle du SPC de former les cadres communaux et les maires aux nouvelles contraintes qui s’imposent à eux. "Je suis convaincu que nous devons poser un regard nouveau, adapter nos méthodes, et surtout ne pas perdre de vue que la finalité, c’est le citoyen. L’administré attend de nous que nous agissions. Il veut être traité de manière équitable et juste. Il veut des réponses à ses problèmes…", a encore dit Marcel Tuihani, pour qui la solution doit être recherchée dans "les synergies et la mutualisation des moyens".

Rappelant que les communes sont au premier plan des préoccupations quotidiennes des usagers, il a plaidé pour une meilleure reconnaissance de la place des communes : "Je considère les communes comme un partenaire majeur du projet de société que nous voulons construire pour notre Pays. Oui, la commune est au cœur de la proximité : proximité des attentes, proximité des services, proximité de la démocratie. En faire le constat est aisé, se donner réellement les moyens d’y répondre est une démarche qui nécessite une réelle volonté. Vous êtes réunis pour faire franchir un pas de plus à cette belle ambition. La récente inscription de Taputapuatea au patrimoine mondial de l’Unesco, que je salue, est l’illustration que lorsque nous sommes capables de nous unir, nous parvenons à triompher".

Suite à cette ouverture solennelle, le congrès des maires se poursuivra toute la semaine avec des débats et tables rondes qui permettront d’appréhender l’avenir du pays pour l’année 2020.

Le discours de Marcel Tuihani

Monsieur le Haut commissaire
Monsieur le président de la Polynésie française
Madame la sénatrice,
Monsieur le sénateur,
Mesdames et messieurs les députés,
Monsieur le président du CESC,
Monsieur le président du SPC,
Mesdames et messieurs les ministres,
Mesdames et messieurs les représentants, chers collègues,
Mesdames et messieurs les maires de nos communes de Polynésie,
Mesdames et messieurs les adjoints aux maires et les conseillers communaux,
Mesdames et messieurs les secrétaires généraux, chefs de service et cadres des communes,
Chers amis, Iaorana,


Monsieur le président du syndicat pour la promotion des communes, merci de me permettre de prendre la parole devant nos Tavana.
« Le bilan à mi-mandature et la feuille de route à l’horizon 2020 pour les communes polynésiennes » est le thème de ce 28e congrès. Je ne me livrerais pas à un inventaire exhaustif à mi-mandat mais je retiendrais quelques points.
Les élections municipales de 2014 ont été marquées par trois évènements forts ; les débats souvent vifs concernant les communes associées, la question de la fiscalité communale et la création d’un volet spécifique dédié aux communes dans le contrat de projet.
Pour les communes associées, la question du mode électoral a été tranchée. La loi de notre sénatrice Lana TETUANUI est désormais applicable aux prochaines élections. Elle prévoit que le maire délégué soit issu de la liste arrivée en tête dans la commune associée. Elle introduit également la parité. Cette loi permettra d’éviter les anomalies que nous avons connues en 2014.
Ces difficultés ont relancé le débat sur la place des communes associées. Les partisans de la défusion préconisent d’en faire des communes de plein exercice. D’autres semblent lui préférer le statut des communes nouvelles prévu dans la loi de décembre 2010 sur la réforme des collectivités territoriales.
Derrière ce débat se cache en réalité celui des moyens dévolus aux communes associées. J’ai cru comprendre que ce débat n’était pas tranché.
L’autonomie des communes est au cœur de leur développement et de leur capacité à répondre aux compétences qu’elles doivent assumer.
Sans moyens, l’action véritable est illusoire.
Etant moi-même élu municipal à Paea, je comprends la volonté des maires, face à une pression toujours plus forte, de se doter de moyens financiers stables et pérennes. Si nos communes peuvent percevoir des centimes additionnels, telle que la taxe sur l’électricité ou la taxe de séjour, les maires attendent davantage en matière de fiscalité communale.

Il me semble qu’un projet de loi de pays devrait être présenté à la prochaine session de l’assemblée. Si ce texte est toujours d’actualité, il devrait prévoir la création de deux taxes communales, l’une sur l’hydroélectricité et l’autre sur l’extraction des agrégats. Je note également que le pays n’a pas fermé la porte à l’idée d’un transfert progressif de l’impôt foncier vers les communes.
Hormis cette fiscalité embryonnaire, les communes dépendent principalement du FIP, de la DGF, de la DDC, et du nouveau volet communal au Contrat de projets 2015-2020. Le taux de participation du Pays aux investissements communaux atteint 55%, ce qui place le Pays comme l’un des principaux bailleurs de fonds des communes. Cela souligne aussi la dépendance des communes vis à vis de ces financements. En dépit de leur importance, ces montants s’avèrent insuffisants. En plus d’une fiscalité communale propre qui reste à inventer, il existe d’autres pistes. C’est ce qu’a souligné l’AFD récemment. Pour cet observateur, les communes polynésiennes n’empruntent pas assez pour compléter leurs besoins de financement.
Il est vrai aussi que toutes les communes n’ont pas la même capacité à emprunter, comme il est vrai qu’il existe une grande disparité entre les communes de la zone urbaine et celles des archipels. Elle est nécessairement source d’inégalités. Le manque de ressources financières et économiques, les difficultés de l’isolement, les contraintes de l’éloignement, la réalité de la dépopulation ne permettent pas aux communes de répondre de la même manière à l’attente de leurs administrés.
La récente loi sur l’égalité réelle ouvre la réflexion sur ces questions. Elle ne résout pas tout, mais elle a le mérite d’exister. Elle montre que cette égalité n’est pas un état de fait, mais qu’elle reste un objectif à atteindre. Chacun peut mesurer chez nous l’impact de l’éloignement.
Quand on paye un billet d’avion entre Tahiti et les Marquises plus cher qu’un billet régional, voir international, comment parler d’égalité ?
A titre personnel, je suis favorable à la mise en œuvre d’une véritable continuité territoriale au sein de la Polynésie française. Une telle disposition a du sens, et nécessairement un coût. Il faut en définir le cadre et les moyens qui peuvent être dégagés pour sa mise en œuvre. C’est la vocation du schéma d’organisation du transport maritime et insulaire que de traiter ces problématiques. Derrière la desserte, il y a celle essentielle du développement économique et du maintien des populations dans les iles. Cette question me semble au cœur de la feuille de route que vous souhaitez définir ensemble.
Je salue la volonté du gouvernement de réduire la fracture numérique. La mise en place du câble NATITUA vers les Tuamotu et les Marquises est un réel progrès qui en ouvrira d’autres.
Les questions de l’eau, de l’assainissement, ou encore celle du traitement des déchets sont récurrentes. Sur ces questions, les communes sont souvent les relais des politiques publiques initiées par le Pays. Ces services pèsent lourdement sur les budgets. C’est dans la complémentarité et les synergies que nous devons trouver les solutions. Elles doivent être abordées avec un esprit de mutualisation des moyens car elles sont de plus en plus au cœur des préoccupations de nos concitoyens. Je reste convaincu que les communautés de communes portent ces stratégies.
Les objectifs fixés dans le CGCT demeurent, même si leur application a été repoussée. Il faut réellement profiter du délai supplémentaire que nous avons pu gagner pour mieux nous préparer. Des moyens et des compétences, voilà sans doute ce qui résume les défis qui se posent aujourd’hui aux maires. Ils en ont pris le chemin et d’ailleurs un concours vient d’être ouvert pour le recrutement des cadres communaux. Je salue au passage le travail d’accompagnement exemplaire et souvent méconnu au profit des élus communaux effectué par le SPC avec ses équipes et son réseau de formateurs élus.
Les défis que nous devons relever sont nombreux et identifiés. Ils nécessitent une dynamique soutenue et une véritable volonté que partagent l’Etat et le Pays, les deux principaux partenaires des communes. Je suis convaincu que nous devons poser un regard nouveau, adapter nos méthodes, et surtout ne pas perdre de vue que la finalité, c’est le citoyen. L’administré attend de nous que nous agissions. Il veut être traité de manière équitable et juste. Il veut des réponses à ses problèmes.
Pour ma part, je considère les communes comme un partenaire majeur du projet de société que nous voulons construire pour notre pays. Oui, la commune est au cœur de la proximité : proximité des attentes, proximité des services, proximité de la démocratie. En faire le constat est aisé, se donner réellement les moyens d’y répondre est une démarche qui nécessite une réelle volonté. Vous êtes réunis pour faire franchir un pas de plus à cette belle ambition.
La récente inscription de TAPUTAPUATEA au patrimoine mondial de l’Unesco, que je salue, est l’illustration que lorsque nous sommes capables de nous unir, nous parvenons à triompher.
L’égalité réelle entre nos iles, en tous les cas la réduction des inégalités ; la continuité territoriale ; les problématiques sanitaires et environnementales, avec en particulier la fourniture de l’eau potable et le traitement des déchets ; la recherche des synergies et la mutualisation des moyens ; les communautés de communes, le statut des communes associées ; la fiscalité communale ; toutes ces questions sont autant de défis qui me semblent devoir faire partie de la feuille de route que vous entendez dessiner ensemble pour 2020.
Je ne doute pas de nos capacités, de notre détermination et de notre intelligence à y faire face.
Je vous remercie.

Rédigé par Communiqué officiel le Mardi 1 Aout 2017 à 08:36 | Lu 967 fois