Manu sur le front pour sauver le monarque de Tahiti


Un des jeunes monarques de Tahiti après son baguage. (Photo : Simon Saada et Manu SOP)
Tahiti, le 24 mars 2022 - Menacé par de nombreux dangers, provenant de la faune comme de la flore introduites, le monarque de Tahiti est l'un des oiseaux les plus en péril de Polynésie. C'est pour cette raison que l’association Manu mène une lutte sur plusieurs fronts à la fois et a récemment entrepris un programme de translocation des jeunes oiseaux afin de tenter de renforcer une des populations, trop consanguine. 
 
Faisant face à une prédation constante allant bien au-delà des ravages causés par le rat noir qui s'attaque directement aux œufs, le monarque de Tahiti est aujourd'hui en danger critique d'extinction. C'est pour cela que l’association Manu a fait de la protection du 'Omama'o l'une de ses missions prioritaires. La lutte plurielle pour sa protection entreprise depuis 2010 a permis de ré-augmenter les chiffres de sa population, passés de 36 individus en 2010 à 125 en 2021... Les actions à mener son ainsi nombreuses, mais efficaces que quand elles s'attaquent simultanément à l'ensemble de ces menaces, qu'elles soient animales ou végétales.  

Caroline Blanvillain, la responsable du programme, épaulée par le travail de suivi réalisé par Aimée Naveos. (Photo : Simon Saada et Manu SOP)

Anne et Mahana récupèrent de la terre pour la pépinière qui se trouve directement dans la forêt. (Photo : Simon Saada et Manu SOP)
La restauration de l'habitat 
 
L'un des aspects majeurs du programme de sauvegarde du monarque de Tahiti est la restauration de son habitat. Il s'agit notamment d'enlever certaines espèces envahissantes et de replanter des espèces indigènes afin de reformer son environnement originel. Depuis 2013, 3 000 plants ont ainsi été mis en terre, dont près de 400 plants d’espèces menacées d’extinction, en collaboration avec la Direction de l’environnement.
 
"95% de cet environnement naturel est envahi par le tulipier du Gabon [le pisse-pisse, ndlr]", explique Caroline Blanvillain, la responsable du programme en s'enfonçant dans la jungle. "C'est tout ce que l'on voit de rouge sur les pentes. Les monarques vivent dans le fond des vallées, donc on concentre notre travail dans ces zones spécifiques qui sont heureusement un peu plus accessibles.

Photo réalisée par l'une des caméras à déclenchement automatique, montrant un adulte et un jeune monarque en train de se nourrir.
La translocation contre la consanguinité
 
Mais les menaces animales et végétales ne sont pas les seuls dangers pour la survie du monarque de Tahiti. En effet, c'est un problème que tente de régler l'association en déplaçant un certain nombre de monarques d'une vallée à une autre. Pour renforcer par exemple la population déjà présente dans la vallée de Hopa à Paea, la plus vaste des trois dernières vallées dans laquelle le monarque est établi, mais où seuls sept individus subsistent, la SOP Manu a décidé d'y transférer au moins douze individus entre 2021 et 2023. Une action extrêmement importante, mais aussi compliquée due à la fidélité territoriale bien connue chez l'oiseau qui a tendance à revenir sur son territoire d'origine lorsqu'on le déplace. 
 
C'est donc le choix du transfert simultané de plusieurs jeunes tout juste émancipés qui a été fait, à raison de six jeunes par an pendant deux ans, extraits des vallées de Papehue et Maruapo. Une action délicate durant laquelle les membres de l'association ne veulent courir aucun risque quant à la capacité des jeunes à survivre seuls. Aimée Naveos, qui réalise un master EIO (Environnement insulaire Océanien) à l'Université de Polynésie française, aidée de deux biologistes, travaille ainsi sur le difficile suivi des jeunes monarques dans le cadre du stage qu'elle réalise au sein de la SOP. "On a trois jeunes monarques dans cette vallée que je suis depuis un mois et demi", explique l'étudiante. "J'ai suivi l'émancipation de ces jeunes oiseaux afin de savoir quand ils seront parfaitement autonomes vis-à-vis de la nourriture". Des mangeoires avec des insectes ont été installées un mois avant les captures pour que les jeunes s’y habituent et soient en bonne condition physique.
 
Les captures se sont par la suite très bien déroulées, avec quatre jeunes capturés à l'aide de filets. Les captures ont été réalisées le matin et les oiseaux ont été relâchés après environ quatre heures passées dans une boite de transport, dans lesquelles ils ont mangé des insectes mis à disposition Avant d’être relâchés, les volatiles ont également étés marqués avec des bagues couleur puis équipés d'émetteurs VHF pour faciliter leur suivi. "Nous avons eu le dernier signal VHF cinq jours après le relâché, dans le flanc de la vallée, mais nous ne désespérons pas de les retrouver ! En tout cas, cette grande première nous aura appris plein de choses et nous sommes prêts pour la prochaine session en décembre prochain", confie Caroline Blanvillain, la responsable du programme.

Aimie munie de l’antenne et du récepteur VHF permettant de détecter le signal émis par les émetteurs posés sur les oiseaux. (Photo : Simon Saada et Manu SOP)

Rédigé par Simon Saada le Vendredi 25 Mars 2022 à 16:29 | Lu 1573 fois