Manihi Lefoc revient avec une 3e édition du VAI


TAHITI, le 16 mars 2022 - Manihi Lefoc a grandi à Raiatea. Elle est consultante en alimentation-santé et gérante de la société Asae Conseil (Agir pour la santé et l'avenir de nos enfants). Titulaire d'un master en Sociologie de l’Alimentation, Manihi Lefoc œuvre, depuis 2007 au fenua, pour une alimentation plus raisonnée. Elle organise cette année son troisième Village de l’alimentation et de l’innovation.

Après des études en biologie à l’université de la Polynésie française (UPF), Manihi Lefoc a obtenu un master en Physiologie et Biologie cellulaire à Toulouse. "J’adorais ce que j’apprenais." Elle envisageait une carrière dans dans le domaine de la biologie, mais ses professeurs polynésiens l’ont encouragée à emprunter une autre voie. "Ils me disaient qu’il n’y avait pas de place." Elle a donc suivi un second master, en sociologie de l’alimentation. Le responsable de ce master travaillait alors sur le comportement alimentaire et la représentation du corps en Polynésie. Cela l’a interpellée. Pour elle, il a alors été question d’économie de l’alimentation, de marketing et "de tout un tas de choses passionnantes".

En 2005, master en poche, Manihi Lefoc est rentrée à Tahiti. Elle a trouvé un poste à durée indéterminée en management et organisation. Une place confortable, mais qui n’a pas résisté à l’appel de ses premières amours. "J’ai démissionné au bout de deux ans et suis devenue professeur en santé et environnement". Deux ans plus tard, elle était appelée pour un poste de conseillère technique en santé et alimentation dans un ministère. "J’ai eu à gérer par exemple des séminaires de professeurs des écoles au cours desquels je me suis aperçue qu’on avait tout, mais qu’il manquait les connexions entre les différents acteurs."

édition 2019 Atelier culinaire avec Gabriel Levionnois & Dominique Wing-Ka.
"Mettre en place des cercles vertueux"

Au sein des différents gouvernements du fenua, elle a engrangé de l’expérience grâce à différentes missions. En 2013, elle a participé au projet pilote visant à intégrer plus de produits locaux dans les cantines. Elle a avancé avec les chefs de restaurants et chefs de restaurants scolaires, réfléchissant aux moyens de tenir les prix, de garantir l’approvisionnement et de limiter le gaspillage alimentaire.

L’année suivante, un projet de potager dans les établissements scolaires a vu le jour. Pour Manihi Lefoc, bien manger est un tout qui ne se résume pas à finir une assiette de légumes. Il faut savourer, pouvoir décrire les goûts, les apprécier, savoir d’où viennent les produits, ce qu’ils apportent... Et pour apprendre tout cela, il faut du temps. "Il ne faut pas confondre vitesse et précipitation, il faut accepter de se tromper puis d’ajuster ses idées, il faut persévérer pour mettre en place des cercles vertueux."

Un Village et des classes

En août 2015, Manihi Lefoc a fondé Asae conseil (Agir pour la Santé et l’Avenir de nos Enfants), afin de mettre à profit son expérience sans contrainte. Elle a fondé dans la foullée le Village de l’alimentation et de l’innovation (VAI), en 2017. Un projet qu’elle a présenté au concours Les Nids d’or de la Fondation Nestlé. Celui-ci encourage chaque année les initiatives nouvelles dans le domaine des bonnes pratiques alimentaires. Le VAI a été remarqué. La fondation Nestlé a octroyé un prix de 10 000 euros, soit environ 1,2 million de Fcfp pour sa concrétisation. Manihi Lefoc, ravie de cette reconnaissance, a néanmoins refusé l’offre, souhaitant rester indépendante et libre de ses actions. Elle a voulu rester cohérente pour elle-même et pour ses partenaires. "Je ne voulais pas qu’une marque en particulier soit associée au village."

Par ailleurs, elle travaille auprès des établissements scolaires et des acteurs de la restauration scolaire. Elle a lancé ses premières "classes du goût polynésiennes" l’année scolaire 2018-2019. "Elles consistent en une approche sensorielle de l’alimentation. Elles prennent la forme de petites expériences, menées sur le temps scolaire, avec des enseignants volontaires", explique Manihi Lefoc qui va au contact des élèves, apporte un peu de théorie et propose beaucoup de pratique. Elle veut apprendre aux enfants à mieux comprendre le fonctionnement de leur sens pour les utiliser à dessein et savoir s’en méfier. Elle enrichit le vocabulaire des plus jeunes, les invite à décrire ce qu’ils ressentent pour mieux apprécier ce qu’ils consomment. "Cela permet d’élargir leur palette gustative et de réduire la néophobie alimentaire."

"Proposer sans jamais imposer"

Des classes ont déjà pu bénéficier de ces classes du goût. Les élèves ont profité d’un programme de neuf séances. À chaque séance ils ont observé, décrit, goûté, testé, manipulé, ils ont développé leur connaissance du patrimoine culturel culinaire. Ces séances ont eu, les enseignants l’ont constaté, un impact sur les familles des élèves. "Les enfants comprennent vite, ils sont toujours très enthousiastes. Mais dans tous les cas, et quel soit le public, le secret est d’entretenir, de soutenir, d’accompagner. Il faut proposer sans jamais imposer." Le projet a été freiné par la crise Covid. Il reste dans un coin de sa tête, d’autant qu’en Nouvelle-Calédonie, il a été lancé et s’est inscrit dans le temps.

Lorsqu’elle intervient dans le milieu scolaire, elle cherche à faire comprendre par exemple comme les préférences alimentaires se construisent car "ce n’est pas parce que l’on met plus de légumes dans une assiette que les enfants en mangeront plus". Il faut trouver les moyens de les inviter à goûter puis à apprécier ce qui compose leur repas, en d’autres termes : "Donner envie".

En parallèle à tous ses projets, elle a mené une étude à la demande de la Direction de l’agriculture sur la restauration scolaire et l’utilisation de produits locaux. Elle a sillonné les archipels pour récolter des situations de terrain. Elle a pu constater, non sans un certain contentement, l’intérêt que portaient les établissements sur le sujet, une meilleure compréhension des enjeux, des initiatives également lorsque c’était possible. "Évidemment, il est plus facile de donner des fruits frais à des enfants aux Marquises qu’aux Tuamotu", illustre-t-elle. Mais aux quatre coins de la Polynésie, des chefs sont conscients de devoir travailler plus de produits locaux et d’offrir aux élèves des repas en lien avec leur environnement.

Edition 2019 du VAI.
Un Village pour revenir à l'essentiel

Le Village de l’alimentation et de l’innovation (VAI) revient pour la troisième fois et s'intéresse cette année à l'alimentation de demain. Cette nouvelle édition, reportée à deux reprises en raison de la situation sanitaire aura lieu du 30 mars au 1er avril. Pendant ce temps, le programme du village a évolué. "Le Covid nous a rappelé différentes choses, il nous a ramené à l’essentiel, à ce qui nous importait vraiment."

Au village, des stands accueilleront des producteurs et transformateurs, des conférences, ateliers et concours seront organisés et des documentaires seront projetés. "L’objectif est de promouvoir une alimentation saine, locale, durable mais aussi gourmande et savoureuse. On peut se faire plaisir tout en mangeant équilibré", explique Manihi Lefoc, la fondatrice du VAI. Cela passe par la réduction de produits ultra-transformés et par la consommation d’un maximum de produits frais aux couleurs, goûts, textures les plus vairés possible.

Dans ce contexte, le VAI propose au public de découvrir l’offre disponible et les alternatives, mais aussi de mieux comprendre le fonctionnement de l’organisme ainsi que des systèmes de production, du champ à l’assiette. Manihi Lefoc rappelle ses quatre mots clés de base : "comprendre, découvrir, partager, respecter".

Il parait évident que l’alimentation contemporaine est, globalement, inadaptée. Le changement selon elle passe par des décisions individuelles. "Nous devons nous interroger sur ce que nous voulons, ce que nous acceptons de manger. Comment prendre soin de nous et du monde qui nous entoure ? Chacun peut apporter sa pierre en décidant par exemple de planter, de se mettre à cuisiner, de privilégier les produits locaux même si, il est vrai, cela peut représenter un coût." Il ne s’agit pas de changer radicalement et brusquement, mais de s’ouvrir aux alternatives, de revenir à des habitudes plus simples et pleines de bon sens.

Dans sa démarche, Manihi Lefoc est entourée d’une équipe "motivée et enthousiaste". Elle constate et se réjouit de l’intérêt croissant des institutions publiques mais aussi de particuliers, d’élèves comme ceux des lycées hôtelier ou professionnel qui se proposent d’animer des ateliers.


Contacts

FB : Village de l’Alimentation et de l’Innovat
Site internet du VAI
Tél. : 87 76 22 56

Rédigé par Delphine Barrais le Mercredi 16 Mars 2022 à 20:29 | Lu 1901 fois