Manifestations indépendantistes dans les rues de Jayapura


JAYAPURA, vendredi 5 août 2011 (Flash d'Océanie) – Sur fonds de violences intervenues depuis la fin de la semaine dernière en Papouasie occidentale (autrement connue sous le nom d’Irian Jaya), plusieurs milliers de manifestants ont défilé mardi dans les rues de Jayapura, en scandant des slogans demandant, entre autres, un référendum sur la sensible question de l’indépendance de cette province indonésienne.
Au cours d’incidents, accrochages et embuscades en plusieurs points de la province, la semaine dernière, une vingtaine de personnes, dont des policiers indonésiens, ont trouvé la mort.
Des manifestations de moins ampleur auraient aussi eu lieu en début de semaines dans d’autres points de la province, ainsi que dans la capitale indonésienne Djakarta.
À Jayapura, aux sons de slogans tels que « Papouasie Libre », de demandes de retrait des troupes de l’armée indonésienne et de mobilisation de la part de la communauté internationale, les manifestants ont défilé sous étroite surveillance policière et militaire, pour des effectifs mobilisés estimés à plus de sept cent.
Les décomptes les plus conservateurs tentant de quantifier la participation à ces manifestations, font état d’au moins deux mille personnes.
D’autres chiffres font état de dix mille personnes.
En début de semaine, aux abords de Jayapura, quatre personnes ont trouvé la mort lundi 1er août 2011 aux aurores alors qu’elles étaient tombées dans ce qui a été décrit comme une embuscade.
L’un des morts appartiendrait à l’armée indonésienne et était stationné dans cette province.
Sept autres personnes, toutes à bord d’un minibus pris pour cible, ont aussi été blessées par balles à des degrés divers.
Les assaillants étaient formés en un groupe d’une dizaine d’hommes armés de machettes et de fusils.
Après avoir érigé un barrage routier, ils avaient entrepris, en mode sniper, de prendre pour cible les véhicules capturés.
Certains d’entre eux ont mentionné une revendication indépendantiste de cette province.
La police indonésienne de cette province, mardi, a déclaré privilégier la piste des sécessionnistes de l’OPM dans cette affaire, mais n’est toujours pas parvenue à identifier les tireurs.
Plusieurs dirigeants coutumiers de la zone, pour leur part, accusent ouvertement la police pour certains, l’armée pour d’autres, d’être à l’origine de l’incident.

Guerres claniques

Tout au long du week-end dernier, par ailleurs, dans les hauts-plateaux du centre de cette province (qui constitue la moitié occidentale de la grande île de Nouvelle-Guinée, la partie orientale étant l’État indépendant de Papouasie-Nouvelle-Guinée), des affrontements en tribus rivales avaient déjà fait plus d’une quinzaine de victimes, sur fonds de désignation d’un nouveau chef d’un district récemment institué par les autorités et dont l’élection devrait avoir lieu début novembre 2011.
Avant que d’importants renforts policiers et des forces mobiles envoyés sur zone ne parviennent à rétablir un semblant d’ordre et une trêve, plusieurs habitations et véhicules ont été incendiés.

Conférence à Oxford

Cette semaine, c’est à l’Université d’Oxford (Royaume-Uni) que le sujet de la Papouasie occidentale sera au centre des débats à l’occasion d’une conférence intitulée « Road to Freedom » (le chemin de la liberté) et qui réunit des intervenant d’horizons divers, y compris des membres du mouvement indépendantiste papou OPM, afin d’aborder les questions de droit à l’autodétermination pour cette province annexée par l’Indonésie au début des années 1960 après une tutelle néerlandaise.
Participent notamment à cette conférence des personnages aussi variés que des juristes, des politiques, des hauts-fonctionnaires de l’ONU ou encore des militants (dont le chef du mouvement indépendantiste en exil, Benny Wenda) et chefs de clans papous, le tout sous la présidence du député britannique Andrew Smith.

L’une des plus grandes mines d’or et de cuivre à ciel ouvert au monde

La Papouasie occidentale recèle aussi l’une des plus grandes mines d’or et de cuivre à ciel ouvert au monde, exploitée par la société américaine Freeport-McMoran, qui fait l’objet d’attaques régulières de la part de militants papous.
Depuis de nombreuses années, le mouvement séparatiste mélanésien OPM (pour Operasi Papua Merdeka) s’oppose violemment au pouvoir indonésien dans cette province, où se trouve aussi l’une des plus grandes mines d’or de la région, Freeport McMoran, dont les employés américains sont la cible d’attaques régulières, sur le mode de la guérilla de jungle, de la part des sécessionnistes.
Les dernières tensions remontent à début avril 2011, lorsque deux employés de la mine d’or et de cuivre de Freeport (Papouasie occidentale) ont été retrouvés morts aux abords du site minier.
Le véhicule de la société à bord duquel les victimes se trouvaient a été retrouvé carbonisé, a précisé la société minière américaine par la voix de son porte-parole, qui précise que la production et l’activité générale de la mine (réputée la plus grande mine d’or à ciel ouvert au monde) n’ont pas pour autant été perturbées.
La police locale a annoncé un renforcement du dispositif de sécurité aux abords du site.
Quelques jours auparavant, deux personnes avaient été blessées au cours d’une autre fusillade, quasiment au même endroit, a rappelé Mada Aksanta, chef adjoint de la police de ce district de Mimika.
Auparavant, en août 2009, un autobus avait été attaqué par des tireurs embusqués, faisant au moins cinq blessés par balles parmi les occupants du véhicule, employés par la société minière.
Quelques jours avant, de précédentes embuscades avaient fait trois morts, dont deux ressortissants australiens employés de la mine.
La troisième victime, retrouvée au fond d’un ravin, était un policier indonésien.
Alors que le gouvernement indonésien avait rapidement attribué ces attaques au mouvement séparatiste de libération pro-mélanésien OPM, cette organisation a depuis farouchement démenti toute implication.

Des revenus fiscaux colossaux

Depuis, les convois, dans cette région, sont sécurisés par un important dispositif de véhicules de sociétés de gardiennage et de protection des personnes.
Début septembre 2010, la filiale indonésienne de cette société affichait, dans le cadre de l’annonce de ses résultats pour le premier semestre 2010, un poste budgétaire particulièrement important au plan du versement de taxes et impôts divers au gouvernement indonésien, à hauteur de près de neuf cent millions de dollars US, rapportait il y a quelques semaines le quotidien indonésien Jakarta Post.
Ces taxes comprennent à la fois l’impôt sur les sociétés, les cotisations patronales pour les près de vingt mille employés, la part de dividendes au gouvernement local (qui est actionnaire dans ce projet) ou encore les royalties versées aux propriétaires fonciers.
L’exploitation de ce projet minier à ciel ouvert, dans les Hauts-Plateaux de la Nouvelle-Guinée/Papouasie occidentale, a démarré au début des années 1990 et devrait continuer jusqu’à mi- 2015.
À partir de cette date, l’exploitation est prévue pour entrer dans une phase souterraine.
Il s’agit du plus grand complexe de production mixte or/cuivre et argent au monde.

Une police et une armée soudoyées ?

Fin décembre 2010, Helmi Fauzy, parlementaire indonésien membre du parti démocratique indonésien pour la lutte (Indonesian Democratic Party of Struggle, IDPS [parti indonésien démocratique de lutte]), s’est publiquement interrogé au sujet d’une éventuelle corruption de la police et de l’armée indonésiennes dans la province de Papouasie occidentale.
Ces commentaires faisaient suite à la publication d’une série de télégrammes diplomatiques via Wikileaks.
En réaction à la publication de ces documents, qui suggèrent que l’énorme complexe minier or/cuivre/argent américain de PT Freeport emploierait régulièrement des policiers et soldats pour sécuriser son site d’exploitation, le parlementaire a ouvertement qualifié de « dangereux » ce qu’il considère comme un conflit entre des intérêts publics et privés.
En octobre 2010, c’est par un autre site en ligne diffusant des images de torture qu’un autre scandale s’est fait jour concernant la province de Papouasie occidentale.
Ces images, diffusées sur le site YouTube, avaient suscité l’indignation des organisations de défense des droits humains.
Ces images, très dures, postées sur YouTube, et relayées depuis par de nombreux sites d’organisations humanitaires, avaient dès l’abord été présentées comme décrivant des actes de tortures de la part des autorités indonésiennes à l’encontre de Mélanésiens papous de cette province, où un mouvement indépendantiste mène une guérilla depuis une quarantaine d’années.
Dans ces vidéos, apparemment prises à l’aide d’un téléphone mobile, deux Mélanésiens sont vus soumis à des interrogatoires de la part de personnes présentées comme étant des agents des services spéciaux indonésiens, qui font notamment usage d’instrument brûlants sur les parties génitales des interrogés ou, dans une autre séquence, placent un couteau sous la gorge d’un des « interrogés ».
Ces actes se placent dans le cadre de ce qui semble être un interrogatoire « poussé » et au cours duquel les tortionnaires demandent aux individus de révéler l’endroit supposé de caches d’armes.
Ces images remonteraient à mars 2010.
Fin octobre 2010, après le tollé déclenché par la fuite de ce document vidéo, l’armée indonésienne avait finalement reconnu une implication de certains de ses soldats.
Au même moment, le gouvernement indonésien, via son ministre de la sécurité nationale, Djoko Suyanto, avait aussi reconnu que les personnes vues sur ces images étaient des soldats et qu’une enquête avait désormais été ouverte à leur encontre, pour qu’ils puissent répondre de ces actes qualifiés par Djakarta d’ « excessifs » et « non professionnels ».
« Sur la base d’un rapport préliminaire, nous avons conclu que ces soldats, sur le terrain, ont réagit excessivement dans leur manière de traiter ces gens qui avaient été arrêtés. Ce qu’ils ont fait n’est pas professionnel », avait-il déclaré.
Mi-novembre 2010, quatre soldats (dont un officier) de l’armée indonésienne ont été condamnés par un tribunal militaire indonésien à des peines ne dépassant pas les sept mois de prison ferme, du fait de leur participation établie à des actes de tortures.
Mais les organisations non gouvernementales spécialisées dans la protection des droits de l’homme, y compris Amnesty International, avaient depuis demandé que l’enquête soit non pas conduite par l’armée, mais par un organisme externe et « indépendant ».

pad



Rédigé par () le Vendredi 5 Aout 2011 à 06:05 | Lu 895 fois