Man’s Tahiti, la voix de la tolérance


TAHITI, le 19 mai 2021 - Membre de la communauté LGBTQIA+, Man’s Tahiti se dit queer. Il revient sur son parcours à l’occasion de la journée mondiale contre l’homophobie, la transphobie et la biphobie qui a eu lieu le 17 mai. Mais il insiste, il n’est pas militant. S’il veut être au-devant de la scène, c’est pour partager l’art qui lui permet de trouver sa place.

La chanson Hands up de Man’s Tahiti est une collaboration avec Tommy Driker. Le clip réalisé par Blackstone productions Tahiti vient tout juste de sortir. Il est en ligne depuis lundi soir. C’est un extrait d’EP de quatre titres. “Je ne suis pas seul sur cet EP”, précise Man’s Tahiti qui, depuis le début de l’année a fondé le groupe DMN avec deux musiciens de France : Nolan et Dylan. Ses paroles ont été enregistrées en studio, Nolan et Dylan ont composé de chez eux la partie instrumentale. En plus, dans cette aventure, quatre danseurs accompagnent Man’s Tahiti.

Dans cette chanson, il est question de la communauté LGBTQIA+ et des difficultés qu’elle traverse. LGBT ou LGBTQIA+ sont des sigles utilisés pour qualifier les personnes lesbiennes, gays, bisexuelles, trans, queers, intersexes et asexuelles, c'est-à-dire pour désigner des personnes non hétérosexuelles, non cisgenres ou non dyadiques. L'adjectif cisgenre est un néologisme désignant un type d’identité de genre où le genre ressenti d'une personne correspond au genre assigné à sa naissance. Le mot est construit par opposition à celui de transgenre. Le terme dyadique qualifie une personne non intersexe. Le sigle LGBT est ainsi complété avec d'autres lettres ou avec un “+” pour inclure d'autres variantes d’identité de genre, de caractéristiques sexuelles ou d’orientation sexuelle, comme l’asexualité par exemple.

Queer, une insulte aujourd’hui revendiquée

Man’s Tahiti se définit comme queer, un terme qui à l’origine signifie “bizarre”, “peu commun”, “tordu” et qui a longtemps été employé de manière péjorative, c’était un peu “comme une insulte”. Aujourd’hui, il est revendiqué selon Man’s Tahiti. “On affirme notre différence, on joue du genre, des codes du genre et de la sexualité. Moi-même je revendique ma position sur le spectre du genre”. Pour lui il n’y a pas les garçons d’un côté et les filles de l’autre, il y a bien ces extrémités mais entre les deux existent tout un tas de situations, d’hommes qui se sentent plus ou moins femmes et inversement. Il ne veut pas se compliquer la vie en inventant un 3e ou 4e sexe. Mais il considère toutes les nuances entre les deux extrémités de genre.

Lui est un homme, né Manea, qui aime se maquiller, qui aime jouer avec les apparences, qui aime entrer dans la peau d’un personnage, celui de Man’s Tahiti, coloré, lumineux, drôle. Il s’en amuse : “mieux vaut aller en soirée avec Man’s, de toute façon, Manea ne sort pas, il reste chez lui”.

Un être humain avant tout

Avant toute chose, il se sent “être humain, un être doué de raison, enfin j’espère”. En réalité, “c’est la société qui me qualifie de différent parce que je ne corresponds pas aux codes établis et choisis par le plus grand nombre”. Il rappelle qu’il a les mêmes besoins, les mêmes aspirations et désirs que tout autre terrien. Il a également les mêmes problèmes.

Man’s Tahiti, membre de la communauté LGBTQIA+, reconnaît l’aspect biographique du titre Hands up. “C’est ma vie, mon expérience”, décrit-il. C’est une porte ouverte sur les moments déplaisants de sa vie. “Je raconte mon parcours en tant que queer, le chemin que j’ai parcouru et sur lequel je suis toujours d’ailleurs pour essayer de m’accepter, pour pouvoir faire rayonner ma différence un peu comme une lumière.” Il dévoile des choses personnelles pour mieux les surpasser et pour donner du courage à ceux qui vivent ce que lui a traversé. “En me voyant on peut se dire : lui a réussi, il en est là, pourquoi pas moi ?

Né à Tahiti il y a 25 ans, il a grandi dans une famille “homophobe” et “patriarcale”. Il refuse de détailler les difficultés, le rejet, le cauchemar enduré par Manea, les souvenirs douloureux. Il tient seulement à dire “la chance d’avoir une mère qui aime son fils”. Il laisse son art parler du reste. La musique a toujours fait partie de lui, le chant, la danse, les textes et chorégraphies. “La musique est un autre langage où le rejet n’existe pas, au contraire. Avec elle, je me sens chez moi.” C’est elle qui lui a permis de dépasser les obstacles qu’il a eu dépasser.

À l’école, il a toujours été entouré d’amis bienveillants. “Je n’ai pas connu l’exclusion ailleurs que dans ma famille.” Une fois son baccalauréat en poche, il a démarré des études de littérature anglo-saxonne. “J’étais parti pour un parcours dans le professorat.” Mais tout a changé en 2016.

Vainqueur du Tahiti Festival Guitare

En 2016 donc, il remporte le concours de chant au Tahiti Festival Guitare. Il signe un contrat au Méridien. Il fait ainsi ses premières scènes, des animations musicales dans l’hôtel. En 2018, il remporte cette fois-ci le concours Le Grand Casting. Il s’envole pour la métropole où il reste deux semaines. “Là-bas tout s’est débloqué.” Il connaissait la culture drag-queen depuis plusieurs années mais ne l’avait pas intégré dans sa démarche artistique. Lors du concours, il a pu rencontrer des drag-queens, en chair et en os. “Ma coach vocale était drag-queen, ou plutôt bio-queen et avait rencontré mes idoles." Il pense notamment à RuPaul. L’idée d’être un autre la nuit venue a pris forme, Manea a imaginé Man’s Tahiti à son retour à Tahiti.

Man’s Tahiti ne sait pas s’il s’est trouvé “que serais-je dans dix ans ? Nous évoluons de jour en jour en fonction de nos rencontres, nos expériences agréables ou douloureuses”. Une chose est sûre en revanche, il ne voit plus l’exclusion et la haine, “car je suis entourée de lumière, je vis avec des personnes qui m’intéressent et m’inspirent. Je suis là où je dois être. Faire de la musique et la partager me rend heureux et c’est ma plus belle victoire”.

Le 17 mai est la journée nationale contre l’homophobie, la transphobie et la biphobie. L’occasion de rappeler les difficultés vécues par la communauté LGBTQIA+. La sortie de Hands up résonne avec l’actualité. Pour autant et malgré le titre qui pourrait laisser croire à un certain militantisme, Man’s Tahiti refuse d’être considéré comme un leader et un fervent militant. Il n’invite pas la communauté à se lever pour aller au front.

Défendre la cause gay, la communauté LGBTQIA+, n’a jamais fait partie de ses objectifs car “la haine homophobe, tout comme la haine raciale, ne mérite pas que l’on si intéresse, c’est si bas ! Je préfère me battre pour des causes vraiment nobles comme la faim dans le monde. Pourquoi me rabaisser ? Pourquoi me battre pour avoir le simple droit de parler et d’exister ?” Ceci étant dit, il en est convaincu, donner une visibilité à sa communauté n’est pas vain si cela peut aider ses membres. Et c’est pour cela que Man’s Tahiti s’affiche.

Contacts

FB : Man’s Tahiti


Rédigé par Delphine Barrais le Mercredi 19 Mai 2021 à 16:29 | Lu 2559 fois