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Maltraitance : Le calvaire d'une jeune handicapée devant le tribunal


PAPEETE, le 24 août 2016 - H est une jeune fille handicapée qui, pendant plusieurs mois, a vécu un calvaire. Dénutrie, battue, délaissée, son cauchemar s'est achevé le 26 juillet 2012 lorsque les gendarmes de la brigade de Faa'a l'ont retrouvée. Le procès de ses bourreaux s'ouvre jeudi.

Jeudi matin, le tribunal correctionnel de Papeete doit juger une affaire de maltraitance qui fait froid dans le dos. Le 26 juillet 2012, les gendarmes de Faa'a trouvent une jeune femme hagarde qui erre sur le bord de la route. Elle est dans un état "d'extrême délabrement physique". Aussitôt, militaires et pompiers, accompagnent la jeune femme, alors âgée de 21 ans, au Centre hospitalier du Taaone. Accueillie en urgence elle est immédiatement hospitalisée. La jeune femme mesure alors 1m65 et ne pèse que 33 kilos. Elle présente, par ailleurs, de grosses plaies aux jambes qui semblent infectées.

Le cas de la jeune fille, que nous appellerons H., est aussitôt signalé aux services sociaux qui après l'avoir entendue transmettent un signalement au Parquet.

L'enquête ouverte par le parquet révèle que la jeune femme aurait vécu des mois de sévices et de mauvais traitements quotidiens.

La victime portait des cicatrices dans le dos, des plaies au niveau des jambes et un état de maigreur important.

Les parents sont soupçonnés de lui avoir fait subir des violences quotidiennes. Sa mère est poursuivie par le parquet pour des faits de violences habituelles sur une personne vulnérable suivie de mutilation ou d'une infirmité permanente et délaissement d'une personne hors d'état de se protéger ayant entraîné une mutilation ou une infirmité permanente et non-assistance à personne en péril. Le beau-père est quant à lui poursuivi pour non-assistance à personne en péril.

Entendue par les services sociaux, les gendarmes et le juge d'instruction, H. raconte les violences qu'elle a subies. Elle déclare qu'elle se faisait battre et qu'on ne lui donnait que rarement à manger. Elle indique aussi avoir été mordue par les chiens et frappée régulièrement à coup de balai niau, de ceinture et avec le manche d'un râteau. Elle dit enfin avoir reçu des coups de poing sur le visage et avoir été obligée de dormir dehors avec les chiens.

Le rapport du médecin légiste fait état "d'une maigreur importante montrant des signes de sous-nutrition depuis plusieurs mois, des blessures d'origine traumatiques anciennes ainsi que la perte de vision de l'œil droit qui pourrait également être d'origine traumatique". Le médecin retient dans son rapport : "des coups instrumentés multiples sur le dos et possiblement sur les membres inférieurs; une dénutrition extrêmement profonde aboutissant à un état cachectique historique avec avitaminose (scorbut); des défauts de soins prolongés à trois blessures invétérées de faces antérieures des deux jambes; des lésions traumatiques faciales avec lésions du nez". Selon le rapport médical, ces lésions étaient de haute gravité "avec engagement du pronostic vital." Il précise par ailleurs que "c'est la privation de nourriture et non une autre cause médicale qui était à l'origine de l'amaigrissement et l'état cachectique et carentiel".

Par ailleurs, la victime avait indiqué avoir perdu la vue des suites de coups portés au visage : "c'est comme ça que j'ai perdu mon œil droit, depuis les coups de j'ai reçus. Je vois un peu de mon œil gauche." De son côté, le médecin indique dans son rapport que " la perte complète de l'œil droit, et les lésions de l'œil gauche pouvaient être d'origine traumatique", c’est-à-dire due à des coups.

Le dossier médical de la victime pointe qu'elle est victime de maltraitance infantile depuis son plus jeune âge. En 1992, alors qu’elle n’avait qu’un an, un médecin avait déjà constaté plusieurs signes de maltraitance. L'enfant avait fini par être placée dans une famille d'accueil à Raiatea en 1994.

La mère réussit à obtenir de nouveau la garde de la victime en 2007 après avoir prouvé qu'elle avait refait sa vie. De 2007 à février 2011, elle fait régulièrement suivre sa fille par divers médecins et psychiatre. En 2011 la mère obtient le placement sous tutelle de la victime. Elle est désignée tutrice. La mère de la famille d'accueil tente de revoir la victime à plusieurs reprises, à chaque fois les parents prétextent l'absence de la jeune fille.

Dans ses déclarations, la maman va réfuter tout mauvais traitement avant d'admettre l'avoir en effet frappée. Elle nie en revanche avoir affamé sa fille indiquant lors de l'enquête qu'elle "lui donnait normalement à manger, mais qu'il lui arrivait de la punir en ne lui donnant rien le soir deux fois par semaine." La mère justifie les punitions du fait du comportement de la jeune femme, qui selon ses déclarations tentait de séduire son mari et faisait ses besoins dans la maison. L'enquête de voisinage révélera que la victime allait régulièrement demander à manger aux voisins.

De son côté, le beau-père aurait déclaré ne pas s'être rendu compte que l'état de santé de la victime se dégradait parce qu'il la voyait tous les jours.

Quand elle a appris l'hospitalisation de la jeune femme, la responsable de son ancienne famille d'accueil s'est immédiatement rendue au chevet de la victime. Elle est aujourd'hui la tutrice de cette jeune handicapée.

Le tribunal correctionnel décide jeudi du sort des parents de la victime. Ce délibéré aura un impact considérable sur la vie de H et de son entourage.

Rédigé par Marie Caroline Carrère le Mercredi 24 Août 2016 à 16:54 | Lu 7909 fois